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La sécu désavouée par Jupiter ? fausse bonne nouvelle

6a00d8341c715453ef022ad3b29d15200b-320wi.jpgL'annonce par le président de la République, qui une fois encore empiète sur le rôle du gouvernement, des quelques dispositions concrètes supposées constituer un plan dit pauvreté, provoque quelques vaguelettes. Le discours d'Emmanuel Macron, le 13 septembre au Musée de l'homme, en effet a pu être perçu comme une nouvelle dérive par rapport aux principes sur lesquels on nous serine que fut construite en 1945 notre magnifique protection sociale.

Dans un article publié le 16 septembre sur le site du Figaro[1]Cécile Crouzel semble s'en inquiéter. Pourtant elle concède que "le virage [aurait été] amorcé dès les années 1970 et accentué par la majorité précédente". Cette imprécision ne doit pas être tenue pour accidentelle. Elle reflète le halo d'incertitude dans lequel on noie ordinairement l'histoire effective de ce système[2] pensé par des gens en décalage total avec l'opinion majoritaire des Français, déjà en 1946.

À quelle réforme "dans les années 1970", par exemple, la rédactrice pense-t-elle ? La grande réforme, pas si brillante que cela, fut opérée par Jean-Marcel Jeanneney, Ministre des Affaires sociales de janvier 1966 à mai 1968, flanqué de son sous-ministre Chirac, en 1967, donc sous la présidence De Gaulle. Elle institutionnalisait et tendait à séparer les trois branches, si différentes mais amalgamées par le système français, de la Famille, de l'Assurance Maladie et de la Retraite. Rappelons que le virage social avait été annoncé en 1966 par le fondateur de la Cinquième république, lequel avait été ulcéré par sa mise en ballottage de décembre 1965 et avait déclaré "j'irai plus loin que leur front populaire".

Dans les "années 1970" [toujours le goût des datations par décennies] on assista plutôt, sous les présidences Pompidou et Giscard, à l'extension, en pagaille, du système monopoliste à l'ensemble des branches et catégories professionnelles. Certaines y échappaient jusque-là, ou même s'y étaient radicalement opposées. Ainsi les Cadres qui avaient bloqué par une grève, en juillet 1946, l'application de la loi Croizat, avaient obtenu la création de l'Agirc en mars 1947, mais la spécificité de leur régime n'a cessé de décliner depuis. Les catégories indépendantes furent à leur tour absorbées dans les régimes dits "alignés" domestiqués par le ministre Barrot dans le gouvernement Barre.

Il est vrai qu'à partir du gouvernement Juppé une nouvelle idée apparut. On imagina de restreindre puis de supprimer définitivement les allocations versées aux ménages les plus aisés en les plaçant sous condition de ressources. Un front commun englobant la droite catholique et la CGT entrava, mais pour un temps seulement, cette volonté d'apparence démagogique mais d'inspiration budgétaire.

Le seul mérite, si l'on ose dire, disons plutôt : la seule novation en la matière, de la nouvelle combinaison gouvernementale et du discours présidentiel, consiste à liquider toute référence assurantielle. L'étatisation jupitérienne ne laisse aucune place ni au libre choix, ni au vote des assurés sociaux. Les syndicats, les caisses, les individus ne sauraient donner même un avis consultatif. Encore moins les cotisants en tant que tels. On redistribue arbitrairement. On ne s'embarrasse plus de démocratie sociale.

Faut-il, dès lors, savamment suivre Mme Crouzel et se demander avec elle si on se situe encore dans une doctrine [attribuée à Bismarck] ou si l'on s'oriente vers un modèle "anglo-saxon", et d'ailleurs lequel ? celui de Beveridge ? celui du NHS anglais ? celui du plan Obama ?

À la vérité, dès le plan Juppé de 1995-1997, la conception initiale, celle d'un monopole géré démocratiquement, avait disparu à 99 %. Restait un dernier petit détail à régler, pour que chacun sache que ce système est géré entre le palais de l'Élysée et les bureaux de Bercy. Tel est le sens de la montée en puissance de la CSG, et de son accouplement futur avec un impôt sur le revenu prélevé à la source. Personne ne s'y trompera plus.

JG Malliarakis  

Apostilles

[1] Cet article est intitulé "Sans le dire, Macron s'éloigne du modèle de protection sociale hérité de 1945". Il figure dans l'édition papier datée, comme il se doit, du lendemain 17 septembre.

[2] On ne peut donc que recommander l'ouvrage de Georges Lane "La Sécurité sociale et comment s'en sortir".

http://www.insolent.fr/

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