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On va se passer quelque temps du rail

6a00d8341c715453ef01b8d2e81482970c-320wi.jpgDans sa lettre politique du 3 avril, Laurent Joffrin se félicite de ce qu'il appelle un "succès syndical". La grève des cheminots a été suivie officiellement par 48 % des effectifs. Il s'agit évidemment d'un pourcentage d'autant plus énorme que le blocage dépasse le nombre de grévistes déclarés. La catégorie des conducteurs, sans lesquels aucun train ne roule, par exemple, en a compté 77 %.

Et, comme la CGT l'avait programmé dès le 26 février, avant même la réunion intersyndicale du 27, on s'apprête [éventuellement] à parler de "l’un des plus importants mouvements sociaux de l’histoire de la SNCF". Telle est donc l'antienne qu'a reprise à l'identique, quelques semaines plus tard, le directeur de Libé.

Il est évidemment trop tôt pour se prononcer sur le bilan d'un mouvement de grève aussi long dans sa durée annoncée qu'inédit dans sa forme. Joffrin, éditorialiste de renom, ainsi que son journal, se trompent assez souvent, et Mediapart aussi qui, le 2 mars, analysait gravement qu'en "brandissant leur statut, Macron tend un piège aux cheminots".

L'idée machiavélique que l'on prête au président se baserait sur le raisonnement suivant : "l'Élysée sait que l’opinion publique va être déterminante dans le dossier de la SNCF. C'est elle qui va arbitrer. Pour éviter de revivre les grèves de 1995, il doit la mettre de son côté. Et la seule façon pour le gouvernement de la mettre de son côté, c’est le statut."

Dès le 24 février, le p. de la r. avait déclaré, dans le cadre de sa visite au Salon de l’agriculture : "je ne peux pas avoir d’un côté des agriculteurs qui n’ont pas de retraite et de l’autre, avoir un statut cheminot et ne pas le changer".

Rien ne permet pourtant de dire que les avantages de ce statut, remontant à un décret publié en 1950, renforcé par le passage des communistes au gouvernement, si décriés qu'ils peuvent être, – et ils l'ont toujours été – soient de nature à faire basculer les Français, aujourd'hui partagés en deux secteurs d'opinion presqu'égaux. Les adversaires du statuts bénéficient encore d'une courte majorité, mais la mobilisation des syndicats n'a pas suscité de véritable réaction à ce jour.

Au contraire, un syndicaliste aussi raisonnable que Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT peut rappeler que "les difficultés de l'entreprise ne peuvent se résumer au statut des cheminots, après des années de sous-investissement."

Certes, Éric Meyer, secrétaire du syndicat gauchiste Sud-Rail n'hésite pas à aller plus loin dans la protestation. Selon lui "le statut des cheminots est un faux problème. Mettre en avant ce sujet, c’est montrer les cheminots du doigt afin d’éviter un vrai débat sur le service public ferroviaire et la continuité territoriale".

Il n'est sans doute pas vrai que la réforme du statut, règlement RH001 de la SNCF, qui concerne 92 % de ses salariés, constitue l'essentiel du projet gouvernemental.

En octobre dans la lettre de mission adressée par le premier ministre à Jean-Cyril Spinetta, il n’est question que de l’adaptation de la SNCF à l’ouverture à la concurrence, de la dette et de sa soutenabilité financière. Pour les rapporteurs, la question de l'évolution du statut, quoique considérée comme nécessaire, n'apparaissait pas comme une priorité.

Substituer la concurrence au monopole étatiste reste le vrai sujet. Certains croient qu'il ne s'agit là que d'une lubie bruxelloise. En réalité, la mise en place d'une offre de transports de plus en plus concurrentielle est dans l'intérêt du ferroviaire et de son opérateur historique lui-même

Et, de toute manière, qu'on le veuille ou non, que cela plaise ou non aux reliquats du marxisme et aux vieux rogatons de l'étatisme, le développement des moyens de communication, considérable depuis 25 ans, comme celui des modes de transports, permettra aux usagers de faire l'expérience, difficile certes pendant quelques semaines, de se passer, malheureusement, du rail. Ceux qui en pâtiront le plus seront parmi les Français les plus modestes. 

JG Malliarakis 

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