Pour le deuxième été consécutif le maire FN de Fréjus, David Rachline, a confié les clés des arènes à ses amis de La patrouille de l’événement, une société chargée de gérer la programmation estivale pour le compte de la mairie. La Patrouille s’est payée un petit plaisir, vendredi dernier : un bon vieux concert de rock identitaire à l’ancienne avec de la baston à la fin.
Vendredi 31 juillet, les arènes de Fréjus étaient réservées aux amateurs de rock à l’ancienne. Pour 20 euros, la Patrouille de l'événement, avec la bénédiction du maire FN, David Rachline, leur promettait un concert de qualité. Le groupe de rock alternatif, La souris déglinguée, assurait le spectacle, précédé d’un invité mystère. Jusqu’au dernier moment le nom du « guest » est resté secret. Pas un mot dans la presse ni sur les sites et réseaux sociaux annonçant le concert de LSD, groupe phare des années 80. Les autorités n’ont pas été mises dans la confidence non plus. Il aura fallu attendre la dernière minute pour que l'identité du groupe soit rendue public et diffusée par Var-matin le lendemain. Son nom : In Memoriam, figure incontournable du rock identitaire Français (RIF) dans les années 90.
Fondé en 1996 par de jeunes étudiants nationalistes, In Memoriam fut l’une des formations les plus influentes de la scène rock d'extrême droite durant ses six années d'existence (1996-2002). Elle a bâti l'essentiel de sa réputation sur le terrain de l’activisme ultra nationaliste ou le combat en faveur de la Serbie de Milosevic, en pleine guerre du Kosovo. Ses membres qui ont mouillé dans les réseaux du GUD du FN ou du MNR dans les années 1990 ont largement contribué à diffuser le discours identitaire. Exemple d'un couplet du titre « Persona non grata », sorti en 2002 : « Nulle part où aller sans qu'on nous dévisage/Notre couleur de peau n'est plus à la page/Les uns nous rejettent, les autres nous baîllonnent/Nos pensées sont suspectes, il faut qu'on change la donne ! »
En 2002 toujours, l’un des fondateurs du groupe, Julien Beuzard, expliquait dans un obscur fanzine d'extrême droite, Fier de l’être, exhumé par le site antifasciste REFLEXes, comment les membres de In memoriam envisageait leur musique et leur rôle politique : « Nous voulons faire de notre communauté de pensée une communauté musicale, culturelle, économique… Pour cela notre communauté se doit d’être attrayante pour attirer de nouveaux individus. Ça ne passe pas forcément par une stratégie d’ouverture au « monde » qui implique souvent compromissions et reniements mais par une stratégie de séduction. »
Cette programmation très communautaire revient donc aux dirigeants de la Patrouille de l'événement, Romain Petitjean et Minh Tran Long qui, pour la deuxième année consécutive, organisent les festivités d'été aux arènes de Fréjus pour le compte de la Ville. Interrogé par Var-Matin sur le choix de In Memoriam, Romain Petitjean assume : « C’était un plateau rock, on ne peut pas faire plus rock. Comme la Souris Déglinguée, il s’agit de rock contestataire, mais il n’y a pas de propos racistes dans les paroles d’In Memoriam ». En tout cas, il y a de l'hostilité dans leur public : aux alentours de 00h30 un groupe d'une dizaine de loulous s'est payé une bonne bagarre. La police municipale a d'abord tenté d'intervenir avant de demander le renfort des fonctionnaires de la police nationale mobilisés à l'extérieur du site. «Ils sont arrivés face à une rixe impliquant une dizaine d’individus, des spectateurs avertis qui se battaient entre eux », nous a-t-on expliqué au commissariat de Fréjus. Les policiers ont fini par user de gaz lacrymogène pour disperser la fine équipe, sifflant la fin du concert. Aucune plainte n’a été enregistrée suite à ces événements.
Romain Petitjean sait parfaitement qu'il n'a pas invité que de simples rockeurs. Ancien militant identitaire reconverti dans la communication depuis une dizaine d'années, il s'est initié aux joies des chants païens auprès des membres d'Europe Jeunesse, le mouvement scout du GRECE, comme l’a relevé Mediapart. Il compte aussi parmi les anciens animateurs de Radio courtoisie. Sous le pseudonyme de Romain Lecap, c’est lui qui animait au moins jusqu'en 2013 « le libre journal des lycéens ». En février 2013 il consacrait par exemple une émission entière au mouvement néofasciste italien Casapound, une référence pour l’extrême droite radicale française. Quelques mois plus tôt, le 26 mai 2012, lors de la fête de cette même organisation, plus d’une centaine de militants hexagonaux faisaient le déplacement jusqu’à Rome. Ce jour-là, un groupe de rock remontait sur scène pour la première fois après dix ans d’absence : In Memoriam...
Le cabinet de David Rachline a fait savoir qu'il n'avait pas été mis au courant de l'initiative mais soutien ce choix, invoquant « la liberté d'expression » et « la liberté artistique »... Minh tran Long et Romain Petitjean peuvent souffler. Et continuer à développer leur boutique. Dans un article à la gloire de la Patrouille publié dans le journal municipal de juillet-août (page 29), Petitjean a d'ores et déjà annoncé que la machine était lancée pour la saison prochaine. Il promet même « un très grand spectacle » aux arènes... Avec un tas d'invités mystères ?
Mathias Destal
Marianne.net :: lien
http://www.voxnr.com/cc/dep_societe/EuFlylppAueMlYgUaA.shtml