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La gestion de la crise sanitaire : réflexions sur les spécificités de l’incurie macronienne

La gestion de la crise sanitaire : réflexions sur les spécificités de l’incurie macronienne

La crise du coronavirus et sa gestion par le pouvoir politique donnent lieu à des commentaires souvent intéressants et pouvant être développés à l’infini. D’autant plus que, mondiale, elle autorise aussi des comparaisons instructives.

Cependant, l’objectif de ce texte n’est pas d’étudier cette gestion de la crise en France au regard d’une situation inédite de privations de libertés considérées comme fondamentales ; ni de pointer les incohérences d’une action qui suffiraient à remplir plusieurs tomes épais, même en tenant compte d’une compréhensible progression dans découverte des caractéristiques du virus, juste au regard de ce qu’est le bon sens ; ni même de juger de la pertinence intrinsèque des actions décidées ; ni encore de prévoir des perspectives judiciaires promises par certains.

Le but est l’analyse de ce qui sous-tend en France l’action politique depuis le début de la crise sanitaire, révélant par là-même des spécificités de l’exercice du pouvoir macronien. Révélant d’ailleurs aussi de quelques traits de la société française qui seront vus en conclusion.

Premier aspect : l’usage du mot « guerre ». Les fameux « nous sommes en guerre » dans l’adresse aux Français de M.Macron le 16 mars 2020.

Cet usage est une contrefaçon, bien sûr. Car il ne s’agit que d’une crise sanitaire. Nous employons le terme contrefaçon, car il peut recouvrir tout à la fois une erreur d’analyse (inconvenante venant de gens si subtils et intelligents, comme le dirait Gilles Le Gendre) et un besoin de mise en scène (beaucoup plus probable). Cela permet mieux à l’exhibitionniste qui nous gouverne de plastronner.

Ce mot, en tout cas, conduit logiquement à l’énumération quotidienne du nombre de morts, dans une comptabilité d’épicier dont le Directeur général de la santé Jérôme Salomon, franc comme un âne qui recule, a le secret.

Ce vocabulaire, cette épicerie mortuaire, sans mise en perspective, ont sans doute eu pour effet de créer ou d’accroître chez certains une peur devenue exagérée. Comment faut-il comprendre sinon le type de réactions face à l’annonce de la réouverture des classes de l’école au 11 mai : « Les enfants sont les premiers à être renvoyés sur le front de guerre » ?

Deuxième aspect : on fait la guerre mais sans se référer aux frontières nationales.

C’est là une des caractéristiques intéressantes de la gestion macronienne : l’originalité de cette guerre aura été d’ignorer toute référence aux frontières nationales, considérée ipso facto comme de mauvais goût. Le Français aura eu le choix d’action entre les frontières de l’espace Schengen, celles de son domicile, celles du 1 kilomètre à partir de ce même domicile, bientôt celles du 100 kilomètres. Et si M.Macron a troqué les références à la République pour des références constantes à la Nation, c’est aussi en se référant à une souveraineté europénne. Comprenne qui pourra.

Troisième aspect : la gestion de la crise dévolue aux experts.

On sait depuis G.Clémenceau que la guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires. Apparemment, le pouvoir macronien n’a pas su que la crise sanitaire était une chose trop grave pour être confiée à des médecins. Au contraire, il y a eu comme une sorte de dévolution systématique à l’autorité technicienne. Clairement exprimée dès l’adresse aux Français du 12 mars 2020 :

« Un principe nous guide pour définir nos actions, il nous guide depuis le début pour anticiper cette crise puis pour la gérer depuis plusieurs semaines et il doit continuer de le faire : c’est la confiance dans la science ».

Et E.Macron a superposé les couches : il y avait déjà bien sûr la Direction générale de la Santé et toutes les institutions propres au Ministère. Il y a eu le Conseil scientifique installé le 11 mars et cité dès le 12 mars par E.Macron. Le 24 mars, a été installé en sus un Comité analyse, recherche et expertise (CARE), qui n’a, il faut être honnête, que peu fait parler de lui.

