Damien Rieu, lanceur d’alerte qui a mobilisé l’opinion au moment de l’affaire Médine, revient sur cette vidéo d’un soldat de l’armée de terre affirmant, le 13 novembre : « Ne vous engagez pas dans l’armée, vous travaillerez avec des porcs. »
Il dénonce aussi les projets du gouvernement de contrôler l’information et les vidéos pour éviter la sortie de ce type d’affaires.
Vous avez alerté l’Armée de terre après la réception sur Twitter d’une vidéo montrant un soldat français masqué disant : « ne vous engagez pas dans l’Armée, vous travaillerez avec des porcs ».
Comment avez-vous récupéré cette vidéo ?
Depuis que je lance des alertes, les gens m’envoient parfois des vidéos de ce qu’ils voient sur leurs réseaux sociaux ou reçoivent de leurs amis. Dans le cas de cette vidéo, quelqu’un qui avait Snapchat me l’a envoyée. Je l’ai mise ensuite sur Twitter. Beaucoup de monde a été indigné et a partagé la vidéo.
L’Armée de terre vous a répondu que des sanctions très lourdes seraient prises contre ce militaire. En savez-vous plus ?
Non, je n’en sais pas plus. Je n’ai pas eu plus de précisions. Mais il n’y a pas de raison de douter de cela. L’Armée de terre prend cela très sérieusement.
L’auteur de cette vidéo m’a appelé pour me dire que c’était une blague et qu’il fallait la prendre au second degré. Je ne sais pas si c’est vrai ou pas. Je n’ai pas les éléments de réponse. L’Armée déterminera si c’était du premier ou du second degré. Même si c’est du second degré, je pense que faire cela un 13 novembre dans le contexte actuel, ce n’est pas très malin et que ça mérite en effet une sanction au moins symbolique.
On vous a connu lanceur d’alerte au moment de l’affaire Médine. Vous aviez ensuite rencontré Médine pour débattre avec lui. Vous en recevez beaucoup des documents de ce type ?
Nous sommes plusieurs sur Twitter soit à chercher soit à diffuser des informations. Le travail est fait par fdesouche notamment. Je ne sais pas si vous avez suivi, mais hier, des révélations ont été faites grâce à une caméra cachée. Une Canadienne a réussi à piéger une directrice d’une ONG qui expliquait comment elle briefait les migrants pour qu’ils inventent des histoires. Elles leur disaient de raconter combien ils étaient persécutés.
Il y a donc un vrai travail d’investigation et de veille à faire. Nous sommes plusieurs à le faire sur les réseaux sociaux, y compris à l’étranger. Je crois que c’est très important pour la démocratie. Pour montrer que le réel illustre nos diagnostics.
Nous voulons partager au maximum ces informations et continuer à obliger les médias. Il y a un vrai enjeu de ce point de vue. Les médias par eux-mêmes ne vont jamais sur ces sujets-là. Il faut les obliger à parler de ces sujets. Le JDD fait un article sur la vidéo du militaire. On parvient à obliger les médias qui essayent bien souvent de passer sous silence tout cela à parler de ces phénomènes en les faisant buzzer sur les réseaux sociaux.
Au final, vous faites le travail que les médias ne font pas…
Les médias ne parlent jamais des vidéos de violence. Castaner veut renforcer la répression contre les vidéos. Il veut négocier avec les hébergeurs pour que les vidéos montrant des actes de violence soient retirés le plus rapidement possible. Ils savent très bien que ça indigne les gens. Les gens sont de fait en colère. Or, ce qu’on ne voit pas, n’existe pas. Si on continue à diffuser des vidéos de ce qui se passe dans la rue, comme des agressions ou des choses scandaleuses comme on a vu avec le militaire, le gouvernement est obligé de réagir face à la réalité. Il ne peut pas la cacher. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Castaner veut les censurer. Il va falloir se mobiliser dans les mois à venir contre ce projet de mesures. Elles seraient très graves pour les libertés et pour la diversité d’opinion.
Cela fait écho au braquage de cette professeure en plein cours. Cela avait été révélé grâce à un téléphone portable. La conséquence était que nos responsables voulaient interdire le téléphone portable. On agit finalement non pas sur l’insécurité, mais sur ce qui la révèle…
C’est tout à fait cela. C’est ce que Blanquer a dit, même si ses propos ont été, semble-t-il, un peu tronqués. Il n’aurait pas dit que cela.
Sans le téléphone portable et les réseaux sociaux, nous n’aurions pas su. La prof n’aurait pas porté plainte.
On voit dans cette affaire que si les faits ne sortent pas et ne sont pas partagés sur les réseaux, ils n’existent pas. Il en va donc de la transparence et de la justice. Et pour que les choses avancent, il faut que ces vidéos existent. Il faut protéger la liberté d’information.