Personnalité politique, c’est un métier. C’est un sport, aussi. Il faut, pour y réussir, plus que de l’entraînement : des dispositions physiques particulières.
Il faut, par exemple, une grande souplesse d’échine couplée à des talents de contorsionniste. On doit pouvoir aller dans le sens du vent et y demeurer quoi qu’il advienne, c’est-à-dire être capable de retourner sa veste en un instant. Il faut, aussi, de solides cordes vocales pour pouvoir hurler avec les loups et bêler dans le troupeau des moutons de Panurge. À cela, on ajoutera une mémoire de poisson rouge, histoire d’ignorer en toute quiétude ce qu’on a fait hier pour mieux promettre ce qu’on fera demain. Ou pas. Car il faut, pour exercer cet art subtil qu’est la politique, avoir la cervelle aussi souple que les reins.
On vous le redit : politique, c’est plus qu’un métier. Et dans notre monde où chacun expose quotidiennement ses tripes et ses humeurs sur les réseaux sociaux, il faut veiller à tout. Dans cette ambiance, avoir – comme tous ceux qui prétendent compter – le doigt en permanence sur la gâchette à tweets est un risque majeur. Les conneries fusent plus vite que la lumière, et pas moyen de les rattraper…
C’est ce qui vient d’arriver à Manon Aubry, jeune députée européenne de La France insoumise. La brunette au frais minois a pourtant tout pour elle : à 30 ans tout juste (depuis le 22 décembre), elle a déjà derrière elle une jolie carrière. Pensez, jusqu’à l’an passé, avant que Mélenchon ne la bombarde tête de liste aux européennes, elle était « responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités » à Oxfam France. Comme vous, peut-être, j’ignorais ce beau métier, mais il existe. Du moins dans l’association dont le DG s’appelle Cécile Duflot.
Et puis, ancienne responsable de l’UNEF sortie de Sciences Po Paris, Manon Aubry y enseigne aujourd’hui les droits de l’homme (sans doute devenus droits humains, dans le nouveau cursus). Bref, un parcours sans faute pour l’eurodéputée, coprésidente du groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE-NGL), membre de la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON), coordinatrice de la Commission des affaires juridiques (JURI) et de la Commission du Développement (DEVE), comme nous le signale sa fiche biographique.
Alors, bien sûr, quand on a un si grand cœur et tant de responsabilités, on peut se prendre les pieds dans le tapis. Ou dans le tweet.
Au jour anniversaire de l’attentat, le 7 janvier, Manon Aubry a voulu rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo et a publié sur Twitter ce message : « Cinq ans après l’attentat de #CharlieHebdo, souvenons-nous des visages et des noms de celles et ceux qui furent lâchement assassinés le 7 janvier 2015. Liberté de la presse, droit au blasphème, leur combat d’alors reste toujours d’actualité face aux obscurantistes. »
Et alors ? Il n’y a rien à redire à cela, bien au contraire. Oui, la presse est libre, le blasphème un droit et les obscurantistes des empêcheurs de vivre et de penser en rond avant que d’être des assassins en puissance. Elle a raison, cette Manon Aubry !
Sauf que… sauf qu’en bonne petite soldate de La France insoumise, elle défilait, le 10 novembre dernier, dans la « manifestation contre l’islamophobie » où s’est précipité – et compromis – le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Toutes choses que n’ont pas manqué de lui rappeler les internautes, notamment Bernard Carayon, le maire LR de Lavaur, qui lui a répondu : « Indécente. Cynique. Vous défilez près du #Bataclan avec des #islamistes et vous commémorez ensuite les victimes de #CharlieHebdo. »
Eh oui, chère Manon Aubry, il faudrait savoir sur quelle chaise vous voulez poser votre derrière. Trop de contorsions provoquent des entorses à la morale…