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Fiscalité : l'imposture écologique

La fiscalité verte rend les Français jaunes de rage. Ils sentent bien que l’écologie n’est qu’un prétexte pour tenter de combler escomptes publics. Sous prétexte de sauver la planète, Macron prend à la gorge une France périphérique au bord de l’asphyxie.

« Discutons, mais payez d'abord ! » c'est en substance la réponse d'Emmanuel Macron aux Gilets jaunes, pour qui la hausse des taxes sur les carburants a été l'étincelle qui a fait exploser une colère qui ne semble pas près de se calmer. Le Président garde le cap de ses réformes fiscales « écologiques », mais propose une « grande concertation sous trois mois ». Tout au plus ouvre-t-il la piste de taxes ajustables en fonction des cours du brut pour en amortir les effets, un prototype de fausse bonne idée, déjà testée et abandonnée par Jospin entre 2000 et 2002.

Pourquoi jeter ainsi de l'essence sur le feu ? Officiellement, c'est pour « nous désintoxiquer des énergies fossiles ». En réalité, c'est surtout parce que Bercy est gravement intoxiqué à la fiscalité « verte ».

Car si les taxes sur les carburants ne datent pas d'hier, ce n'est que récemment qu'elles se sont parées des plumes chatoyantes de l'écologie. Alors qu'elles ont déjà augmenté en moyenne de 30 centimes/l, depuis 2014, dès le 1er janvier prochain elles vont prendre 6,5 centimes/l, pour le diesel et de 2,9 centimes/l. pour l'essence, après respectivement 6 et 4 centimes début 2018. En tout, d'ici à la fin du quinquennat, la facture devrait être d'environ respectivement 30 centimes et 16 centimes/l, pour le gazole et l'essence.

Fiscalité contrainte, sans possibilité d'évasion, elle suit de plus les recommandations du Conseil européen, qui préconise depuis au moins 2012 de moins imposer le travail et d'augmenter les taxes « vertes » et la consommation. Ou comment sacrifier Vierzon sur l'autel de Bruxelles.

Bien sûr, elle est un peu complexe à calculer, puisque derrière le sigle TICPE se cache en effet un millefeuille fiscal. Il y a une couche fixe, qui augmente plus vite pour le diesel que pour l'essence, afin d'aligner les deux barèmes d'ici 2020. S'y ajoute la fameuse taxe carbone, calculée à la tonne de C02 émis, qui passe de 30,50 € en 2017 à 86 € en 2022. Selon les professionnels, toute augmentation de 7,5 €/tonne se traduit par 2 centimes de TCIPP supplémentaires pour le gazole et 1,7 pour l’essence, soit respectivement 15 et 12,5 centimes de hausse de taxes sur la période. N'oublions pas bien sûr que la TVA augmentera elle aussi en valeur absolue, puisqu'elle est calculée sur le prix déjà taxé. Double peine !

Tant de taxes, si peu de C02 !

Seul léger souci, elle pèse en proportion bien plus lourd dans le budget des ménages les plus modestes et encore plus pour ceux qui n'ont pas d'alternative à la voiture pour se déplacer. Bref, pour la France périphérique qui a enfilé son gilet jaune.

Une France qui subit aussi la pression des radars, particulièrement forte depuis l'instauration des 80 km/h sur les routes nationales, qui voit les péages augmenter sur les autoroutes et s'alourdir les malus écologiques sur les véhicules, notamment diesel - que l'État avait pourtant encouragés pendant des années. Se retourner vers l'occasion risque de ne plus être une si bonne affaire, puisque là aussi, la fiscalité écolo monte en puissance. Et ce ne sont pas les 2 500 euros de prime à la casse d'un diesel ou même l'aide de 5 000 euros maximum qui permettront aux Français les plus modestes de rouler en voiture familiale électrique.

On ne parle là que des coûts directs liés à l'usage de la voiture et pas de ceux que vont répercuter l'artisan, le commerçant ou l'entrepreneur, qui eux aussi subissent la flambée à la pompe. Conjuguée à la hausse du cours du baril en début d'année, la fiscalité a fait bondir les prix de 22,6 % sur un an pour le gazole, de 14,6 % pour l'essence et de 30,4 % pour le fioul domestique.

L'argument écologique ne résiste guère à l’analyse, du moins pour l'alibi C02. La France émet 0,9 % du C02 mondial, ce qui nous place, notamment grâce à nos centrales nucléaires, au neuvième rang des pays les moins émetteurs de C02 par habitant. Le secteur des transports est responsable d'un tiers de ces émissions, dont plus de la moitié est imputable aux voitures. Bref, Macron nous explique qu'il va sauver la planète en agissant sur environ 0,16 % du C02 émis dans le monde par les voitures françaises. En même temps, les 15 plus gros porte-conteneurs du monde polluent à eux seuls autant que la totalité du parc automobile mondial (650 millions de véhicules), notamment en rejets soufrés.

La hausse des taxes sur l'essence est en réalité destinée à pallier d'une part la baisse régulière de la consommation de carburant, donc de recette pour l'État, et d'autre part les cadeaux fiscaux de Macron. 577 millions d'euros ont déjà été reversés du budget de l’écologie au budget général de l'État, et d'ailleurs, Bercy avoue aux députés que la hausse de la fiscalité verte sert à financer le coût de la réforme du CICE et la baisse des recettes de l'ISF après sa réforme. De fait, dans le budget 2019 seulement 19 % des taxes sur les carburants sont reversés à l'environnement. Alors que la TICPE augmentera l'an prochain de 4 milliards, rien de plus ne sera reversé à l'environnement. Fiscalité verte, vous disiez ?

Richard Dalleau monde&vie 6 décembre 2018

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