Marion Maréchal, directrice générale de l’ISSEP, écrit :
En septembre, un étudiant en licence à l’université de Lyon II a eu le courage de dénoncer publiquement l’idéologie et le militantisme décomplexés qui gangrènent ses cours de sciences politiques et sociales. Rien ne manque à l’appel du politiquement correct : obsession de la race et du genre, indigénisme, théories décoloniales, néo-féminisme, immigrationnisme, LGBTQIAA+, prosélytisme islamique. Toutes ses matières, de la sociologie à l’histoire des idées en passant par la politique européenne, sont concernées.
On apprend à cette occasion que la direction de l’université elle-même n’hésite pas à prendre des positions politiques, au point d’encourager les étudiants à manifester devant la Préfecture pour exiger “l’accompagnement des migrants”, le tout au travers de documents administratifs rédigés en écriture inclusive !
Faut-il être surpris, alors, que le groupuscule “antifa” ayant revendiqué l’attaque contre les locaux de l’ISSEP tient un stand dans cette même université, deux jours seulement après l’agression, sans être aucunement inquiété.
Tout droit venues des campus américains, ces théories se parent d’un vernis scientifique pour assurer leur autorité et leur incontestabilité. Elles sont alimentées par le noyautage des jurys de recrutement et des comités en charge de l’orientation des crédits de recherche. Ceux-ci favorisent mécaniquement les “chercheurs” s’engouffrant dans ce moule idéologique, duquel sont exclus tous les esprits libres qui questionnent les biais idéologiques de ces théories.
La Sorbonne nous a apporté une preuve exemplaire de ce phénomène en nommant l’année dernière le Député Danièle Obono, issue de LFI et proche des indigénistes, au conseil d’administration d’une de ses unités de formation et de recherche au titre de “personnalité qualifiée” extérieure.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’étudiant de Lyon II auteur des révélations citées plus haut fut harcelé et physiquement menacé pour avoir dénoncé ce manque de pluralisme, sans que la direction de l’université ne lui manifeste le moindre appui ou ne cherche à sanctionner les auteurs de l’intimidation. Il affirme néanmoins avoir reçu de nombreux et discrets soutiens d’étudiants et de professeurs.
Face à une telle dérive scolaire, comment expliquer toutes ces grandes et petites lâchetés ? Comment expliquer que les étudiants et les professeurs, qui refusent de communier à la grande religion “intersectionnelle”, se taisent et se cachent?
Car malheureusement ce témoignage ne révèle pas seulement la dérive d’un établissement, il est le symptôme d’un mal profond qui pourrit l’ensemble de notre système d’enseignement supérieur, public ou privé, qui n’épargne pas les écoles de commerce mais frappe tout particulièrement les filières en sciences sociales et humaines.
Autrefois lieu du débat et de la recherche, l’enseignement supérieur est devenu le bras armé d’un progressisme militant et sectaire où les dissidents sont dénoncés, insultés et évincés.
Les exemples ne manquent pas. Pour n’en citer que quelques-uns : Stéphane Dorin, professeur à Limoges, licencié pour avoir dénoncé les théorie décoloniales ; Alain Finkielkraut, copieusement insulté à l’occasion de son invitation à science po Paris ; Philippe Soual, docteur en philosophie, qui s’est vu retirer définitivement son cours à la fac de Toulouse Jean-Jaurès suite à sa participation à l’université d’été de la Manif pour tous sur le thème: “Qu’est-ce que l’homme?” ; l’appel à la haine contre Laurent Bouvet, professeur de science politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines qui avait dénoncé le port du voile islamique par une dirigeante syndicale de l’UNEF.
Fleurant bon ce nouveau “business”, certaines écoles sont allées jusqu’à la création de programmes dédiés à ces théories, comme à Science po Paris avec l’ “Effective Gender Equality in Research and the Academia” (égalité de genre effective dans la recherche et l’Académie).
C’est ainsi que nous assistons à la fin du débat, à la disparition de l’esprit critique face au conformisme ambiant, à la destruction de la langue, à la mort de l’intelligence tout simplement. Le summum de la bêtise ayant été atteint dans la tentative d’empêchement de la représentation de la pièce d’Eschyle Les Suppliantes à la Sorbonne pour cause de “black face”.
Ce totalitarisme rampant est d’autant plus terrible qu’il se cache derrière la morale et la tolérance pour justifier des positions haineuses et racialistes contre les européens et leur culture et “les soi-disant dominants” au détriment de la qualité de l’enseignement.
C’est ainsi qu’un profond lavage de cerveau s’opère dans l’indifférence générale sur toute une génération.
Avec l’ISSEP, nous œuvrons à la défense d’un véritable pluralisme intellectuel au sein de nos programmes. Nous apprenons à nos étudiants à débattre des idées, à étudier un auteur et son détracteur, à construire une argumentation. Nous ne disons pas à nos étudiants ce qu’ils doivent penser, ils assimilent des connaissances et les restituent comme ils l’entendent, forts de l’esprit critique que nous nous employons à développer chez ces futurs dirigeants. Notre mission pédagogique apparaît plus nécessaire que jamais.
RémiBrague a été interrogé par l’ISSEP. Extrait :
Comme universitaire, ayant occupé des chaires tant à la Sorbonne qu’à l’université de Munich, quel regard portez-vous sur les échanges et débats entre les différentes universités ? Sont-ils nombreux et enrichissants ou déplorez-vous en philosophie, comme l’écrivain Michel Houellebecq en littérature, un effacement de cette vie intellectuelle une fermeture des esprits et un tarissement de ces échanges ?
J’ai eu effectivement l’honneur d’enseigner dix ans à Munich, à la fin de ma carrière, en parallèle avec Paris I. J’ai aussi été quatre fois professeur invité aux États-Unis et, pour des séjours plus brefs, en Espagne et en Italie. Cela ne suffit pas pour porter des jugements un peu sérieux sur les qualités et défauts des systèmes universitaires. En tout cas, les échanges sont moins intenses et par conséquent moins fructueux qu’ils ne pourraient l’être. D’abord parce que la question des langues se pose. La plupart du temps, les échanges se passent en anglais, et en un anglais pas toujours très riche. Les communautés philosophiques restent quand même quelque peu centrées sur elles-mêmes. Je ne connais pas cette déclaration de Houellebecq. Elle me semble malheureusement assez juste. Nos sociétés se décomposent en groupes dont chacun a ses idées, ses lectures, ses héros et hérauts, etc. On n’a jamais autant parlé de “dialogue”, mais on entend tellement souvent : “on ne parle pas avec ces gens-là !”.
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