Cette dévolution a eu deux conséquences :

  • La première : sur-exagérer la prise en compte des considérations sanitaires, bien légitimement mises en exergue par des médecins.
  • La deuxième : permettre au pouvoir exécutif une commode défausse sur ces experts. Magnifiquement exprimée par E.Philippe, lors de son discours sur les modalités du déconfinement le 28 avril, à propos des masques :

« Les scientifiques eux-mêmes ont évolué. Au début, beaucoup nous disaient que le port général du masque n’était pas nécessaire, que le risque du mauvais usage était supérieur aux avantages espérés. Nous l’avons répété ; moi-même, je l’ai dit. Ils nous disent aujourd’hui – ce sont parfois les mêmes – qu’il est préférable, dans de nombreuses circonstances, de porter un masque plutôt que de ne pas en porter : il me revient donc de le dire, et de faire en sorte que cela soit possible».

Quatrième aspect : l’usage immodéré de la propagande.

Cette considération cadre parfaitement avec la notion déjà évoquée de guerre, alors qu’elle eût été inadéquate dans le cadre du traitement d’une crise sanitaire.

La propagande s’est traduite par l’appel à des moyens exceptionnels volontairement exagérés, pour donner plus d’ampleur à une apparence d’action (ou à des actions elles-mêmes). C’était tout l’objectif du lancement de l’opération Résilience, annoncée par E.M lors de son déplacement dans l’hôpital de campagne construit à grand renfort de publicité par l’armée près de Mulhouse, pour trente lits de réanimation (quand les structures hospitalières privées de l’Est français, qui avaient dégagé des lits de réanimation, se plaignaient de rester inutilisées) ; comme pour ce navire porte-hélicoptères pouvant embarquer 450 militaires (plus 170 marins d’équipage) et utilisé pour transporter 12 patients dont 6 seulement en réanimation depuis la Corse sur le continent ; ou la médicalisation d’un TGV pour 20 malades, trompetée comme une première mondiale. Sans doute y avait-il aussi pénurie d’ambulances adaptées ou d’hélicoptères.

On aura remarqué que la propagande macronienne aime s’appuyer sur des solutions miracles à fort contenu technologique. N’a-t-on pas encore entendu le Premier ministre, le 28 avril, se louer de la capacité de la Poste, à compter du 30 avril, d’ouvrirune plate-forme de e-commerce pour distribuer chaque semaine à ceux qui en ont besoin plusieurs millions de masques grand public. Saisissant : nous qui pensions bêtement que c’était en fait le…. boulot de la Poste. Et on attend avec impatience la fameuse application STOP-COVID.

La propagande a besoin d’exploit. Mais pas ceux de la vie ordinaire.

La propagande a aussi besoin de communication. Et il faut dire que nous n’avons pas été sevrés de paroles, présidentielle, premier-ministérielle, ministérielles, directoriales ; et même M.Défraîchi, le président du ci-devant Conseil scientifique, n’hésite pas à participer.

Cette communication est bien sûr affirmée comme reposant sur ses deux mamelles, vérité et transparence. Le 16 mars, E.Macron l’affirme :

« Je vous dirai à chaque fois, comme je l’ai fait, comme le Gouvernement le fait, la vérité sur l’évolution de la situation » ;

le 25 mars, en opération propagande à Mulhouse :

« le gouvernement fera le maximum pour apporter toutes les réponses avec les contraintes qui sont les nôtres, toujours en transparence »

et :

« Le ministre de la Santé reviendra dans les prochains jours, comme il l’a déjà fait et comme il le fait constamment sur les sujets les plus sensibles, en toute transparence » ;

le 13 avril,

« Mes chers compatriotes, si je tenais à m’adresser à vous ce soir, après avoir largement consulté ces derniers jours, c’est pour vous dire en toute transparence ce qui nous attend pour les prochaines semaines et les prochains mois ».

