La volonté d'un passage en force de la réforme des collèges, malgré la pluralité des objections, de "droite" comme de "gauche" mérite, en elle-même qu'on s'y attarde. Elle s'est manifestés dès le matin du 20 mai par un décret publié au Journal Officiel. Elle a été encore confirmée l'après-midi même, par une obstination caractéristique à l'Assemblée Nationale.
Aussi bien la ministre à laquelle a été attribué le dossier, que le chef du gouvernement, ont en effet manifesté un volontarisme autoritaire auquel l'ectoplasme élu en 2012 ne nous avait pas habitués. "Ah vous vouliez des réformes, eh bien en voici une" semblent nous dire nos gouvernants, comme s'ils désiraient aussi faire passer un tel message aux autorités de Bruxelles.
La première question qu'on devrait se poser, dans un France où les conflits sociaux semblent en sommeil, c'est de savoir si véritablement, comme tous les grands moyens d'information l'ont répété depuis le soir du 19 mai, le corps enseignant des établissements publics s'est montré, oui ou non, indifférents aux mots d'ordre protestataires.
Car, contre une réforme qui se prétend égalitaire, qui vise clairement les populations, c'est-à-dire l'électorat, des banlieues, ce sont les syndicats de gauche qui sont descendus dans la rue.
Le débat parlementaire a en effet prouvé une chose : le gouvernement tient à mettre en place dès la rentrée scolaire de 2016ce qu'il présentera comme une grande avancée sociale. Cette date, techniquement trop proche a été imposée en fonction d'une échéance politicienne qui se situe en principe, sauf accident du calendrier, au printemps de l'année suivante.
Et c'est précisément pour ne pas permettre au pouvoir de se "marquer à gauche", en vue de 2017, qu'en face, ce furent bel et bien les communistes et les gauchistes, le SNES-FSU, le SNEP-FSU, le Snetaa, le Snalc, Sud-Éducation, FO et la CGT Educ’action qui avaient lancé le mot d'ordre de la manifestation et de la grève.
Celle-ci a été observée, selon les académies, par 56 à 69 % des enseignants du secteur public en service ce jour-là. À noter que le gouvernement préfère comptabiliser une vue d'ensemble et répandre le bruit d'une "faible mobilisation". L'administration a donc décidé de recenser aussi, comme non-grévistes, les professeurs qui n'avaient pas de cours ce jour-là, et même ceux des établissements privés. C'est ainsi qu'il arrive à un pourcentage de 23 % qui permet de sous-estimer la réalité. "Bien réussi patron" dirait Mary Poppins.
On doit aussi comprendre le contexte de cette réforme pour, et surtout contre laquelle les Français se passionnent, à juste titre, depuis plusieurs semaines.
L'abaissement des collèges publics impactera évidemment l'avenir de la jeunesse de France, qu'on s'efforce encore de tirer un peu plus vers le bas. À ce titre, et indépendamment de toute considération politique institutionnelle, il mérite donc d’être dénoncé, combattu et, si possible, empêché.
La droite annonce qu'elle l'abrogera si elle revient au pouvoir : le principe de précaution commanderait de ne pas trop croire cette promesse et de ne pas se fier à cette hypothèse. En règle générale, en effet, ce qui tient lieu de "droite" dans notre pays "abroge" très peu.
Mais le chef de l'État, lui, a fait de cette "réforme" un argument de vente en vue de sa réélection. La proximité de "Najat" et de "Flanby" devrait nous éclairer. Son époux le fort discret Boris Vallaud a été promu à l'automne 2014 secrétaire général adjoint de l'Élysée. Cette nomination ne peut pas être tenue pour une coïncidence et le fait de poser la question ne nous ramène pas à un simple jeu de l'esprit conspirationniste.
On doit donc saluer la pugnacité au sein de l'opposition de Bruno Le Maire, et bien plus encore soutenir sa proposition de remplacer "le collège unique par un collège diversifié".
La mobilisation de droite, au vrai sens du mot, dont il se fait ici le rassembleur, aura cependant fort à faire pour imposer au sein même de l'actuelle opposition une telle évolution culturelle.
Bien évidemment, par exemple, MM. Juppé et Bayrou ondoient. Ces deux représentants de cet immobilisme chiraco-centriste qui a fait tant de mal par le passé nous ont habitué aux prises de positions contradictoires.
Ainsi, autrefois, après s'être déclarés l'un comme l'autre, entre 1991 et 1993, fort opposés au collège unique il n'y touchèrent pas. Ni l'un ni l'autre, – l'actuel maire de Bordeaux comme chef du gouvernement entre 1995 et 1997, l'actuel maire de Pau comme ministre de l'Éducation inamovible dans les deux gouvernements de droite entre 1993 et 1997, – n'accomplirent sur ce terrain aucune avancée. Et, aujourd'hui encore, ils flanchent sur cette question décisive et révélatrice du démantèlement du "collège unique". On vient d'apprendre un projet de grande manifestation "contre", mais on se garde bien de nous en révéler le contenu "pour". S'agira-t-il d'un nouveau miroir aux alouettes destiné à montrer simplement que l'opposition existe. On doit le craindre hélas.
À cet égard il faut bien situer les responsabilités dans le déclin de l'École : celles de la "droite" apparaissent considérables. Pour être plus exact on parlera ici de "fausse droite", d'une droite intoxiquée par des mots d'ordre que véhicule le grand orient de France, lieu géométrique de la classe politique socialiste, des opérations d'union de la gauche et de certains secteurs la haute administration comme le Ministère de l'Intérieur et l'Éducation nationale, ceci depuis très longtemps.
L'achèvement du collège unique remonte à la réforme Haby de 1975, c'est-à-dire à l'ère Giscard d'Estaing, mais ses racines sont beaucoup plus anciennes. On peut parler du plan Langevin-Vallon, clairement socialo-communiste en 1944-1945, et dont les ateliers et les convents du grand-orient discutaient déjà 10 ans plus tôt : de 1935 à 1975 ce"Socialisme maçonnique" (1)⇓ met 40 ans à s'instituer, puis de 1975 à 2015, il met encore 40 ans, avec le concours des destructeurs soixante-huitards à produire ses conséquences funestes en termes d'inculture.
Yves Thréard, s'adressant le 14 mai aux lecteurs du Figaro a exhumé, à fort juste titre sans doute, un beau texte de Léon Blum de 1933 mettant en cause "l'acharnement des députés de gauche, à détruire en France les études gréco-latines, maîtresses de civisme et de liberté".
Cet "acharnement", Léon Blum le jugeait alors "déconcertant".
Mais ne mettons pas seulement en cause les "députés de gauche". Les technocrates et autres ministres appelés par la "droite" étatiste s'y sont employés par le passé. Il faut empêcher cette manœuvre comme il fait enrayer celles de l'homoncule de l'Élysée dont Najat Vallud-Bekacem ne joue rue de Grenelle qu'un rôle néfaste d'agent recruteur en vue de 2017.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. les travaux d'AG Michel sur le "Socialisme maçonnique". ⇑
→ Pour être tenu au courant de nos chroniques, il suffit de s'inscrire à la liste de diffusion de L'Insolent en adressant un message à : <courrier.insolent-subscribe@europelibre.com>
http://www.insolent.fr/