Ce lundi-là, c’était donc atelier « enfilage de perles » à l’Élysée. Alors qu’Édouard Philippe n’avait pas achevé son discours devant les sénateurs, Emmanuel Macron donnait une conférence impromptue au pied du grand escalier du palais. Comme une envie qui vous prend entre deux rendez-vous et la signature du courrier. Le Figaro, qui est toujours poli, parle de « cacophonie » au sommet de l’État. On va dire ça comme ça.
Et Emmanuel Macron a pris la parole pour dire quoi ? Pour inviter les Français à aborder le déconfinement avec « beaucoup d’organisation », de « calme », de « pragmatisme et de bonne volonté ». Merci, on n’y avait pas pensé. Des fois qu’il leur prendrait l’envie, aux Français, d’aborder le déconfinement avec beaucoup de confusion, d’agitation, de poésie et de mauvaise volonté.
Prenons les choses à l’envers. Jusqu’à ce jour, il semble bien que les Français aient montré plutôt pas mal de bonne volonté. Ils ont bien fait tout comme on leur a dit, notamment remplir leur attestation pour aller chercher le pain, faire pisser le chien ou aérer les gamins. Même si la date de la remise des prix n’a pas encore été fixée – c’est un peu prématuré -, on peut d’ores et déjà envisager un prix collectif de bonne conduite ou de civisme. Possible, aussi, des prix de civisme individuels à ces bons Français, dignes héritiers de leurs aïeux, qui se sont fendus de lettres anonymes pour dénoncer leurs voisins qui ne respectaient pas bien les règles de confinement. Le pragmatisme ? Il en aura fallu aussi, aux Français, durant ce confinement. Pragmatique : qui est fondé sur les faits, nous dit le dictionnaire. Et c’est un fait que les Français se sont adaptés, au jour le jour, aux discours changeants qu’on leur servait. Exemple : la saga des masques… Du calme ? Pareil, il en aura fallu pour ne pas être pris d’une envie de meurtre sur ce pauvre téléviseur, qui pourtant ne vous a rien fait, lorsque, vers 19 heures, apparaissait le professeur Salomon. Quant à l’organisation, il aura forcément fallu s’organiser. Par exemple, pour que les quelques mètres carrés de l’appartement ne se transforment pas en scène de crime.
Lundi, atelier « enfilage de perles » et, mardi, atelier calinothérapie avec force pédagogie. Et quoi de mieux qu’une école primaire pour faire de la pédagogie ? En l’occurrence à Poissy, dans les Yvelines. Ça tombe bien, le maire est un ancien LR, rallié à Macron. Un bon élève, comme les aime Macron. Calinothérapie, donc, à l’égard des parents d’élèves, du corps enseignant et des élus. Car Emmanuel Macron a bien compris que le pivot d’un déconfinement réussi est planté quelque part entre la salle de classe et la cour de récréation. Pas de retour au travail pour ceux qui ne peuvent pas télétravailler, sans retour des enfants à l’école. On a habillé tout cela dans les jolis atours du combat contre les inégalités et autres risques de décrochage scolaire, mais c’est un fait. Qui est dupe, d’ailleurs ? Alors, il faut rassurer : parents, profs, élus. Être « progressif », « concerter », faire preuve de « pragmatisme » encore, pas de contrainte, pas de baïonnettes aux fesses des profs pour qu’ils aillent bosser, appel à l’« intelligence collective ». Ajouter un zeste de poésie. Normal, nous sommes à l’école Pierre-de-Ronsard (« Mignonne allons voir si la rose… »), sur la question des vacances d’été, avec un appel à « revisiter la vie de la nation France ».
En attendant, moins poétique, plus rébarbatif, le protocole sanitaire de 63 pages (pas moins) que les directeurs d’école et les maires doivent rapidement assimiler et surtout essayer de mettre en application avec, on le répète – la répétition étant à la base de la pédagogie -, organisation, calme, pragmatisme et bonne volonté.
Georges Michel
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