Cerise sur le gâteau, lors du débat du 28 avril à l’Assemblée nationale et en réponse au discours d’E.Philippe sur le déconfinement, le chef des députés LaREM (les trop subtils et intelligents) n’hésite pas à commencer ainsi son discours :

« Vous avez décidé, depuis le début de la crise, d’observer avec le Parlement les mêmes principes de vérité et de transparence qu’avec nos concitoyens ».

Mais, on le sait, c’est pour mieux mentir.

Cinquième aspect : le mensonge originel, celui sur les masques.

Une énorme partie du comportement des personnes engagées dans la gestion de la crise est obérée par ce mensonge originel : il y avait pénurie de masques et le pouvoir a affirmé le contraire. Ceci a amené à un deuxième mensonge : le pouvoir a affirmé que le masque –hormis pour les soignants- était inutile. On se rappelle même que des forces de l’ordre qui portaient un masque sur initiative individuelle, ont, un temps, été réprimandées et priées de ne pas en porter. M.Ménard, maire de Béziers et qui a très tôt pris l’initiative de faire fabriquer des masques en tissus pour ses administrés, qu’il a commencé de distribuer, rapportant son action au préfet de l’Hérault s’est vu répondre : « Ce que vous faites est néfaste » !

Arrêtons-nous un moment sur ces deux aspects.

  • La pénurie: soit le pouvoir était très mal informé, tant des disponibilités que des besoins, ce qui serait un cas flagrant d’incapacité (on ne discutera pas là de la généalogie des responsabilités ayant abouti à des stocks très insuffisants en début d’épidémie) ; soit il a menti délibérément, et nous pensons que c’est le cas.
  • Le port du masque comme geste-barrière. E.Philippe s’est donc défaussé sur les scientifiques qui l’auraient mal conseillé. Franchement, faut-il être préfet ou ministre pour ne plus être capable de constater par soi-même que tous les pays confrontés à plusieurs infections respiratoires comme le coronavirus ont généralisé le port du masque ? Faut-il être préfet ou même ministre pour ne plus avoir le bon sens nécessaire pour subodorer que, certainement, le port du masque empêche la dispersion des postillons ?

On dira : mais il y avait pénurie et il fallait réserver les quelques masques disponibles pour les soignants les plus exposés. Soit. On comprend. Mais alors, pourquoi ne pas avoir lancé au plus vite les initiatives individuelles (petites et moyennes entreprises, individus) pour fabriquer tous les masques que le ministère de la Santé était incapable de fournir ? On parle toujours de co-construction, de solidarité. Belle occasion pour que chacun se sente impliqué. Mais il ne semble pas que ce pouvoir macronien ait grande confiance dans les capacités du peuple.

Après, bien sûr, il y a tous les autres mensonges et les manques de transparence répétés malgré les promesses. Simplement trois exemples parmi tant d’autres : on attend toujours d’avoir l’historique prouvé des commandes de masques par l’Etat ; on attend de savoir si les pouvoirs publics étaient informés de la disponibilité soudaine de masques chirurgicaux à compter du lundi 4 mai dans les hypermarchés ; le Dr Marty, médecin généraliste et président de l’Union française pour une médecine libre, attend que soient communiqués les chiffres des soignants ayant été contaminés depuis le début de l’épidémie. Et pour rester court, on n’abordera ici ni le sujet des tests, ni celui des traitements.

Sixième aspect : le « quoi qu’il en coûte » originel. Ou le primat du sanitaire sur la ligne de crête.

Cela date du tout début, dans l’adresse d’E.Macron aux Français le 12 mars :

« La santé n’a pas de prix. Le Gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte ».

C’est bien évidemment faux : la santé a un prix. D’ailleurs, les structures hospitalières le savent bien, qui subissaient depuis des années des politiques de réduction des coûts. Mensonge ? Plutôt manque de sens du bien commun.

Parce que, le 28 avril, le Premier ministre a bien été obligé de dire une partie de la réalité :

« Nous devons protéger les Français sans immobiliser la France au point qu’elle s’effondrerait. C’est une ligne de crête délicate qu’il nous faut suivre. Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart ; un peu trop de prudence et c’est l’ensemble du pays qui s’enfonce ».

