Source : OJIM – « Propagande médiatique : Cédric Herrou, le passeur dépassé »
C’est le « buzz » médiatique de ce début d’année 2017 : le procès de 2 passeurs de migrants à la frontière franco-italienne. Dès le 23 novembre, l’avocate de l’un des 2 prévenus l’annonçait à un journaliste de 20 minutes : leur procès est « à dimension nationale ». « Parce qu’aujourd’hui les citoyens français ne savent plus s’ils ont le droit ou non d’accorder une aide humanitaire », avance Maitre Binimelis. Les journaux, les radios et les sites internet d’information ont consacré de nombreux articles sur ce sujet.
Cédric Herrou vers la sanctification
Les titres des articles sur Cédric Herrou, l’un des 2 prévenus, sont laudateurs à l’image des propos de l’invité des « matins » de France Culture le 6 janvier. Serge Slama, maître de conférences en droit public à Nanterre, parlant des actes de Cédric Herrou, cite Edward Snowden et Michel Rocard « qui a dénoncé la torture en Algérie ». Pour Le Parisien on parle de « Huit mois de prison requis contre un agriculteur qui avait aidé des migrants ». Pour Euronews, c’est « le procès de l’agriculteur qui aide les réfugiés. Il est jugé pour avoir porté assistance à des migrants près de la frontière franco-italienne ». 20 Minutes parle d’un « militant du camp de migrants poursuivi pour « aide au séjour » ».
Notre héros de la semaine aura même droit à un duplex lors de l’Émission politique de France 2 jeudi 5 janvier, dont l’invité était l’ancien premier ministre et candidat à l’élection présidentielle, Manuel Valls. Le camp du bien a trouvé une nouvelle figure. À lire les titres de la presse, notre héros du jour se serait limité à aider des personnes en difficulté.
Un faux naïf ?
Mais qu’a fait précisément Cédric Herrou pour être à ce point médiatisé ?
Le Figaro nous informe que « Cédric Herrou était, justement, poursuivi pour avoir aidé des étrangers à entrer en France puis les avoir hébergés dans une colonie de vacances désaffectée de la SNCF ».
L’Obs liste les poursuites dont M. Herrou est l’objet : « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour de personnes en situation irrégulière, et occupation illicite de propriété privée ». Le Monde nous indique que « Cédric Herrou a transporté plus de 200 migrants depuis six mois ».
Dans un autre article, L’Obs, dans sa rubrique de storytelling dédiée aux migrants, lui laisse la parole. « En 2015, j’ai commencé à prendre des migrants en stop à Vintimille pour les conduire chez moi. » « Les arrivées ont continué et l’on s’est retrouvé avec 58 personnes à la maison. Mon jardin s’est transformé en camping avec des caravanes, un cabanon, et j’avais casé plein d’autres personnes dans les maisons aux alentours. Un peu perdus et pris au dépourvu, nous avons décidé d’ouvrir un squat désaffecté qui ne dérangeait personne ».
À Marianne, Cédric Herrou précise : « Avant le squat, il y avait 58 personnes chez moi. J’avais pris la décision de ne plus les passer parce que je pensais que j’étais responsable de l’afflux des gens chez moi. Avec l’association Roya Citoyenne et avec le soutien d’autres associations humanitaires, on a décidé alors d’ouvrir un lieu pour les héberger, on a choisi la colonie de vacances car le lieu était ouvert et ne prenait pas l’eau ».
Comme le fait remarquer un commentaire de l’article sur le site de Marianne, « Il s’est senti envahi. Il reconnait même implicitement que sa conduite faisait appel d’air. Alors débordé par sa conduite irréfléchie, il se reprend. Il occupe un centre abandonné. Il viole le droit à la propriété privée. Il outrepasse une nouvelle fois les lois de son propre pays ».
L’Obs le reconnait, les structures d’accueil, à peine créés, sont saturées. Cela n’empêche pas l’agriculteur de déclarer à L’Obs : « je ne regrette rien et je continuerai ». Il ajoute lors du duplex avec M. Valls, « Vos frontières ont blessé des femmes, des enfants, des familles ». « Des familles qui se sont fait persécuter dans leur pays par une politique européenne, mondiale ».
Malgré le nombre impressionnant de passages relevé par Le Monde , pas un article ne fera le lien avec les activistes anti-frontières de la mouvance No border, dont le journal Regards a fait une présentation à la frontière franco-italienne en septembre 2015. Tout comme on ne trouvera pas davantage d’analyse sur la prétendue persécution par l’Europe, dans leurs pays, d’Érythréens et de Soudanais qui selon C. Hérrou, serait à l’origine de migrations. Seul un contributeur de Marianne aura relevé les contradictions du passeur dépassé par le mouvement qu’il a lui-même suscité. Dépassé mais bien complice.