C’est toujours une question extrêmement passionnelle, et donc politiquement très délicate, que celle du destin d’Israël et de ses limites territoriales. Contrairement à ce qui s’était passé en 2011, l’absence de veto des Etats-Unis a permis au Conseil de sécurité de l’ONU, avec la voix de la France donc, d’adopter vendredi, et c’est une première depuis 1979, une résolution condamnant Israël pour sa politique de colonisation en Cisjordanie. Malgré le soutien militaire sans précédent, de 38 milliards de dollars pour la décennie 2019-2028, octroyé à l’État hébreu par l’administration Obama en octobre dernier, beaucoup de politiciens israéliens ont accusé le président sortant d’abandonner son allié privilégié. Et ce, juste avant de passer la main à Donald Trump qui a réagi à cette résolution en promettant d’ores et déjà d’en limiter les effets. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a indiqué officiellement, et ce n’est pas une surprise, qu’«Israël rejette cette résolution anti-israélienne honteuse des Nations unies et ne s’y conformera pas.». Pareillement et comme à son habitude, la réaction de la municipalité de Jérusalem a été toute aussi virulente avec l’annonce de son intention de délivrer aux colons, en guise de représailles, des centaines de nouveaux permis de construire. Une politique de colonisation qui est aussi concrètement, dans la ville sainte de Jérusalem notamment, une politique d’expulsion de leurs maisons de musulmans ou de chrétiens palestiniens.
En France, des soutiens très marqués à l’Etat hébreu ont dénoncé cette résolution de l’ONU fustigeant la colonisation israélienne, sur fond de compétition démographique, de guerre des ventres entre Juifs et Arabes. Le député LR Claude Goasguen a jugé le vote des nations unies «dangereux» en ce qu’il « (met) l’accent sur Israël seule démocratie de la région, à un moment où la majeure partie du Moyen-Orient est en feu, (et) peut créer un nouvel abcès de fixation. » Même élément de langage dans la bouche du président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Christian Estrosi , qui a annoncé son «départ pour Israël où il (va) témoigner (son) soutien à Benjamin Netanyahou après une décision de l’ ONU dangereuse qui attaque la seule démocratie de la région».
Membre au Parlement européen du groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL), le néerlandais Geert Wilders, dirigeant du PVV (Parti pour la liberté), soutien lui aussi inconditionnel de l’Etat hébreu, à déclaré sur son compte tweeter : « Obama a trahi Israël. (…) Mon conseil à mes amis israéliens : ignorez l’ONU et continuez à construire de plus en plus de localités juives ».
La diplomatie française défend de longue date une solution à deux Etats, le droit pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, de vivre en paix, chacun dans un pays viable, aux frontières sûres et reconnues, position qui est classiquement celle du Front National. La France organisera d’ailleurs le 15 janvier à Paris, une énième conférence, en l’absence des Israéliens comme des Palestiniens, pour « réitérer le soutien de la communauté internationale à une solution au conflit israélo-palestinien sur la base de deux États. »
Bruno Gollnisch l’a souvent rappelé, y compris dans l’hémicycle du Parlement européen, les colonies juives sont illégales au regard du droit international. L’UE ne reconnait pas comme faisant partie intégrante de l’Etat hébreu les territoires occupés depuis 1967 par les colons juifs, à Jérusalem-est comme en Cisjordanie, sur laquelle le royaume Hachémite de Jordanie a abandonné ses droits depuis longtemps.
