CHRONIQUE D'ÉRIC ZEMMOUR, publiée dans l'édition du 12 novembre 2015 du Figaro
« Un réquisitoire contre la politique d'immigration suivie depuis trente ans par la droite comme par la gauche. Un témoignage de l'intérieur du système. Implacable. » Il s'agit de Décomposition française, le dernier ouvrage de Malika Sorel-Sutter, en librairie à dater du 16 novembre. Et il s'agit surtout de la trahison des élites politiques françaises. Trahison d'une ampleur inimaginable. Qui fait frémir. Et pourrait bien finir par entraîner de la part du peuple français dans ses profondeurs, au fur et à mesure qu'il en aura pris la pleine conscience, une réaction de rejet qui, comme l'a déclaré Nicolas Dupont-Aignant, hier matin, aux journalistes de France-Inter, en balayera tous les protagonistes. Ce qui nous différencie de Zemmour ? C'est que - sans nier que la République a pu en différentes circonstances, incarner le patriotisme français - l'universalisme, le multiculturalisme, l'utopie d'un peuple hors sol et hors Histoire, sont, selon nous, l'essence même de ce régime et n'en sont pas des accidents. Mais cela est un autre débat. Lafautearousseau
Un réquisitoire contre la politique d'immigration suivie depuis trente ans par la droite comme par la gauche. Un témoignage de l'intérieur du système. Implacable.
Théorie du complot. Complotistes. On connaît la rengaine. Dès qu'un livre, un article, un propos mettent en cause les élites, politiques, économiques, artistiques, médiatiques, la réplique cingle, immédiate et imparable : « Théorie du complot. Complotiste. » L'ouvrage de Malika Sorel est une réplique à la réplique ; la preuve par neuf - à la fois témoignage et analyse - de la réalité : « L'un de nos malheurs réside dans le fait que beaucoup de nos élites ne sont pas fières de la France… Ce que j'ai observé chez nos élites est plutôt le résultat d'un cocktail de désinvolture, de cynisme, et d'indifférence envers la nation. »
Le livre de Malika Sorel n'est pas sans défauts. Il est foisonnant ; hésitant entre l'ordre chronologique et thématique, entre témoignage personnel et analyse théorique ; accumulant extraits d'émissions de radio ou de télévision, citations, anecdotes, dans un style qui manque parfois d'élégance. Un air de déjà-vu, déjà lu, qui gâche l'originalité du propos. Mais l'essentiel est ailleurs. Il se dégage de cet ouvrage une sincérité, une authenticité, qui n'empêche nullement la hauteur de vue. Cette femme, née en France, de parents algériens, ayant passé son enfance en Provence, a reçu une brillante formation scientifique d'ingénieur. Elle aurait pu être Malika, après Rachida, Rama, Fadela, Najat, ou Myriam, toutes ces femmes dont nos présidents raffolent et font des ministres et des vedettes médiatiques.
Mais Malika n'a pas voulu jouer ce jeu pervers de victimisation et de discrimination positive, de casting et de carriérisme. Elle a souhaité, Malika, devenir française à l'ancienne, en s'assimilant. Mal lui en a pris. Nos élites ne mangent plus de ce pain-là : « Dans la bouche de nos élites politiques, médiatiques et intellectuelles, le terme “populaire” ne renvoie plus aux Français de souche, tout comme “jeunes” ne désigne pas leurs enfants ou petits-enfants.» Malika a cru que Villepin serait son grand homme, avant de l'entendre reprendre l'antienne de la victimisation. Elle a vu Nicolas Sarkozy tenter de détruire la République indivisible, avant que Simone Veil ne lui interdise in extremis sa réforme constitutionnelle qui aurait inscrit la diversité dans le marbre. Elle a été membre du Haut Conseil à l'intégration que le gouvernement Ayrault supprimera pour défense excessive de la laïcité. Elle a entendu une conseillère du président Hollande lui jeter d'un ton rogue : « Nous avons besoin d'optimisme.»
Malika avait tout faux, puisqu'elle croyait en la France qu'elle aimait d'amour. « Il y a dans l'assimilation une dimension magique, comme dans l'amour. » Malika a assisté à des comités interministériels où chacun rivalisait d'inventivité immigrationniste ; où les Français étaient sommés de s'habituer aux mœurs des étrangers ; où l'immigration était présentée comme la solution à tous nos maux. Où les professeurs, policiers, médecins, les médias, avaient intérêt à améliorer leur « interculturalité ». Elle a écouté les commissaires européens comme les représentants des États membres vanter une Europe multicultuelle comme l'avenir radieux du continent européen ; et réclamer que les programmes scolaires de tous les pays s'y adaptent. On comprend mieux, à la lire, où a été puisée la réforme des programmes de Najat Vallaud-Belkacem. Elle a entendu une élue socialiste demander au premier ministre qu'on « décloisonne les femmes de polygames » pour qu'elles vivent plus à l'aise dans des appartements séparés. Elle a entendu Jean-Louis Borloo manger le morceau du « grand remplacement » : «Il faut bien que les Français, on ait en tête une chose, c'est que l'avenir du pays se joue là, dans les banlieues. Pourquoi ? Parce que le taux de natalité de ces quartiers est deux fois plus élevé que sur le reste du territoire national. »
Elle a vu les auteurs d'un rapport gouvernemental effacer subrepticement une phrase tirée de l'enquête Pisa 2012 : « Plus préoccupants encore, les écarts entre les élèves issus de l'immigration et les autres demeurent très importants, même corrigés des variables socio-économiques.» Et faire comme s'ils n'avaient pas entendu que dans les concours d'accès à la fonction publique : « C'est à l'écrit sur copies anonymes que les élèves de l'immigration échouent.» Et pas du fait des discriminations à l'oral ! Elle a compris que c'était pour cette (fausse) raison pourtant que Sarkozy avait supprimé l'épreuve de culture générale de nombreux concours administratifs. Elle a observé « la crème de la crème » du Conseil d'État, faire assaut de subtilité juridique pour autoriser le voile à l'école, pour les élèves d'abord, et puis pour leurs mères qui accompagnent les sorties scolaires, ou permettre aux maires de contourner la loi de 1905 pour construire toujours plus de mosquées. Elle a entendu Erdogan recommander à ses nationaux immigrés de bien conserver des prénoms turcs pour leurs enfants alors que la France n'exigeait plus des prénoms français sur son territoire. Elle a entendu Éric Besson, officiellement ministre de l'Identité nationale d'un gouvernement de droite, proclamer en 2010 : « La France n'est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c'est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n'y a pas de Français de souche, il n'y a qu'une France de métissage. »
Malika a tout compris. Nos élites ont mis au rencart le peuple français, pour une utopie universaliste de citoyens du monde. « Nous vivons la mise en minorité progressive du peuple autochtone sur ses propres terres. C'est le simple jeu de l'arithmétique, et cela, les élites politiques le savent… Nous ne sommes plus dans un régime de solidarité nationale, mais dans celui, imposé par le haut, d'une solidarité internationale… Politique du dernier arrivé, premier servi. » Non, ce n'est pas un complot, c'est pire, c'est la réalité. Malika est venue, a vu, et a été vaincue. Mais au moins, au bout de cet itinéraire, qui pourrait s'intituler « Illusions perdues », Malika sait. Elle sait que nos élites savaient. Et qu'elles ont voulu ce que, désormais, nous savons. •
Décomposition française, Malika Sorel-Sutter, Fayard, 310p, 18 €, en librairie le 16 novembre