L’avenir s’annonce sombre pour Abbas, qui a passé quatre ans en Autriche où on lui a refusé l’asile, avant de venir en France. Ses chances de se voir autorisé à s’installer ici légalement après avoir été refusé dans un autre pays de l’UE sont faibles, il risque l’expulsion ou de devoir vivre ici sans papiers ni permis de travail.
Autour de lui, d’autres jeunes hommes -le camp n’est pratiquement occupé que par des hommes- émergent petit à petit de leurs tentes, attendant que les rayons du soleil printanier s’infiltrent dans la grisaille qui règne sous le périphérique.
Les autorités ont érigé quelques urinoirs en plastic près du camp, mais il n’y a pas de douches ou d’autres commodités. La nourriture est fournie par des associations caritatives […]. Au-delà du principal groupe de tentes majoritairement vertes et bleues, d’autres camps miniatures ont été construits sur les bords des routes, sous les ponts, ou au milieu des carrefours.
Certains migrants ont investi les abords des feux de circulation, où ils mendient auprès des automobilistes. « Famille syrienne« , peut-on lire sur le carton qu’une femme voilée brandit vers leurs pare-brises.
[…] A quelques centaines de mètres de là, alors que l’Armée du salut repart après avoir distribué des centaines de petits-déjeuners à un public avide, une Anglaise, Clare Roberts, donne un cours de français à ciel ouvert, distribuant des photocopies de l’alphabet français à des migrants africains, et montrant du doigt des lettres sur un tableau blanc accroché à un arbre.
« Je suis enseignante remplaçante en école primaire en Angleterre, alors je prends une semaine de temps en temps et je viens ici », explique cette habitante d’Oxford, ajoutant qu’elle faisait la même chose dans l’immense camp de la « Jungle » de Calais, qui a abrité jusqu’à 10.000 migrants avant sa fermeture en 2016, migrants dont la plupart espéraient se frayer un chemin jusqu’au Royaume-Uni.
La Porte d’Aubervilliers est la porte d’accès suivante à la capitale, après la Porte de la Chapelle. Elle aussi abrite de nombreux migrants […]. [Ils] sont tout aussi en colère de se retrouver ainsi à la rue.
Tahir, un jeune Ethiopien, vit là avec sa femme, leur fils d’un an et leur fille de deux ans. Il explique avoir déjà obtenu l’asile en France, mais avoir fini là car il ne trouve pas de travail […].
Les Jafari, venus d’Afghanistan, sont une autre famille de la Porte d’Aubervilliers. Les deux parents, leurs fils adolescents et leur fille Fatemeh, 12 ans, vivent dans deux tentes, avec toutes leurs possessions empilées à côté d’eux. Ils racontent avoir déjà brièvement vécu dans une tente à Paris, avant d’être installés par les autorités dans un hôtel en banlieue, à Poissy. Mais au bout de trois mois, on leur a dit qu’ils devaient quitter l’hôtel, sans leur fournir aucune aide pour trouver un nouvel hébergement.
Et les voilà de retour dans la rue […].
Des voix s’élèvent pour dénoncer une politique délibérée de l’Etat français, visant à rendre la vie difficile pour les migrants, afin de les décourager de venir. Elles citent l’exemple de l’Allemagne, qui a absorbé plus d’un million de migrants en 2015-16, dont très peu ont fini dans la rue ou dans des camps de fortune comme ceux qu’on trouve en France. Si c’est vraiment là le plan secret des autorités françaises, il ne fonctionne pas, à en croire les chiffres de la mairie de Paris, qui recense l’arrivée quotidienne de plus de 100 migrants.
Dans toute la France, le nombre de demande d’asiles a grimpé de 22% en 2018 par rapport aux années précédentes, avec plus de 120.000 demandes. 33.000 ont été acceptées l’année dernière. L’Etat dépense des millions chaque année pour loger des milliers de migrants […].
[…] Nabi, un vendeur de 30 ans, lui aussi afghan, habite actuellement dans une tente de la Porte d’Aubervilliers avec sa femme de 28 ans, étudiante en biologie. Il dit avoir réclamé à Anne Hidalgo une minute de son temps, mardi, quand elle est venue visiter le camp, mais que le maire a refusé, disant qu’elle était pressée..
« Les Français parlent des droits de l’homme, des droits de la femme, mais on ne trouve aucune trace de cela dans le cœur de la France. Je ne m’attendais vraiment pas à vivre dans la rue dans cette ville si riche« , dit Nabi.
The Local
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