Les inrocks consacrait hier un article à l’affrontement de plus en plus ouvert entre François Hollande et Emmanuel Macron, les désirs d’émancipation du second (cherche-t-il à se faire débarquer du gouvernement?) augmentant au rythme de la plongée dans les sondages du premier. Et le magazine de rappeler cette déclaration du ministre de l’Economie: « lorsqu’un président nomme quelqu’un ministre, il le fait parce qu’il pense que c’est bon pour le pays, pas pour en faire son obligé. Moins de trente mots du ministre de l’Economie Emmanuel Macron ont réussi à déclencher la colère de l’Elysée. » « L’ancien banquier de chez Rothschild devait se douter de l’effet de sa citation » avance Les Inrocks « puisque, à en croire le Canard enchaîné, il s’est beaucoup agité pour la faire censurer avant parution (…). Tu devrais faire attention, je reçois des textos de ministres qui me demandent de restaurer mon autorité en te virant, a glissé François Hollande à Emmanuel Macron. » Le chef de l’Etat a ensuite « résumé la situation, en petit comité : Il y a toujours un personnage mythique qui sort comme ça (en parlant de Macron, ndlr) à un an de la présidentielle. Un personnage qui vient expliquer que la politique telle qu’elle est conduite n’est pas bonne. Avant 1981, c’était Coluche. Cela aurait pu être, aujourd’hui, Nicolas Hulot. Le lancement de la fusée Hulot a d’ailleurs été paralysé par le lancement de la fusée Macron. Mais ensuite, tout ça se dégonfle, parce que c’est hors-sol.”
Hors-sol et pas seulement dans sa définition politico-partisane (M. Macron n’est ni élu, ni encarté au PS) , le ministre de l’Economie l’est aussi du fait de la philosophie politique libérale, cosmopolite qui est la sienne et qu’il assume avec moins d’hypocrisie et de faux semblants que de nombreux ténors de LRPS. Dans un entretien accordé au quotidien belge Le Soir, paru le 20 avril, Emmanuel Macron réitérait ses prises de position en faveur de l’accueil accélérée des populations non européennes : » (les) réfugiés, c’est vrai qu’ils vont moins en France, mais parce qu’il y a du chômage. Je le regrette pour mon pays car les réfugiés sont une force. […] Les réfugiés qui risquent leur vie pour des raisons politiques, sont des héros. » En visite en Allemagne, notamment à la foire de Hanovre ( inaugurée par Barack Obama il y a quelques jours ) il a, comme le président américain félicité Mme Merkel pour sa politique d’accueil des migrants et fustigé le réveil des peuples contre l’Europe de Bruxelles.
Dans un entretien au journal allemand Die Zeit, paru aujourd’hui, le ministre français de l’Economie s’est inquiété d’une possible « disparition » de l’UE. » « Je suis persuadé que ma génération a un devoir historique : la reconstruction de l’Europe ». Une Europe abstraite, désincarnée, réduite à se dimension de grand marché ouvert à tous les vents, à tous les flux, conforme au projet mondialiste. « Pour moi la chancelière a eu raison avec sa politique sur les réfugiés » a-t-il répété. « Elle a fait preuve de courage et d’endurance et, comme la France, s’est engagée en faveur d’une solution européenne. »
Projet contre projet, celui du FN cristallise sans surprise toute la hargne, toutes les peurs dans cette course contre la montre engagée entre les défenseurs de l’éternel modernité du modèle national, et les idéologues du monde d’après, ou, pour paraphraser Nicolas Sarkozy, l’expression « de souche » aura disparu. Nous l’évoquions hier, L’Express consacre sa une à cette question cruciale pour un Système qui apparaît à bout de souffle, mais dont il ne faut certainement pas sous-estimer la capacité à se défendre, à muter: « Comment démolir le FN ? »
Ce matin sur France Culture, le chroniqueur Jacques Munier faisait l’éloge du pensum caricatural pondu par le juppéiste Maël de Calan censé décortiquer le programme d’un FN qui, à les entendre, « promet tout et le contraire de tout », ou « revirements et contradictions prolifèrent. » Propos, jugements mille fois ressassés, fruit d’une analyse sciemment tronquée, partielle, partiale, la présentation de ce petit opus sur cette antenne servant de prétexte à une attaque en règle contre l’opposition nationale, notamment pour son refus de passer sous les fourches caudines du Nouvel ordre mondial. Ce que M. Munier traduit par « l’allégeance » qui serait celle du FN vis-à-vis du nouveau Satan, un « Vladimir Poutine acharné à soutenir tout ce qui menace la cohésion de l’Union européenne »!
