Et si la Banque centrale européenne cessait de fournir des euros à la Grèce ? Dos au mur, les grecs pourraient choisir d’émettre une monnaie transitoire inspirée des IOU (« I Owe you », soit en français « je vous dois »).
« Si nécessaire, nous mettrons en place un système de monnaie parallèle, sur le modèle des IOU californiens, sous une forme électronique. On aurait du le faire, il y a des semaines », a expliqué le ministre des finances démissionnaire, Yanis Varoufakis. Soulignant que cette solution ne s’apparentait en rien à un « Grexit ».
Le gouvernement grec pourrait imprimer ces titres, sorte de bons du Trésor mais qui ne sont pas assortis d’intérêts, en guise de salaires, de retraites, ou pour payer ses fournisseurs. Sous forme papier ou sous forme de certificats électroniques, plus ou moins sécurisés, les IOU pourraient être émis en parallèle des euros encore en circulation, et à parité avec la monnaie unique. [...]
« Atténuer les effets sociaux de la crise »
Dans une tribune, les économistes Thomas Coutrot (membre du conseil scientifique d’ATTAC), Wojtek Kalinowski (codirecteur de l’Institut Veblen) et Bruno Théret (directeur de recherches au CNRS) vantent les mérites de cette monnaie transitoire.
« Il s’agit d’émettre, non pas une monnaie de cours légal, mais un simple instrument de crédit fiscal, de durée limitée mais reconductible, et de le faire fonctionner comme moyen de paiement. » Une monnaie de paiement libérée de toute intermédiation bancaire faisant directement appel au public.
Une méthode éprouvée par la Californie en 2008, après la faillite de la banque Lehman Brothers. Des coupons mis en circulation servaient alors à payer les factures et les commerçants.
En Argentine aussi, des monnaies locales ont fait leur apparition à partir de 1983 et jusqu’en 2003, année de leur interdiction par le Fonds monétaire international (FMI), « des recherches récentes portant sur le patacon émis par la province de Buenos Aires en 2001 et le bocade circulant de manière continue de 1985 à 2003 dans la province de Tucumán, montrent, qu’il s’agit d’expériences monétaires très positives (..) et qui ont permis d’atténuer significativement les effets sociaux d’une récession profonde et prolongée.»
« Inflation galopante »
Un avis que ne partage pas le banquier allemand Holger Schmieding, économiste en chef de la Berenberg Bank. Il dénonce les risques d’aggravation de la crise qu’implique une monnaie parallèle. Il s’appuie sur l’exemple d’ un retraité touchant une pension de 500 euros par mois, il pourrait toucher 500 en bons IOU.
S’il décide d’utiliser cet argent pour faire les courses, rien ne garantit que le commerçant accepte ce moyen de paiement. Méfiant, il pourrait même demander 50 IOU pour un panier de courses valant 30 euros.
« Une devise dans laquelle on n’a pas de confiance s’effondre dans une inflation galopante », prédit Holger Schmieding, pour qui le malheureux retraité se retrouverait avec une pension de 500 IOU ne valant plus que « 100 ou 150 euros sur le marché noir, ou gris, ou je ne sais quoi ».
Loin de la valeur de départ en euros. Un scénario catastrophe inspiré de l’exemple du Venezuela, où la monnaie locale, le bolivar, n’en finit pas de plonger sur un marché noir où le dollar américain est roi.
Reste que les IOU ne peuvent être assimilés à une vraie devise, pilotée par une banque centrale indépendante, servant d’unité de compte.
Pour certains experts, ils pourraient cependant être utiles et faire office de monnaie parallèle transitoire, permettant à la Grèce de rester dans une zone grise, « où l’on ne sait si elle est dans ou hors de l’euro », écrivait un éditorialiste connu du Financial Times, Wolfgang Münchau.
Ces IOU, par exemple garantis par les recettes fiscales futures, ne serviraient eux qu’à retrouver un peu de liquide pour les échanges quotidiens. [...]