Dans l'affaire Ghosn, on a focalisé l'attention des Français, d'abord sur le comportement quelque peu hors limites d'un brillant dirigeant, puis sur la méchanceté des Japonais, bien connue des lecteurs du Lotus Bleu.
Mais, d'autre part, on ne s'est pas suffisamment interrogé en France sur les motivations de nos partenaires. Pourquoi en effet se sont-ils retournés à l'encontre de leur sauveur ? il semble un peu trompeur de fantasmer sur leur nationalisme industriel. Si ce pays était à ce point braqué contre les investisseurs étrangers, éventuellement en raison de son caractère insulaire, il n'aurait jamais laissé un opérateur européen s'emparer de tout ou partie d'un bastion de son industrie, même pour le tirer d'embarras.
Ce qui a provoqué une partie de la réaction de Tokyo tient à la prise de conscience que se profilait un étatisme qui n'appartient pas du tout à la culture du capitalisme japonais.
La loi Florange fut promulguée sous Hollande en mars 2014. Le jeune conseiller du président s'appelait Macron. Il allait succéder en juillet à Arnaud Montebourg. Or, ce texte permet de doubler le vote des représentants ministériels dans des entreprises au sein duquel l'État ne possède que 15 % du capital : avec 30 % des voix le contrôle reste entre les mains de l'administration française des Finances.
C'est cet aspect de Renault, l'immixtion de notre haute administration, qui insupporte clairement Nissan et les Japonais.
C'est ce qui avait fait déjà capoter en 1993 les accords Renault-Volvo. La Suède pays hautement social-démocrate n'accepte pas l'étatisme industriel.
Rappelons à ce stade que les technocrates se sont pratiquement toujours trompés. Or, on les trouve à la tête d'un secteur semi-public français fort de 1 800 entreprises, contrôlées directement ou indirectement par eux, employant un bon million de salariés. Même dans les processus de semi-privatisation, on le constate dans les concessions d'autoroutes, les ventes d'aéroports, et presque toutes les opérations de subventions. La liste est longue. Les finances de l'État, aujourd'hui surendetté, servent perpétuellement à combler leurs désastres récurrents.
Si on acceptait de passer au même crible, dans son ensemble, la sécurité sociale, comme assurance étatique monopoliste, on observerait la même réalité.
Certes, la faillite de l'État dans la gestion de l'assurance maladie n'a pas encore été actée par l'opinion se croyant éclairée. Elle se mesure pourtant déjà, à vue d'œil, dans les difficultés de l'hôpital public comme dans la désertification de la médecine de ville.
On doit craindre hélas que face à ces deux crises on cherche à renforcer la cause elle-même, par plus de mesures réglementaires, ubuesques, tendant, comme d'habitude dans les systèmes socialistes, à répartir la pénurie.
Il y a plus de 20 ans, une réforme constitutionnelle imposée par Juppé en février 1996. Elle fut suivie des ordonnances étatistes désastreuses signées de l'ectoplasme Barrot, elles-mêmes largement responsables de la défaite électorale de Chirac en 1997 du fait de leur impopularité dans le corps médical et les classes moyennes.
L'arrivée de Jospin, et de la redoutable Aubry n'a, bien sûr, pas conduit à un recul de l'étatisme, encore aggravé par les 35 heures.
Toute cette sédimentation d'erreurs, jamais corrigées, constitue, paraît-il, un "modèle social" auquel les Français seraient "attachés". Tellement attachés qu'on les ligote chaque année un peu plus.
Or, à cet égard, l'actuel processus de "réforme" des retraites ne fait que compléter l'étatisation de la sécurité sociale, étendue à sa branche vieillesse
Les 63 pages de l'avis consultatif du conseil d'État sont désormais enfin rendus disponibles. Elles n'ont été finalisées que par l'Assemblée générale des jeudis 16 et 23 janvier 2020 et l'on peut maintenant observer, dans son ensemble, ce Projet de loi organique, assorti d'un projet de loi organique, tendant à instituer un système universel de retraite.
Une fois le concept même de cette "universalité" ne fait l'objet d'aucun examen critique. À qui et où s'applique-t-il ? Le génie du jacobinisme, une fois encore, aime à penser "l'universel", comme le chevalier François de Haddoque[1], à partir du méridien de Paris.
Le Conseil d’État déplore de n'avoir été saisi que le 3 janvier. Il n’a donc disposé que de trois petites semaines pour rendre son avis sur les deux textes. Entre-temps c'est à six reprises que, dans cette période, que le gouvernement les a par ailleurs modifiés.
Il n'est pas tout à fait sérieux de soutenir, cependant, comme le fait Médiapart[2]que"le Conseil d’État assassine le projet du gouvernement".
Le fait est cependant que les objections de la haute instance administrative demeurent nombreuses.
L'intimidation par les chiffres, vieille habitude des technocrates et des médias pour faire avaler la pilus, n'a pas fonctionné. L'étude d’impact est jugée tout à fait insuffisante.
Comment accepter, dans de telles conditions qu'une loi organique puisse habiliter le Gouvernement à prendre 29 ordonnances sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. C'est un des traits les plus antidémocratiques de la cinquième république.
Ces habilitations se trouvent réparties sur 23 articles. Elles portent sur quelque 40 questions aussi diverses allant de la définition de dérogations à la gouvernance du futur nouveau système.
La haute administration s'arrogera le droit de trancher sur toutes les questions importantes. En cotisant dans ce système monopoliste étatique de retraite, on pensera peut-être acheter une assurance en vue de la vieillesse : on recevra une pochette-surprise.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. "Le Trésor de Rackham le Rouge"
[2] Article du 25 janvier 2020 par Ellen Salvi.