Le coût économique et financier va être considérable, lié à la décision de confinement et à toutes les décisions de protection (souvent légitimes dans ce cadre) prises par le gouvernement. Sans doute au minimum 300 milliards d’euros. Pour quel bénéfice en terme de santé ?

On sait que l’objectif de santé publique a été une gestion de l’épidémie par la pénurie, celle des lits de réanimation (malgré un déploiement d’efforts considérables qui ont permis son passage d’environ 5000 avant l’épidémie à près de 15000 ensuite, structures publiques et privées). Le gabarit, la jauge étaient donc fournis par le nombre de lits de réanimation disponibles et les soignants de tous métiers capables d’en maîtriser l’usage.

Alors, quel prix, la santé ? Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a estimé :

« Selon une étude de l’École des hautes études en santé publique, le confinement aura permis d’éviter au moins 62 000 décès en un mois et 105 000 lits de réanimation auraient manqué en l’absence de confinement ».

Reconnaissons d’abord un certain savoir-faire à cette école quand bien même le ministère de la Santé a été incapable jusqu’au 7 avril de fournir le nombre de morts par coronavirus dans les EHPAD ; que le recensement des morts par coronavirus à domicile est encore, apparemment, inconnu ; et que le ministère de la Santé, à date du 2 mai, est toujours incapable de dresser une carte des départements en fonction de la disponibilité des tests du COIV-19, pourtant choisie par lui comme un des critères de différenciation des départements (rouge ou vert) à mettre en œuvre au 11 mai au plus tard.

Ceci étant, acceptons ce chiffre de 62000 décès évités (dont une grande majorité de personnes âgées ce qui, d’un point de vue purement statistique –quoique toujours désagréable à entendre- peut dans une grande partie des cas être considéré comme une anticipation…). Proposons de rapporter ce nombre aux 300 milliards d’euros. Cela valorise le mort évité –osons le cynisme froid jusqu’au bout- à 5 millions d’euros. Si l’on valorise chacun des 65 millions de Français (65 millions) à ce montant, cela correspond à un PIB de 325 000 milliards d’euros. Soit environ 130 fois le PIB français actuel (estimation de 2400 milliards d’euros). La santé n’a pas de prix. Mais le mort du coronavirus potentiellement évité est très cher quand même. D’où la ligne de crête du Premier ministre, qui vient percuter la légèreté de son président.

D’autant plus que le coût n’est pas que financier ou économique. Il y a toutes les atteintes à ce qu’est la vie dans son expression humaine (sans même là encore parler de liberté) : la tendresse pour les vieux, l’accompagnement des morts, la liberté de pratiquer son culte.

Vous verrez que l’on s’étonnera d’en voir le coût apparaître lorsque, la crise jugulée, le niveau de vie diminuera, sous une forme ou sous une autre, en proportion de la baisse du PIB, et que le degré de souveraineté de la France (pourtant affichée comme une valeur renaissante) se sera un peu plus affaissé sous l’effet de l’accroissement de la dette possédée par des structures étrangeres.

Septième aspect : le manque de recul sur la mortalité directement liée au coronavirus.

Peut-être se sera-t-on effarouché de l’apparente désinvolture avec laquelle sont traités les morts. On va pourtant continuer encore un peu.

Il a été dénombré, jusqu’à présent, environ 25 000 décès dûs au coronavirus en date du 2 mai 2020, soit plus de deux mois après le début de l’épidémie en France et après un mois et demi de confinement. En 2019 il y a eu en France environ 615 000 décès, soit environ 1 700 décès quotidiennement. Soit, « normalement », sur une période de deux mois (mars et avril) : 102 000.

Autrement dit, il pourrait y avoir chaque jour que Dieu fait un long lamento du Professeur Salomon sur les 1 700 décès du jour. On y échappe fort heureusement. Et on n’arrête pas la vie de la société pour cela, heureusement aussi.

