La commémoration des attentats de Charlie Hebdo s’est déroulée sans ferveur populaire. Comme si désormais le pays ne demandait plus de la compassion mais une véritable protection.
La place de la République semblait vide. Après les grandes marées du 11 janvier 2015, les manifestants, comme l’océan, s’étaient retirés et il ne restait plus que quelques groupes disparates sur la grande plage de bitume.
Les dignitaires arrivaient un par un. Anne Hidalgo se voulait rassurante : « Les Parisiens ne sont pas toujours du matin, a-t-elle expliqué. Ils seront plus nombreux cet après-midi. » Ce jour-là, cependant, les Parisiens n’étaient pas non plus de l’après-midi. L’hommage s’est déroulé dignement mais le cœur n’y était plus et, si les soirs les bougies se faisaient plus nombreuses, la ferveur qui avait envahi les rues de Paris il y a un an avait laissé place à une indifférence bienveillante. Peut-être y avait-il quelque chose de dissonant dans cette cérémonie mortuaire ?
Pour les lecteurs de Charlie Hebdo d’avant le 7 janvier, le choix de Johnny Hallyday, tête de Turc de Cabu, avait quelque chose d’incompréhensible. Un peu comme si Margaret Thatcher avait rendu hommage au chanteur Renaud ou Nicolas Sarkozy à Stéphane Guillon. Pour les autres, cette liturgie républicaine sonnait creux. Il faut reconnaître qu’à force de ne pas choisir entre les symboles cocardiers (garde républicaine, arbre de la Liberté, Marseillaise) et le méli-mélo pacifiste où se mêlent Le Temps des cerises, Jacques Brel et Johnny Hallyday chantant le texte de Jeanne Cherhal, on ne savait pas si nos étions sur les traces de Lamartine ou celle des Enfoirés évoquant leurs amis disparus. Le 10 janvier 2016, comme aux Invalides après le 13 novembre dernier, l’appareil d’État a décidé de faire la synthèse : les chœurs de la République en danger mais à la place du Chant du départ, « l’amour pour parler aux canons » et Les Prénoms de Paris pour répondre aux « kalachs ». Or, la mort impose silence, gravité, dépouillement et l’on peut légitimement se sentir étranger à ce syncrétisme qui donne à tout événement le ton et les teintes d’une émission de variété. [....]
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