La situation est formidablement complexe et le député européen frontiste le soulignait en novembre 2014, lors du débat sur le statut de la Palestine, «la reconnaissance de l’État palestinien ne suffira pas à restaurer la paix. C’est évident, mais le maintien du statu quo suffira-t-il à restaurer la paix? (…). Le terrorisme (est) tout à fait condamnable, mais il est évident que le terrorisme se nourrit du désespoir (…). Je crains, surtout pour Israël, qu’il ne soit trop tard. Si Israël ne négocie pas maintenant, si on n’a pas voulu négocier avec le gouvernement palestinien, on a le Hamas. Si on ne négocie pas avec le Hamas, on aura les djihadistes. »
Une crise insoluble ? Nous rapportions les propos du « père d’Israël » dont il fut en 1948 le premier chef de gouvernement, David Ben-Gourion, cités par Nahum Goldmann dans « Le Paradoxe Juif » : « Si j’étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal ; nous avons pris leur pays. Il est vrai que Dieu nous l’a promise, mais comment cela pourrait-il les concerner ? Notre dieu n’est pas le leur. Il y a eu l’antisémitisme, les Nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute ? Ils ne voient qu’une seule chose : nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ? ».
Les extrémistes juifs –mais là aussi n’est-ce pas de leur point de vue assez cohérent ? – dénoncent l’ingérence, l’absence de légitimité des conférences internationales qui entendent parler de l’avenir d’Israël. Le dirigeant du parti d’extrême droite Israël Beiteinou, et actuel ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a affirmé que cette conférence de Paris n’est pas « une conférence de paix mais un tribunal contre l’État d’Israël ». « C’est une version moderne du procès (d’Alfred) Dreyfus avec l’État d’Israël et le peuple juif sur le banc des accusés (…).» Avant d’ajouter à l’adresse des Juifs de France: « Si vous voulez rester juifs et que vos enfants et petits enfants restent juifs, vous devez quitter la France et venir vous installer en Israël ». « Ce n’est pas votre pays, ce n’est pas votre terre, quittez la France et venez en Israël ».
Le très droitier site américain pro israélien Dreuz-info a lui aussi fustigé cette résolution de l’Onu, non sans faire référence, assez curieusement au FN, sous la plume de Jean-Patrick Grumberg . « J’ai beau ne pas avoir de sympathie pour le Front National « écrit-il , « il ne s’est pas rendu coupable (comme l’ONU, NDLR) de ce degré de malignité envers les juifs. Il n’a certes pas encore le pouvoir me répondrez-vous, et vous aurez raison.»
Si M. Grumberg accrédite encore implicitement l’idée folle que nos compatriotes d’origine ou de confession juive pourraient pâtir d’une victoire de Marine Le Pen en 2017, terminons cet article avec ce témoignage du journaliste Michel Feltin, publié aujourd’hui sur le site de France Inter. De retour d’Hénin-Beaumont, il a assisté aux réjouissances à l’occasion de la fête et de la procession, très populaire dans la bassin minier, de la Sainte Barbe, en présence du maire Steeve Briois et de Marine. M. Feltin a pu jauger de la dédiabolisation réussie du FN dans cette municipalité frontiste.
Si les discours des Torquemada de l’antifrontisme n’impriment plus c’est parce que dans les territoires occupés depuis trop longtemps par une crise économique, sociale, identitaire, les partis du Système sont renvoyés à leurs mensonges, à leur déni du réel. « Les habitants de la France périphérique, comme on l’appelle, sont excédés par les échecs successifs des gouvernements de droite et de gauche contre le chômage. Ils doutent des bienfaits supposés de l’Union européenne et de la mondialisation. Ils n’acceptent plus d’être moralement condamnés quand ils se tournent vers un parti qui leur donne, à tort ou à raison, l’impression d’être le seul à comprendre leurs difficultés. Surtout quand ces condamnations sont émises par un Parti socialiste dont les derniers représentants locaux ont été impliqués dans des affaires de corruption et de détournement de fonds publics.»
«Alors, il faut rester prudent quant aux prévisions électorales les derniers mois l’ont montré, mais ce que je crois profondément, c’est qu’une scène comme la fête de la Sainte Barbe à Hénin-Beaumont, par son caractère ordinaire, peut nous aider à comprendre ce qu’il va se passer lors de la présidentielle de 2017.» Nous en acceptons l’augure!
https://gollnisch.com/2016/12/27/dans-les-territoires-occupes/