La remise à la justice italienne du tueur marxiste Battisti par les autorités brésiliennes a offert la perspective d’une réouverture du dossier de la quinzaine de terroristes italiens localisés avec certitude en France, sur la trentaine encore en fuite. Ce dossier resurgit au moment précis où sont examinées les conditions du retour en France de dizaines, voire de centaines d’autres terroristes, ceux de l’Etat islamique.
L’idée d’un retour de ces tueurs-là (qui haïssent la France) est massivement rejetée par nos compatriotes. Les tueurs italiens, eux, ne haïssaient pas spécialement notre pays. Leurs actions terroristes avaient visé des représentants ou des défenseurs du capitalisme, selon leurs critères, c’est-à-dire des policiers, des cadres d’entreprises ou des gardiens d’usines, des politiciens démocrates-chrétiens, ou encore des représentants du « fascisme », à savoir des militants de la droite nationale italienne.
En 1981, dans l’ambiance de cette union de la gauche qui incluait des communistes et même une partie de l’extrême gauche, mal recyclée au sein d’un PS fourre-tout, François Mitterrand avait à l’époque considéré que des tueurs de pays voisins, des tueurs de pays alliés, pouvaient trouver un refuge en France. La France était devenue un sanctuaire pour ces tueurs-là. Si les méthodes étaient contestables, la cause était bonne, estimait le gouvernement français de l’époque. Cette doctrine avait profité aux tueurs italiens, et plus encore à ceux de l’ETA et du GRAPO espagnols, les incitant à poursuivre leurs actions. Les GRAPO, ou Groupes de résistance antifasciste du premier octobre, ont tué plus de 90 personnes et en ont blessé 200 autres, ceci dans le cadre de plus de 1 000 actions violentes, commises entre 1975 et 2002. Certaines de ces victimes auraient pu être épargnées, sans la doctrine Mitterrand sur ces questions.
Les livrer aux populistes exécrés semble fendre le cœur de madame Belloubet
Les temps ont changé. Même à gauche, le terrorisme n’a plus bonne presse. Et les attentats islamistes ont montré les limites de cette tolérance pratiquée au nom des « droits de l’homme ». On imagine bien qu’une partie de la gauche considère encore ces tueurs comme des sortes de résistants. Et les livrer aux populistes exécrés semble d’avance fendre le cœur de madame Belloubet. Mais sur le terrorisme, les Français ont déjà donné, ces dernières années, Et le gouvernement est sans doute conscient que l’heure n’est plus aux semi-complicités au nom de vagues cousinages idéologiques.
Francis Bergeron
Article paru dans Présent daté du 14 février 2019