C’est, paraît-il, le propre des néophytes de faire preuve d’un zèle particulier. C’est, sans doute, le cas d’Olivier Véran, depuis qu’il a accédé par accident au poste de ministre de la Santé. Il prend son rôle au sérieux et n’hésite pas, à l’instar du Premier ministre ou du Président, à faire la leçon. Ainsi, après le Conseil des ministres de samedi, il a présenté les mesures qui vont encadrer le déconfinement. À partir du 11 mai, si, toutefois, les Français ne se relâchent pas ! Pour en rajouter une couche, il a accordé un entretien au Parisien-Aujourd’hui en France de ce dimanche.
Qu’on se le dise ! Le déconfinement ne sera pas le début d’une plus grande liberté mais le démarrage de nouvelles contraintes. Un projet de loi va être examiné illico presto par le Parlement pour prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 24 juillet, en « conforter le cadre juridique » et l’« élargir » pour « intégrer les enjeux du déconfinement ». Olivier Véran déclare qu’il ne s’agit pas d’« un pur, simple retour en arrière ». Sinon, « il y aurait fort à parier que tous ces efforts réalisés de manière admirable par les Français auraient été vains ». Nous voilà donc prévenus !
Parmi ces mesures, une quarantaine « sera imposée à toute personne qui entre sur le territoire et sera organisée avec les moyens de l’État ». On suppose qu’il s’agit des voyageurs arrivant de pays autres que l’Union européenne, puisqu’on peut théoriquement circuler à l’intérieur de l’espace Schengen. Si vous avez des proches à l’étranger, n’espérez pas les voir, au mieux, avant la fin juillet : s’ils arrivent en France, ils seront confinés. Quant aux personnes malades déjà sur le sol français, elles devront s’isoler mais, rassurez-vous, sans contrainte : elles auront le choix, si elles sont testées positives, entre rester chez elles et s’isoler dans un hôtel, aux frais de la princesse.
Le traçage des contacts des malades par une application sur téléphone est abandonné. Ouf ! Mais il existera un système de traçage officiel pour « permettre à l’assurance maladie ou aux agences régionales de santé, aux médecins hospitaliers et en ville » d’obtenir un maximum d’informations sur l’état de l’épidémie. Sans faire un procès d’intention aux inventeurs de cette machinerie administrative, on se demande si cette formule n’est pas encore pire que la précédente. La loi doit permettre, en effet, à des personnes qui ne sont pas médecins d’accéder, à titre exceptionnel, à ces informations. Entre un flicage par votre téléphone ou un fichage par des « brigades sanitaires », qui vont surveiller de près les malades potentiels et leur entourage, que préférez-vous ?
Chacun est conscient qu’un déconfinement progressif doit s’accompagner de quelques contraintes à respecter. Encore faudrait-il que ceux qui en décident soient dignes de confiance. Est-ce le cas ? Quand Olivier Véran se réjouit de pouvoir bientôt fournir des masques à tous les professionnels de santé (enfin !), quand Christophe Castaner en appelle au « civisme des Français », tout en précisant que le droit de verbalisation sera étendu à plusieurs catégories d’agents qui pourront « constater le non-respect des règles de l’urgence sanitaire et le sanctionner », on se demande si nos dirigeants ne rêvent pas, à la faveur des circonstances, d’imiter Big Brother pour affermir leur pouvoir défaillant.
Ainsi, quand le gouvernement publie sur son site des liens renvoyant à des articles de presse réfutant les « fake news » sur le coronavirus, on pourrait croire qu’il instaure un ministère de la Vérité, destiné à lui donner toujours raison – même quand il a tort !
Philippe Kerlouan