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Le système Macron

Olivier Piacentini a publié plusieurs ouvrages autour de ce qu’il appelle "La mondialisation totalitaire" Avec OPA sur l'Elysée, s'attarde sur la personnalité d'Emmanuel Macron, qui a voulu être le symbole de ce mouvement profond au-delà des nations et de tout ordre naturel et qu prétend aujourd'hui être en mesure de faire et d'écrire l’histoire.

Propos recueillis par l'abbé G de Tanoùarn

 

Olivier Piacentini, vous avez travaillé sur ce que vous appelez le vrai bilan du macronisme. Mais le macronisme, c'est avant tout une personne, celle d'Emmanuel Macron ?

Et c est la raison pour laquelle il faut d abord s'interroger sur la personnalité de Macron. Il est issu de la bonne bourgeoisie de province, mais dès l’origine il apparaît comme un enfant mal aimé de ses parents, qui va chercher ailleurs la sécurité affective dont il a besoin. C'est de cette manière qu'il faut expliquer sa rencontre précoce avec Brigitte Auzière, son professeur de français. Elle lui a apporté à la fois une maternité qui lui avait manqué et une maturité d'esprit dont il fit très vite grand profit. Elle l'introduit dans sa famille son mari est un banquier de haut niveau. On voit que le jeune Emmanuel a rencontré très tôt la Finance, dont il a très vite pu découvrir les codes, en même temps qu'il a trouvé en eux une famille de substitution et des relations qui le suivront à l'âge adulte. On peut dire que très jeune il a reçu deux formations le théâtre grâce à Brigitte. Il apprend à placer sa voix et à jouer des rôles successifs. Un peu plus tard, sa formation de philosophe le mène à faire une thèse sur Machiavel, le célèbre théoricien politique italien, qui explique en long et en large comment, en politique, la fin justifie les moyens. Il a choisi un auteur qui, dans sa passion pour la politique, n'est freiné par aucune considération morale. On ne peut que reconnaître là un aspect de sa propre personnalité politique.

Est-ce qu'il n'y a pas, très jeune, chez Macron, en contraste avec ce « machiavélisme », un idéalisme qui le pousse par exemple à demander le baptême ?

Il y a, encore aujourd'hui, de sa part un vrai intérêt pour la foi. Je dirais « en même temps », comme il y a un intérêt pour la philosophie. Mais on peut penser aussi que c'était en partie, dans l’esprit du garçon de 12 ans qu'il était alors, une fois de plus pour prendre le contre-pied de sa famille qui ne l'avait pas fait baptiser

Au-delà de ces débuts en province,

c'est Jacques Attali soi-même qui se vante d'avoir été son découvreur ?

Jacques Attali a embauché le jeune énarque dans le cadre de la Commission sur le déblocage de la croissance. Un rapport lui avait été commandé par Nicolas Sarkozy en 2007. C'est certainement Emmanuel Macron qui a fait le gros du travail dans ce rapport, de sorte que son patron est enchanté. Il présente sa « découverte » à François Hollande, qui n’est pas encore président, à Jean-Pierre Jouyet aussi, ce chrétien de gauche avec lequel tout est facile. Macron prend sa carte au PS. Il découvre le petit monde de la politique, notre Rastignac en fera vite le tour.

C'est à cette époque qu'il entre à la Banque Rothschild ?

C'est en septembre 2008 qu'il est embauché, sur recommandation d'Attali à François Henrot, qui dirige la vénérable institution. Privilège insigne, il sera nommé associé au bout de deux ans en 2010. Là il fait ce qui sera son fond de métier des fusions d'entreprises ou des découpages pour revente. Il s'occupe de plusieurs dossiers importants, au point qu'il mérite très vite le surnom de « Mozart de la finance ». On lui confie des affaires importantes, la recapitalisation du journal Le Monde, le rachat de Siemens IT Solutions par Atos Origin. Mais la très grosse affaire qu'il va gérer, celle qui assure sa fortune est le rachat de la filiale Lait pour bébés de 1 Américain Pfeizer par Nestlé. Sur ce deal de neuf milliards de dollars, il touche deux millions de commission. Il est à la tête d'une petite fortune et peut désormais s'adonner à sa passion de toujours, la politique. Un mot de François Henrot le définit à cette époque « Il commence par appliquer scrupuleusement les règles, puis repère les failles, les recompose, les redéfinit, les remplace après s'être rallié l'assentiment de tous ». En un mot, c'est un parfait Machiavel.

Il ne cherche pas à être élu...

En quatre ans d'expérience bancaire, il a eu le temps de se faire connaître du gratin de la haute société parisienne. Le think-tank Terra nova ne pense qu'à se débarrasser des archéosocialistes. Il s agit de faire émerger une gauche résolument moderne débarrassée des derniers relents du marxisme. Dans ce contexte, Macron, avec son carnet d'adresse et sa volonté politique, est un personnage intéressant. Tout à fait naturellement, il rejoint le brain-trust de François Hollande, dont il devient le conseiller économique, pendant deux ans.

À cette époque, il semble qu'il émerge aussi à l'international...