Le journaliste de la matinale de France culture ne manque pas d’apporter sa contribution aux propos du chroniqueur en citant, comme gage de moralité et d’objectivité, le comédien socialiste Philippe Torreton. Dans L’humanité, caution bourgeoise s’il en est sur les radios du service public, M. Torreton, relate-t-il avec gourmandise, écrivait que « la propagande du FN progresse à cause d’un appauvrissement de la biodiversité de la vie politique, comme les méduses qui dominent la faune océanique faute de prédateurs et finissent par saturer les mers de leur présence urticante et flasque » (sic). Encore un qui a bu la tasse!
Flemmard (?) ou fatigué (?) M. Munier recycle dans le reste de sa petite chronique, une plus ancienne, débitée le 17 février 2015, reprise ici quasiment mot pour mot, consacrée à l’étude de Cécile Alduy et Stéphane Wahnich : « Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste. » Il est expliqué que le FN « (utilise) les mots de l’économie comme une nébuleuse enrobante », « adresse un signe à l’électorat qui lui résiste encore, celui des catégories socio-professionnelles supérieures, en leur montrant qu’il partage la même langue et qu’il a relégué l’argumentaire monothématique sur l’immigration »… Monothématique? Cela n’a jamais été le cas! En témoignent les différentes campagnes de notre Mouvement depuis trente ans, axées sur les questions sociales, économiques, environnementales, européennes etc. Mais aussi le dernier programme en date du FN , paru en juin 2001 -n’ont été publiés depuis que des Projets présidentiels, celui de Jean-Marie Le Pen en 2007, celui de Marine en 2012, dans l’attente de la finalisation du nouveau pour 2017- dans lequel seules 35 pages sur 425 étaient consacrées à l’immigration. Une proportion peu ou prou identique aux programmes précédents des années 80 et 90.
Last but not least , le FN utiliserait « un double discours » « à disposition pour resserrer les rangs à l’intérieur et séduire à l’extérieur, notamment les journalistes et à travers eux l’opinion. » Bruno Gollnisch serait l’un des initiateurs de cette stratégie de « piratage lexical », puisque « le choix des mots à la place des idées, sont d’ailleurs une vieille affaire au Front National. Dans les années 80 (90 surtout, NDLR) cette stratégie portait un nom : la bataille des mots (la bataille du vocabulaire était plus précisément le terme employé, NDLR). « Les batailles politiques sont des batailles sémantiques affirmait alors Bruno Gollnisch – celui qui impose à l’autre son vocabulaire lui impose ses valeurs, sa dialectique, et l’amène sur son terrain à livrer un combat inégal. Les signifiants immigration, insécurité ou identité nationale étant acquis et comme investis d’un pouvoir magique de suggestion politique, Marine Le Pen braconne aujourd’hui dans le vocabulaire républicain ou même celui de la gauche pour lui faire dire autre chose. »
Et le chroniqueur de conclure: « les mots sont par nature la propriété de tous et de chacun d’entre nous. Prenons garde aux tentatives sournoises de les dénaturer, et rappelons-nous les mises en garde de Georges Orwell ou de Victor Klemperer qui décryptèrent le langage totalitaire et lui firent rendre gorge de ses mensonges. » Dans le maniement très pervers de l’inversion accusatoire, les analystes politiques de France Culture, M. Munier le prouve, n’ont généralement rien à envier à un Philippe Torreton cité plus haut ou a un clone du même acabit. Le talent d’acteur en moins ?