Le pétrodollar n’est pas le seul levier de la puissance américaine contesté par les BRICS. Le contrôle des flux financiers pourrait aussi échapper en partie à l’Oncle Sam, au profit de la Chine.
Si Vladimir Poutine peut sourire – personne ne l’a vu faire – il en aurait l’occasion avec les derniers développements financiers de la région. Après avoir mis en place un méga-contrat de fourniture énergétique avec la Chine en yuans, la Russie aura bientôt la possibilité de se faire payer via un système électronique indépendant des USA et donc du dollar.
La Chine vient en effet d’annoncer qu’elle testait sur 20 banques, dont 13 Chinoises, une nouvelle technologie de transmission bancaire appelée CIPS – Système de Paiements Internationaux Chinois.
SWIFT est l’actuel système de transactions financières interbancaires. C’est un standard de communication créé en 1973 et utilisé par 10.800 institutions financières et 215 pays. Il est indispensable pour recevoir vos relevés bancaires, mais aussi pour transférer des fonds partout dans le monde, donner des autorisations de signatures dans une entreprise ou faire fonctionner un cash-pool. Voilà pourquoi un blocage de SWIFT signifierait la mort de l’activité économique d’un pays ou d’une banque, un peu comme si on vous interdisait d’utiliser le langage informatique Java : fini les achats en ligne avec votre Visa, vos consultations de comptes, les réservations sur le web, et extinction des téléphones sous Androïd.
La dernière utilisation de cette arme de destructions massive financière a eu lieu en 2012. Les USA et leurs alliés ont poussé SWIFT à retirer de son réseau 30 institutions financières iraniennes (y compris la Banque centrale). Cette sanction visait à stopper des milliards de dollars d’exportations de pétrole et mettre les entreprises iraniennes à l’arrêt.
Il s’avère que beaucoup de banques iraniennes avaient déjà paré cette attaque d’une manière presque embarrassante. Au lieu d’utiliser le système SWIFT pour envoyer et recevoir leurs ordres de paiement, ils ont simplement décroché leur téléphone ou envoyé un courriel. Certes cela est moins efficace et prend un peu plus de temps, mais au final fonctionne tout aussi bien et il n’y a rien que SWIFT ou quelqu’un d’autre puisse faire pour empêcher les banques de communiquer directement entre elles.
Cette approche « Peer to Peer » en dehors d’un système centralisé comme SWIFT a exaspéré les USA qui ont demandé à toutes les banques de refuser tout ordre de transfert « papier », soit par simple fax ou mail, officiellement pour des raisons de sécurité, et ont directement attaqué les banques qui avaient osé travailler avec l’Iran. D’où les amendes record contre la BNP, HSBC ou la Standard Chartered.
La vengeance des États-Unis se comprend d’autant mieux que la NSA, leur service d’écoute massive, enregistrait depuis des années toutes les opérations passées par le réseau SWIFT, comme pour Google ou Facebook. Les documents remis par le transfuge Edward Snowden allaient dans ce sens et les services américains ont invoqué une simple mesure antiterroriste qui ne s’appliquait pas aux transactions privées. Les protestations de l’Union Européenne se sont vite étouffées et il est à parier que rien n’est changé dans cette pratique. L’attaque récente contre la FIFA au motif que des sommes en USD auraient des provenances douteuses nous en fournit une nouvelle preuve.
Par contre ce scandale de surveillance illégale pourrait explique pourquoi les dirigeants de SWIFT n’ont pas cette fois obéi aux demandes Américaines contre le système bancaire Russe suite au coup d’État d’Ukraine. Bien au contraire, au lieu de lui couper le réseau ils ont proposé en mars dernier une place d’administrateur à la Russie dont ils se méfient pourtant.
Mais clairement la Russie avait déjà préparé une solution de repli avec la Chine qui annonçait alors le lancement d’un réseau de communication concurrent à SWIFT.
Le bruit de la mise en place d’un tel système était déjà parvenu aux marchés fin 2014, mais n’était pas considéré comme sérieux, car bien trop limité en termes de flux internationaux. Et techniquement trop complexe.
Mais le Yuan représente déjà 9 % des transactions mondiales et fait partie des 5 devises les plus utilisées au monde. Si la Chine parvient à rallier autour de son système les autres BRICS – Brésil/Russie/Inde/Chine/Afrique du Sud – alors l’internationalisation du yuan sera une réalité et la monnaie chinoise trouvera en confrontation directe avec le dollar US.
Et les moyens technologiques mis en place semblent sans mesure avec les estimations occidentales puisque les tests du CIPS sont en bonne voie et que la Chine pense pouvoir mettre son système en service dès septembre de cette année. La Russie est bien évidemment cliente, mais d’autres pays en dehors du cercle des émergents sont aussi très positifs face à cette initiative comme le Japon qui a déjà signé un accord « Yen/Yuan » en 2012 et de fait se dispense ainsi d’utiliser le dollar US.
Ce système va aussi aider les PME chinoises à accéder plus facilement aux marchés internationaux en leur évitant une très lourde charge administrative relative aux opérations de change.
La véritable question est de savoir quel est le plan à long terme de la Chine : Risquer des tensions avec les USA sur le terrain des devises n’est pas anodin, alors pour quel avantage au final alors que tous les voyants semblent au vert pour ce pays ?
Peut-être s’agit-il tout simplement de fierté nationale. ? La Chine est devenue la première puissance économique mondiale et comme elle le fait en renforçant sa puissance militaire et spatiale elle veut maintenant être reconnue comme une place forte financière.
Sur un plan plus terre à terre, un yuan reconnu internationalement permettrait de stabiliser les prix des matières premières utilisées par les usines chinoises qui sont encore achetées en USD.
Sans oublier que les entrepreneurs chinois pourront emprunter localement des devises à plus faible coût en ouvrant le marché des capitaux internationaux.
Mais ce qui est certain est que les autorités chinoises garderont le contrôle total de leur devise, et en particulier de sa parité.
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