Disons qu en mai 2014, Jacques Attali, le Mentor, l'introduit au Bilderberg. Il s'agit d'un groupe discret, fondé en 1954 à l'Hôtel Bilderberg à Oosterbeek, par David Rockfeller et le Prince Bernhard des Pays-Bas. Ce groupe constitue aujourd'hui un réseau d'influence, dont on peut dire qu'il n'a pas son pareil au monde. Denis Healey, l'un des initiateurs de la première conférence de Bilderberg (1954) et membre du comité directeur pendant 30 ans, a expliqué en 2001 « Dire que nous cherchons à mettre en place un gouvernement mondial unique est très exagéré, mais pas totalement absurde Nous nous disions qu'une communauté unique pouvait être une bonne chose ». Faut-il immédiatement crier au complot mondialiste ? Sans doute pas. Reste que, pour sa première visite à Bilderberg, le jeune Emmanuel est appelé à plancher sur un sujet qui nous amène en pleine actualité « Les démocraties occidentales dans le piège des exigences des classes moyennes ». Avouez que cela pourrait décrire la situation actuelle du quinquennat cette ruine des classes moyennes, avec la vision binaire d'une société constituée de très riches et de pauvres. On voit bien là pour qui travaille Emmanuel Macron. Ce milieu de la haute finance, qu'il a découvert très jeune, dans lequel il a fait ses premières armes, ce sont ses commanditaires, et, si on fait un tout petit peu de psychologie, c'est sa famille de substitution. Il est leur homme. Il y a des promesses sur lesquelles Macron ne transigera jamais celles qu'il a faites à ses puissants bailleurs de fonds.

2014 est justement pour lui l'année d'un tournant politique.

En tout cas, trois mois après sa réception au Bilderberg, il fait la Une de Paris-Match, en juillet 2014. Est-ce un symptôme parmi d'autres de la pipolisation de la politique ? Pas sûr. François Hollande s'était séparé d'un conseiller qu'il trouvait envahissant. C'est Manuel Valls qui obtient son retour non pas à l'Elysée, cette fois, mais au gouvernement, à Bercy en septembre, Emmanuel est ministre des Finances, en remplacement d’Arnaud Montebourg. Gageons que plus tard, Manuel a dû se mordre les doigts d'un tel choix.

A-t-il été un ministre particulièrement brillant ?

Il se distingue surtout, comme ministre de l'Économie, en faisant ce qu'il a toujours su faire, ce qu'il faisait chez Rothschild. C'est ainsi qu'il participe au rachat des parts d'Arnaud Lagardère dans EADS, pour un montant astronomique qui ménage à Lagardère une plus-value de deux milliards d euros. Voilà un petit service qui vaudra tous les renvois d'ascenseur. Rappelons que Lagardère est le patron d'Europe 1, de Paris-Match, du JDD et de VSD. Dès son arrivée à Bercy, Emmanuel Macron s’occupe aussi du rachat de SFR, l’opérateur de téléphonie mobile par Numericable, auquel le ministre donne la préférence par rapport au groupe Bouygues Télécom, qui est aussi sur les rangs. Le groupe Bouygues pouvait paraître plus attractif il avait des fonds propres. Macron donne la préférence à Patrick Drahi, le patron de Numericable, une boîte plus petite que SFR, dont tout le monde sait que le patron fonctionne entièrement à crédits. Pour rembourser ses dettes, Drahi va faire des coupes sombres dans le personnel de SFR, avec d'emblée 6 500 licenciements. Mais c'est aussi le patron de BFMTV. Si certains appellent cette chaîne d'information continue Télé Macron, c'est que Drahi a lui aussi quelques ascenseurs à renvoyer au nouveau président.

Et que dire de l'affaire Alstom ?

Il y a eu une offensive inamicale des Américains sur la branche énergie d'Alstom. Pourquoi la branche énergie ? Elle développe la turbine Arabelle qui est l'une des meilleures du monde et qui participe de toutes les offres nucléaires françaises. Les Américains, au nom de l’extra-territorialité du dollar ont commencé par poursuivre plusieurs cadres supérieurs de la société pour corruption. Et en même temps, General Electric a fait une offre de rachat, que va négocier le ministre des Finances, à l’entière satisfaction de General Electric (qui, au passage, s’était engagé à embaucher 1 000 personnes sur le site d'Alstom et qui vient d'expliquer qu'il ne le ferait pas). C'est ainsi qu on a laissé partir un des fleurons de l'industrie française. Depuis qu'il est président, Emmanuel Macron a fait la même chose pour la branche ferroviaire d'Alstom Ge TGV), vendu à l’Allemand Siemens. Même chose pour STX, les chantiers navals de Saint-Nazaire, vendus aux Italiens. Dans les deux cas, on nous parle de groupes européens, franco-allemands ou franco-italiens c'est se moquer du monde. Emmanuel Macron met à l’encan les richesses industrielles françaises. Mais qui en a pris conscience ? Macron a derrière lui tous les patrons de médias, outre Patrick Drahi et Arnaud Lagardère, dont il a déjà été question, Matthieu Pigasse, feu Pierre Berge, Vincent Bolloré dont le fils est son ami proche, Bernard Arnault, Xavier Niel. Il n'y a guère que TF1 parmi les grands médias qui ne soient pas complètement servile.

On peut dire à ce moment-là que toutes les planètes sont dans l'axe pour le jeune loup...

D'autant que les Primaires ont conduit à la radicalisation de la droite et de la gauche. Un boulevard s ouvre donc au Centre. Macron va s'y engouffrer, après la défaite de la droite, une droite dont les deux principaux leaders, François Fillon et Marine Le Pen, ont été mis en cause opportunément, en pleine Présidentielle, par les juges du PNF, juridiction créée par François Hollande.

Olivier Piacentini, OPA sur l'Elysée, un an après le vrai bilan du macronisme, éd. de Paris Max Chaleil, 14 €.

monde&vie 12 juillet 2018

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