Tandis que le gouvernement câline François Bayrou, en dépêchant trois ministres à l’université de rentrée du MoDem, le maire de Pau, conscience morale du macronisme, a encensé l’action de Jean-Michel Blanquer. Il connaît l’Éducation nationale puisqu’il en fut trois fois ministre, avant de se fâcher avec la droite, mais il n’a guère laissé de souvenir impérissable – sinon, selon les mauvaises langues, avoir entretenu d’excellentes relations avec la secrétaire générale d’un syndicat de gauche.
Le président du parti centriste a salué l’arrivée de Jean-Michel Blanquer rue de Grenelle comme « l’un des effets les plus heureux de la grande alternance » : il oublie, sans doute, qu’il n’est pas un homme nouveau et fut recteur et directeur général de l’enseignement scolaire, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais il faut reconnaître que, dans ces fonctions, il voulait déjà construire « l’école de la confiance ». Quant à François Bayrou, son programme éducatif, en période électorale, était généralement pertinent.
En vieux sage expérimenté, il a donc encouragé l’actuel ministre, célébrant sa « politique sociale, culturelle, vitale pour la France » et le retour à la vocation principale de l’enseignement : « la transmission et notamment la transmission des fondamentaux ». Ce n’est pas faux, même s’il est piquant de le dire quand on a rallié un Président qui, sous le mandat de François Hollande, faisait partie du même gouvernement que la non regrettée Najat Vallaud-Belkacem.
S’il avait poussé un peu plus loin son analyse, notre Béarnais aurait pu conseiller à Jean-Michel Blanquer de prendre garde à ne pas devenir l’otage de Macron et de Bercy. S’il faut effectivement donner la priorité au primaire, le dédoublement des classes en CP et en CE1, dans les établissements d’éducation prioritaire, ne vise qu’une catégorie de la population. Si des postes sont créés dans le premier degré, c’est au détriment des collèges et des lycées, où 2.600 postes vont être supprimés alors que les effectifs augmentent.
Passons sur les propos du secrétaire d’État en charge de la Fonction publique, Olivier Dussopt (vous savez, ce député élu sous l’étiquette PS qui, par une conversion miraculeuse, est devenu subitement un fervent disciple de Macron) : ce néophyte, plus royaliste que le roi, a déclaré sur France Info, le 17 septembre, que le gouvernement tenait compte de la « réduction des effectifs dans le secondaire ». Comme quoi c’est un ignorant ou un irresponsable qui s’autorise à dire n’importe quoi. Passons, même, sur les commentaires du ministre, qui explique que son budget va augmenter de 850 millions d’euros, soit 1,7 % – montant prévisible de l’inflation.
Jean-Michel Blanquer, bon gré mal gré, obéit aux injonctions de Bercy. Comme par contagion, il commence à manipuler les chiffres, sans préciser que les suppressions de postes seront compensées, non par le recours aux heures supplémentaires (la plupart des professeurs en font déjà), mais par la diminution des enseignements disciplinaires, que les politiques précédentes ont déjà mis à mal. Ce qui va à l’encontre des ambitions de sa réforme du lycée.
Dans ces conditions, les bonnes intentions que le ministre affiche risquent d’être dénaturées sous la pression de technocrates qui ne connaissent rien à l’enseignement. S’il y a des économies à faire, c’est dans une administration pléthorique, c’est dans le fonctionnement des ESPE qui reproduisent les dérives des IUFM, c’est dans le recentrage de l’éducation sur la formation disciplinaire. Tout cela, François Bayrou se garde bien de le rappeler !