Un petit peu de perspective donc, d’autant plus facile bien sûr qu’on n’est pas directement concerné par cette maladie… Mais c’est aussi le rôle du pouvoir politique, responsable du bien commun, de mettre les choses en perspective.

Retenons aussi que toute la France a été confinée. Or, sur les 25000 décès, plus de 9000 ont eu lieu en EHPAD. Mais, en réalité, les résidents des EHPAD sont plus touchés que cela parce que, le 29 avril par exemple, plus de 3000 morts à l’hôpital avaient en fait été transférés à partir des EHPAD. Plus de la moitié des décès proviennent donc en réalité de ces établissements, ce qui ne paraît pas anormal vu les caractéristiques du virus. Conclusion du démographe M. Robine

« ils ont confiné aveuglément tout un pays, sans distinction de région, d’âge, d’activité, tué toute une économie, flanqué la trouille à toute une population parce qu’en réalité un virus décimait (et le terme est heureusement très inexact) essentiellement les personnes âgées – voire très âgées – dépendantes placées en EHPAD. Dire cela n’est pas nier ou minimiser le drame ».

Toutes ces remarques sur la pratique macronienne de la gestion de la crise sanitaire renvoient aussi et désagréablement pour notre amour-propre à quelques constatations sur une société française largement abreuvée (saoûlée ?) d’informations et de commentaires par les chaînes d’information continue.

Première caractéristique de la société française : le poids des lourdeurs administratives, deviné dans tout ce qui tient à la question des stocks et commandes de masques, stocks et commandes de tests, certification et validation de nouveautés médicales, lourdeurs dans les évaluations médicamenteuses diverses.

Deuxième caractéristique de la société française : une formidable capacité d’encaissement apathique. Dans n’importe quel contexte professionnel un peu exigeant, la succession des présentations, annonces, annonces qu’on va annoncer, imprécisions, incohérences, mensonges que nous connaissons aurait conduit à une éjection immédiate des présentateurs. Pourtant, quand il s’agit de M.Philippe et de M.Véran qui se démènent pendant plus d’une heure le 19 avril  pour nous informer que finalement, on n’apprendrait à peu près rien sauf que le gouvernement travaille (on l’espère a minima) et avec humilité (on préfèrerait avec efficacité), pas de ruée dans les brancards et bien peu de réclamations. Et de même, quand dans son discours du 28 avril, le Premier ministre explique :

« Quant aux lieux de culte, je sais l’impatience des communautés religieuses et les lieux de culte pourront rester ouverts. Mais je crois qu’il est légitime de leur demander de ne pas organiser de cérémonie avant la barrière du 2 juin »,

pas de Conférence des évêques de France pour répondre : « Monsieur le Premier ministre, vous pouvez légitimement nous le demander. Et notre réponse est NON ». La France attend. Une sorte d’anesthésie dans laquelle on aimerait déceler une vitalité civique irréprochable.

Troisième caractéristique : une passion française pour l’interdiction.

Est-il utile de rappeler les raffinements observés un peu partout pour rajouter de l’interdiction aux interdictions ? De rappeler les insupportables exemples de débordement des forces de l’ordre s’octroyant les pouvoirs du juge dans l’application des conditions dérogatoires de déplacement dans le cadre du confinement ? De rappeler les diverses interdictions faites aux médecins libéraux de prescrire, aux pharmaciens de vendre, aux laboratoires de fabriquer ?

Un bon exemple de cette passion est fourni par l’exercice du vélo.  La fameuse attestation autorise un « déplacement dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile lié à l’activité physique individuelle ». N’importe qui de sensé y voit la possibilité de faire du vélo pour le plaisir ou l’entretien physique, dans les bornes (temps et distance) fixées. Mais non, on sait que des pandores ont estimé que le vélo tout seul était interdit. D’où des actions en justice qui ont abouti à une décision du Conseil d’Etat en date du 30 avril 2020 (il était temps : le confinement s’arrête dans quelques jours…) dans lequel on trouve cet alinéa N°6 particulièrement indigeste –mais un juriste ne recule devant rien pour polir l’état de droit…- et qui confirme ce que le bon sens intuite :

