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Paris et pollution : la mémoire sélective d'Anne Hidalgo

Forcée d'avancer sur le plan de protection de l'air par les Verts puissamment représentés au conseil municipal, la maire de Paris sait pourtant que cela ne servira à rien, au moins dans un premier temps. Sans le secours des villes de la première couronne, Paris ne pourra pas en effet espérer abaisser de façon significative les émissions polluantes intra-muros. Comme le nuage de Tchernobyl s'arrêtant aux frontières, il n'est pas honnête de penser qu'une action concertée sur la seule agglomération de Paris puisse avoir des effets sensibles sur les niveaux de pollution. 

C'est donc en préparant le stade suivant du "Grand Paris", qui devrait s'ébaucher à partir de 2016, qu'agissent les élus de la capitale. La métropole du Grand Paris 1 regroupera principalement les communes de Paris et des trois départements de la petite couronne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, dont l'une des principales compétences portera sur l'environnement. 
Cependant, si Anne Hidalgo devait attendre l'assentiment de tous ses voisins, l'acte politique perdrait de sa force exemplaire. Et le retard pris par la France sur ses voisins européens en la matière - près de 200 villes d'importance soumises à un plan de protection de l'air (PPA) - fait que le dossier doit inévitablement être traité d'urgence. Mais pas n'importe comment, et c'est ce qui se profile à l'horizon parisien, souillé de pollution. 
Zapa zappées 
Les Zapa (Zones d'action prioritaire de l'air), zappées fin 2012 par Delphine Batho, alors ministre de l'Environnement, ont en effet servi d'études d'impact sur les pratiques actuelles qui mettront en place les PPA. Les services techniques concernés, notamment ceux de l'atelier parisien d'urbanisme dépendant en grande partie de la Ville de Paris et de la région, ont planché sur le sujet en 2011-2012 avec l'aide des diverses agences spécialisées (Airparif, DRIEA, Stratec) et remis leurs conclusions qui ne sont pas vraiment surprenantes. 
"Pour être réellement efficace, la mise en place d'une politique antipollution ne produirait d'effet significatif que si elle concernait un large périmètre comprenant Paris et les autres territoires (76 communes) intra-A86", affirme l'étude. Mais celle-ci s'empresse de tempérer le constat en évaluant les conséquences d'une telle décision. "Une interdiction portant sur un tel périmètre aurait posé problème en termes d'absorption des flux de voyageurs amenés à se reporter sur les transports en commun." La défaillance de ceux-ci ne permet pas en effet d'envisager une action d'envergure "sans un développement et des investissements conséquents en termes de transports en commun". Et cela n'arrivera pas avant, au plus tôt, 2020 avec la mise en place du Grand Paris Express, une ligne ferroviaire ceinturant Paris et destinée à combler les défaillances actuelles des transports en commun. 
Pollution en couronne 
En d'autres termes, rien ne sert de courir à Paris si on fait du sur-place dans les 78 communes de la première couronne. Pire, si Paris prend seule la décision des restrictions de circulation à l'encontre des véhicules les plus anciens, les spécialistes craignent "un effet de bord" qui reporte le trafic aux limites des zones réglementées avec une conséquence, l'accroissement des bouchons. C'est-à-dire exactement le contraire de ce que l'on recherche et que dénonce Chantal Bayard, secrétaire générale de la Ligue de défense des conducteurs (LDC). 
Celle-ci relève une autre catégorie d'usagers qui sera frappée : les travailleurs de nuit (hôtel, café, restaurant, infirmiers...). Ils représentent un tiers des emplois sur Paris et seront particulièrement touchés par ces restrictions affectant les véhicules anciens. Christiane Bayard s'indigne : "Comment feront les femmes assujetties à des horaires tardifs ? Seront-elles obligées d'emprunter des transports en commun peu sûrs au risque de se faire molester ?" 
Métro plus toxique 
Ironie du sort, elles courront aussi des risques trois à quatre fois plus élevés pour leur santé en empruntant le métro plutôt que le périphérique puisque,selon les relevés d'Airparif, le réseau souterrain émet en moyenne trois à quatre fois plus de particules fines que l'anneau routier (300 mg/m3 pour les quais du métro et jusqu'à 500 mg/m3 sur les quais du RER, contre 52 mg/m3 aux abords du périphérique). 
La même étude révèle aussi que 41 % des particules fines en suspension (PM10) émises par le trafic routier viendraient en fait de l'abrasion des pneus, du revêtement routier et des garnitures de freins. Ainsi, relève Christiane Bayard, "même les voitures électriques, préconisées par la mairie de Paris, disposent de pneus, d'un système de freinage et continueront donc de polluer". 
2 236 000 Franciliens concernés 
La solution de Christiane Bayard est quelque peu radicale, mais tient compte du fait que le remède est pire que le mal. L'analyse des déplacements domicile-travail met en évidence qu'à l'échelle de la région Ile-de-France, 43 % de la population active utilise un véhicule (voiture, camion, fourgonnette) pour se rendre à son lieu de travail. Dans le centre de l'agglomération, cette proportion tombe à 31 %, mais est assez contrastée selon les départements. Si celle-ci est très faible dans Paris intra-muros (16 %), elle dépasse les 40 % dans le Val-de-Marne. Des chiffres qui situent la défaillance des transports en commun en banlieue... lorsqu'ils fonctionnent. 
"Au total, en Ile-de-France, 2 236 000 actifs utilisent principalement un véhicule particulier (VP ou VUL) pour se rendre à leur travail", notait l'étude la plus récente de l'Apur en 2012. Bon nombre d'entre eux seront contraints d'envoyer leur véhicule à la casse et ce n'est pas l'angélisme d'Anne Hidalgo et des primes d'aides à l'achat qui les feront passer à la voiture électrique. Mais tout cela ne servirait à rien si l'on retient l'une des conclusions de l'Apur qu'Anne Hidalgo connaît forcément. 
"Le dispositif Zapa vise avant tout les vieux véhicules, qui ont une double caractéristique : d'une part, ils appartiennent aux populations les plus défavorisées, et d'autre part, ils parcourent beaucoup moins de kilomètres que les véhicules récents. Airparif a montré que la majorité des émissions de polluants est le fait du parc récent, avec un nombre de véhicules et de kilomètres parcourus plus importants, et non du parc ancien, moins utilisé. La mesure pourrait donc être perçue comme doublement injuste." 
Pour la LDC qui ne peut souscrire à ces décisions partisanes quand tant de gens ont besoin de leur véhicule pour la vie de tous les jours, il est préférable d'attendre. "N'en déplaise à Mme Hidalgo ou à Bruxelles, le parc automobile se renouvelle tranquillement. Inutile de mettre le feu aux poudres", conclut Christiane Bayard. 

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