Enfin une bonne nouvelle ! Pas pour tout le monde, certes, mais c’est déjà ça. Une nouvelle qui devrait ravir les profs qui n’arrêtent pas de se plaindre : c’est simple, depuis que j’ai l’âge de raison, je les ai toujours entendus se plaindre. Allez savoir pourquoi ! Et c’est Sibeth Ndiaye qui s’est chargée d’annoncer la bonne nouvelle en ce 25 mars. On a les annonciations qu’on mérite. Je la cite : « Nous n’entendons pas demander à un enseignant qui aujourd’hui ne travaille pas de traverser la France pour aller récolter les fraises. »
Déjà (ouvrons la parenthèse), le « nous n’entendons pas ». Un petit côté « l’État, c’est nous » qui vous dit tout de suite que là, on n’est pas n’importe où, qu’on n’assiste pas au rapport moral de l’association des boulistes de Caboulasse-de-Mildiou. Fermons la parenthèse. Eh puis, tiens, ouvrons une deuxième parenthèse : paraît que les profs télétravaillent ? On ne lui a pas dit, à Sibeth ? Jean-Michel, fais quelque chose ! Fermeture de la deuxième parenthèse.
On voyait pourtant la scène d’ici. Deux gendarmes (oui, ils sont toujours par deux, comme autrefois les curés et les bonnes sœurs) se pointent devant le modeste pavillon de banlieue parisienne du fonctionnaire privilégié et forcément syndiqué. Dans la main, l’un des deux pandores tient un document, frappé au coin gauche des trois couleurs et signé en bas par ordre de Blanquer, Guillaume et Pénicaud réunis. L’autre gendarme se lisse la moustache, pensant tout bas : « un privilégié qui va aller bosser ». « Chérie, j’ai reçu mon ordre de mobilisation. Je dois sans délai rejoindre Carpentras. Là-bas, on me délivrera un billet de logement, une salopette verte et zou, au travail ! Ne t’inquiète pas, la guerre ne sera pas longue. Je serai vite de retour. » Séquence émotion, pleurs, embrassades dans le respect, bien évidemment, de la distanciation sociale.
Mais non, la tragédie n’aura pas lieu. Car, on l’aura bien compris, Sibeth Ndiaye fait de l’humour. Un compte rendu de Conseil des ministres animé par ce véritable moulin à paroles gouvernementales est, à ce titre, un véritable festival. Ça tombe comme à Gravelotte dans les maisons de retraite, mais faut bien garder le sourire, n’est-ce pas ! Bien sûr, on l’aura compris, pas question d’envoyer les profs ramasser les fraises. C’était juste pour expliquer l’appel à l’aide de Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, face à la pénurie de main-d’œuvre saisonnière du fait de la fermeture des frontières. On est rassuré pour les profs : le STO n’est pas au programme. Mais après ce compte rendu pétillant, on n’est pas plus avancé et on n’en sait pas vraiment plus. C’est peut-être le but, qui sait.
On épargnera au lecteur l’humour facile sur le sucrage des fraises.