« Sur les conclusions de la requête : En ce qui concerne l’information générale sur l’usage de la bicyclette : 6. Il résulte de l’instruction, notamment de l’information apportée, au cours de l’audience publique, par le représentant du ministre de l’intérieur, quant à l’existence et au contenu d’un relevé de décision du 24 avril 2020 de la cellule interministérielle de crise placée auprès du Premier ministre, que l’interprétation des dispositions de l’article 3 du décret du 23 mars 2020 retenue par le gouvernement et devant être diffusée à l’ensemble des agents chargés de leur application est, en premier lieu que « ne sont réglementés que les motifs de déplacement et non les moyens de ces déplacements qui restent libres. La bicyclette est donc autorisée à ce titre comme tout autre moyen de déplacement, et quel que soit le motif du déplacement ».

Sauf que le Conseil d’Etat se permet d’ajouter (et ce que le ministère de l’intérieur s’empresse de reprendre dans une note publiée le même jour) :

« les restrictions de temps et de distance imposées par les dispositions du 5° de l’article 3 privent en principe d’intérêt l’usage de la bicyclette pour un déplacement exclusivement motivé par l’activité physique individuelle et que, dans un tel cas, le risque plus important de commission d’une infraction liée au dépassement de la distance autorisée doit conduire, tout en en rappelant la possibilité juridique d’utiliser la bicyclette pour tout motif de déplacement, à « en dissuader l’usage au titre de l’activité physique ».

On peut, mais nous sommes dissuadés. Ce n’est pas pour des raisons sanitaires que l’usage sportif de la bicyclette nous est contre-indiquée par ces pouvoirs :  c’est parce que, dans ces conditions de temps et de distance, ils savent mieux que nous ce qui a de l’intérêt pour nous, et en plus nous jugent assez stupides pour commettre des « infractions liées au dépassement de la distance autorisée ». On croirait du Sibeth Ndiaye.

Quatrième caractéristique : l’absence bien connue de culture économique (qui renvoie aux conditions d’enseignement et aux programmes associés de cette discipline), faisant que beaucoup ignorent (ou veulent ignorer) qu’il est difficile de partager une richesse qui n’a pas été produite. De même qu’il est facile d’ignorer (ou paraître ignorer) que toute mise en œuvre future d’une réinternalisation en France d’outils de la souveraineté économique aboutira forcément à une diminution du niveau de la vie, puisque l’externalisation avait justement pour objectif une diminution des coûts.

Les représentants du pouvoir politique se gardent bien de faire toute allusion à ce fait simple, mais qui devrait aboutir, dans les mois et années prochains, à beaucoup d’expressions d’insatisfaction sociale.

La cinquième et dernière caractéristique enfin, est empruntée textuellement au Professeur Raoult (faut-il le présenter), lors d’un entretien sur BFM TV le 30 avril :

« la France a une population vieille, inquiète, qui n’a jamais vécu de grande guerre avec des événements dangereux ; on a une aversion au risque. Notre seuil de peur est beaucoup plus bas… Avant, on avait une société au bord de la crise de nerfs. Maintenant, on est en pleine crise de nerfs… ».

Autrement dit, nous paraissons si effrayés par la mort aujourd’hui, que nous sommes prêts à tout pour l’écarter. Même à renoncer à la civilisation que des centaines de générations qui sont venues avant nous ont construite.

Nous pourrions pourtant être secoués, réveillés, motivés, unis. Mais le pouvoir macronien par ses caractéristiques intrinsèques en paraît totalement incapable. Avec encore une confirmation dans un tweet du chef de guerre :

Dans la start-up nation macronienne, qui n’est pas une nation ni une start-up, tout est toujours soluble dans un centre d’appel…

https://www.lesalonbeige.fr/la-gestion-de-la-crise-sanitaire-reflexions-sur-les-specificites-de-lincurie-macronienne/

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