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Jeux de rôles par Xavier ÉMAN

Ils se pourlèchent les babines de leur propre conversation. Cette intelligence mâtinée d’humour, le tout tellement subtilement distancié, quelle saveur, quel délice !

Ils sont catholiques mais « cools ». C’est d’ailleurs désormais le devoir principal, sinon unique, des bourgeois catholiques. Non pas respecter les commandements des Évangiles, ni les préceptes du Vatican, mais ne pas être « ringards ». Telle est leur mission, leur rôle sur cette terre. Alors ils tapent de la coke et partouzent un peu. Gentiment, entre gens bien nés et bien élevés, vouvoiement avant la sodomie et citation de Bernanos ou de Péguy entre la pipe et le shooter de vodka-red bull. Merci de ne pas s’essuyer la bite sur la toile de Jouy.

Ils vont à l’église le dimanche (soir) parce qu’ils trouvent ça « décalé », « original », « rebelle », « dadaïste » quelque part… Car ils ont l’âme artiste, se rêvent écrivains et sont poussivement journalistes en attendant la révélation au grand monde de leur sublime talent. Ils forment la « jeune droite décomplexée », c’est-à-dire débarrassée de ces deux boulets d’un autre âge que sont la décence et l’humilité. Malgré leur frénésie de « coolitude », ils arborent cependant toujours les mêmes faciès de fins de race que leurs prédécesseurs corsetés, les mêmes gueules d’animateurs de patronages et de Scouts d’Europe virés de la patrouille pour priapisme ou insuffisance cardiaque. Même les strings de leurs femelles ont des allures de serre-têtes Cyrillus.

Ils rêvent d’une « France éternelle » que leurs parents ont vendu à l’encan et regrettent surtout le temps où leur classe dominait sans partage et dirigeait sans gêne. Remplacés par plus avides et plus efficaces qu’eux, les orphelins à particules plus ou moins vérolées pleurent le latin et le grec, la poésie parnassienne et l’imparfait du subjonctif, toutes ces élégances oiseuses qui accompagnaient si bien le règne des maîtres des forges.

Héritiers dépouillés et penauds, ils feignent de regretter une « méritocratie républicaine », largement fantasmée, que leur caste a toujours cherché à contenir sinon à éradiquer. Pour choquer Bon Papa et animer les fins de soirées dans le Lubéron, ils parlent d’écologie, de justice sociale et de décroissance… Cela les fait frétiller. Le temps d’un « cercle » ou d’un cocktail-dînatoire, les petits-enfants de Thiers se prennent pour Louise Michel. Frisson garanti ! Marie-Adélaïde en a encore les cuisses trempées !

Ils sont tellement intrinsèquement, ontologiquement, de droite, jusqu’à l’ultime centimètre carré de leurs chèches immaculés, que leurs efforts désespérés pour paraître « anarchos-bolchéviques » sont parfois touchants, émouvants même, un peu comme ces enfants de gendarmes qui veulent à tout prix jouer les voleurs dans la cour de récréation de l’école primaire…

Xavier Éman

• D’abord mis en ligne sur A moy que chault !, le 9 janvier 2016.

http://www.europemaxima.com/

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