Le 19 avril, le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a déclaré qu’Ankara cesserait de remplir ses obligations envers l’Union européenne concernant les « migrants » si cette dernière n’exemptait pas les Turcs de visas pour pénétrer librement dans l’espace européen. Dès le lendemain, la commission Junker a cédé et a programmé pour le 4 mai la mise en œuvre de cette disposition. Aussitôt demandé, aussitôt exécuté ! Ankara invoque l’accord signé à Bruxelles à la mi-mars entre la Turquie et l’Union européenne prévoyant, entre autres, cette exemption de visas, les Turcs s’engageant à conserver momentanément les « réfugiés » sur son territoire et à accepter le retour de ceux qui sont déjà arrivés en Grèce. Et ce, contre paiement de 75 milliards pour leurs frais. Or, pour l’instant, seuls 750 « migrants » ont été transportés à bord de deux ferries du port de Mytilène sur l’île de Lesbos vers la Turquie. En revanche, Erdogan, est prêt à envoyer en Europe 25 000 « réfugiés » syriens en Europe après avoir vérifié qu’ils sont éligibles à la générosité européenne.
Les autorités turques avaient exigé le 18 mars que le projet d’exemption soit déposé avant fin avril, d’où l’ultimatum à la Commission, laquelle avait accepté cette date butoir en espérant sans doute qu’Ankara ne serait pas à cheval sur le calendrier. D’ailleurs, elle avait tout accepté ! Notamment que les négociations pour l’intégration de la Turquie reprennent alors que la plupart des pays membres y sont hostiles, d’où l’arrêt du processus en 2011, car le pays ne satisfaisait pas aux conditions d’intégration, malgré les 4,8 milliards d’euros reçus de l’Union européenne (685 millions d’euros par an) pour faciliter son adaptation aux critères européens. Mais les dirigeants turcs, eux, considèrent que l’entrée dans l’Union est quasiment acquise, le premier ministre n’a-t-il pas déclaré mardi devant le Conseil de l’Europe que son pays est « partie inséparable de l’Europe » ? Une nation de 70 millions d’habitants dont 96 % sont musulmans serait donc européenne ! Si telle est aussi leur conviction, que Merkel et Hollande informent leurs ressortissants de cette nouvelle.
La Turquie ne satisfait toujours pas aux critères posés par l’Union – elle n’en honore que 35 sur 72 – elle s’en est même éloignée sur le respect des droits de l’homme et ne reconnaît pas Chypre, pays membre de l’Union ! Mais nécessité fait loi pour Bruxelles. L’accord irresponsable du 18 mars a été pris dans la panique devant l’afflux massif des « réfugiés » invités par Mme Merkel, celle-là n’a vu de salut qu’en Ankara qui a évidemment profité de cet avantage pour faire monter les enchères et ses exigences. La Commission, prise à la gorge par sa propre inconscience, va évidemment céder, ne disposant pas de plan B pour arrêter l’invasion des « migrants ». Ou, plutôt, il n’y en a qu’un qui aurait empêché le recours à la Turquie : la fermeture des frontières et la dénonciation des accords de Schengen. Mais c’est ce à quoi les obstinés de l’utopie européiste ne se résoudront jamais, c’est aux peuples de les y contraindre.
Par Guy Rouvrais
Article paru dans Présent daté du 22 avril 2016
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