En 2012, Nicolas Sarkozy avait tous-estimé François Hollande. En 2017, tous les candidats ont sous estimé Emmanuel Macron.
Les discours de Macron de la campagne étaient faits à partir d’algorithmes, et une société, Proxem, était payée pour cela. Nous avons bien ri avec Ridicule.tv mais cela a contribué à la victoire de Macron. Et cela ne va pas cesser, il faut en être conscient. Hollande est manipulateur mais l’élève Macron a dépassé son maitre en la matière. Macron a ringardisé les partis politiques traditionnels :
"Comment Emmanuel Macron a t-il réussi à convaincre plus de 10 000 personnes, jeunes et plus jeunes, en se présentant comme « le candidat du travail » sans passer pour un Sarkozy qui aurait réussi ? Comment le candidat du mouvement « En Marche » a t-il réussi la gageure de provoquer une standing ovation en évoquant l’Union Européenne, thème que l’on croyait boudé par les citoyens français ? Grâce à un ciblage algorithmique inédit de ce que les électeurs sont prêts à entendre et qui permet de rendre le discours le plus pertinent possible pour le plus de monde possible. Décryptage d’une méthode politique qui présente des limites.
La méthode est inspirée de la stratégie électorale digitale adoptée par Barack Obama en 2012 : en juin dernier, 4 000 volontaires ont lancé l’appli de la Grande Marche sur leurs écrans de smartphones et tablettes en allant « à la rencontre des Français ». 6 200 quartiers (au sens de l’Insee) ont été sélectionnés par l’équipe Macron pour constituer une base représentative. Une première application, 50+1, guidait les « marcheurs » dans leur parcours. Une deuxième permettait de recueillir le miel de conversations qui ont duré en moyenne quatorze minutes. 100 000 « conversations » auraient été collectées (et 25 000 questionnaires entièrement remplis). Résultat : quelque 25 000 questionnaires remplis sur l’application ad hoc, rapporte Rue89. Ce n’est donc pas un traditionnel sondage, où l’on pose des questions fermées à un échantillon de la population, ni non plus un “focus group”, où l’on interroge longuement une poignée de personnes sur un sujet donné.
Dans un second temps, l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, s’est tournée vers Proxem, start-up spécialisée dans l’analyse sémantique de big data textuelle, en vue de tirer un maximum d’enseignements des propos des personnes interrogées, rapporte encore Rue89. Objectif : identifier les problèmes concrets que dit rencontrer tel ou tel bassin de population et fournir une cartographique des préoccupations dominantes des Français. « Grâce à un moteur de recherche, on pourra croiser des critères, voir la manifestation d’un signal faible, vérifier des intuitions. Que disent les femmes, cadres supérieurs, des “commerces de proximité” ? Si 100 personnes en parlent sur 100 000, c’est du 0,1 % mais si elles en parlent c’est que ce point a de l’importance à leurs yeux. On peut se dire qu’il y a quelque chose à creuser. », détaille à Rue 89 François-Régis Chaumartin, DG de Proxem.
Les data-stratèges d’En Marche peuvent alors dégager des corrélations, identifier les préoccupations de certaines catégories socio-professionnelles, et décider de faire dans la pédagogie s’ils mesurent une différence entre la perception d’un phénomène et sa réalité (par exemple : l’Europe, l’immigration, le chômage)."
Macron a accumulé un trésor de communication politique avec des discours adaptés aux auditoires... C'est pourquoi ses discours n'avaient aucun sens ni aucun fond. Mais peu importe : à l'heure de la téléréalité, de la méthode globale et de l'échec scolaire, ce que les Français attendent ce ne sont plus des discours élaborés, mais qu'on leur parle.
Dès février dernier, interrogé dans Monde et Vie, Jean-Yves Le Gallou avait vu juste :
"Il n’a pas de programme mais il est programmé. Je veux dire que son discours est programmé. Il emploie des formules qui sont tout sauf spontanées. Il utilise les méthodes d’analyse et de stratégie politiques encore inédites en France. Grâce au porte-à-porte, il a obtenu des milliers de témoignages sur les grands sujets de notre société et la machine analyse ce corpus, qui fait des dizaines de milliers de pages. Il y avait 4000 volontaires (?)« en marche » dans 6200 quartiers présélectionnés, avec une appli qui recueillait les réponses à des questions simples : « Qu’est-ce qui marche en France ? », « Qu’est-ce qui ne marche pas ? ». Ces méthodes ont été testées aux Etats-Unis lors des campagnes d’Obama. Elles arrivent en France et permettent au candidat qui les utilise de dire… ce que les gens ont envie d’entendre. Il suffit d’un moteur de recherche qui isole et compte les sujets, la manière (positive ou négative) de les aborder, les formules qui reviennent, etc. Le nombre de témoignages (25.000 environ) est beaucoup plus important que dans un sondage ordinaire et les dépositions sont beaucoup plus précises et plus libres. Avec cela, on a comme une sismographie précise de l’opinion, et quand, comme le candidat Macron, on n’a pas de programme, c’est commode, tout est à disposition dans la machine pour que les électeurs puissent entendre ce qu’ils ont envie d’entendre. [...]
Qu’apporte le candidat Macron ? Des solutions ? Jamais. La compréhension de son public : « Les agriculteurs ne demandent pas des aides. Ils disent une chose : on veut pouvoir vivre dignement de notre travail ». Merci aux algorithmes et à la start-up prestataire : voilà une formule empruntée aux électeurs et qu’on sait leur resservir toute chaude. Dans le même registre d’une complicité affichée mais qui n’engage à rien de concret : « C’est un beau mot, “paysan” : les paysans font notre pays ». La vraie question est surtout : Comment peuvent-ils en vivre ? Elle n’est pas posée. Et on se contentera pour finir d’une formule ronflante… et qui me plaît plutôt : « On peut être à la fois profondément breton, puissamment français et sincèrement européen ». Tout le monde a compris ? Tout le monde est content…"