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Et si on parlait solutions concrètes ?

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par Natacha Polony

Alors que la crise qui vient s’annonce ravageuse pour des pans entiers de notre économie, et plus largement pour le pays dans son ensemble, du bien-être de sa population à sa place dans le concert des nations, on reste consterné devant le niveau des débats sur le monde d’après et les moyens d’en sortir. Ne parlons même pas de la nouvelle fracture idéologique autour d’une molécule extraite de la quinine, permettant aux uns de dénoncer partout des taupes des lobbys pharmaceutiques et aux autres de débusquer des cryptofascistes. Le reste est à l’avenant. On découvre que notre classe politique est unanimement attachée à la souveraineté (mais « sans tomber dans le souverainisme », pour citer l’inénarrable Najat Vallaud-Belkacem), à l’indépendance, à la préservation de l’industrie... A se demander comment Jean-Pierre Chevènement n’a pas été élu triomphalement en 2002, tant on lui trouve d’électeurs cachés.

Le président lui-même a visiblement décidé d’orchestrer ce que les commentateurs politiques baptisent déjà du ronflant titre d’« acte III du quinquennat » (après trois ou quatre actes II) et qu’il nous promet tourné vers cet impératif d’indépendance. Bref, conforme à ce que réclament depuis déjà quelques décennies les citoyens français pour cesser d’être soumis au bon vouloir de puissances impérialistes, de multinationales adeptes de l’optimisation fiscale et de fonds vautours spécialistes du pillage de l’outil industriel. Tout le problème, pour opérer un tel tournant (outre la question de la crédibilité, quand on a fondé toute sa « révolution » électorale sur l’éloge du libre-échange, de la financiarisation anglo-saxonne et de la rigueur budgétaire allemande), est de trouver les hommes capables non seulement de prendre les décisions, mais de les imposer ensuite à une administration toute-puissante et pétrie de vieilles idéologies.

La difficulté est d’autant plus grande que l’on sent déjà s’agiter tous ceux qui, soit par intérêt, soit par aveuglement, n’ont aucune envie de voir remis en cause le système. La popularité mirobolante du Premier ministre nous raconte cette conversion d’une partie de la bourgeoisie française, qui avait voulu voir dans Emmanuel Macron un rassurant hybride d’Alain Juppé et Jacques Delors, mâtiné d’un peu de décoiffante jeunesse, et qui trouve finalement que le juppéisme droit dans ses bottes d’Edouard Philippe est beaucoup plus able que les « réinventions » opportunes du converti de l’Elysée. Un peu comme cette bourgeoisie s’était mise à rêver, après la révolte étudiante, du moderne et sérieux Pompidou pour se prémunir contre les idées baroques du vieux Général, faites de participation, de régionalisation et d’indépendance nationale face à l’emprise croissante du marché. Il serait dommage que le seul moment où Emmanuel Macron pût être comparé à de Gaulle fût non pas 1940 ou 1958, mais 1968... D’autant que c’est justement d’un mai 1958 qu’a besoin la France. Un moment crucial où toutes les structures sont à réinventer. L’hôpital, l’université, l’agriculture, l’industrie, et jusqu’aux institutions elles-mêmes.

L’enjeu est majeur. Rien ne serait pis, face à une telle situation, que d’en rester aux réflexes conditionnés, à la pensée automatique et sectaire. On ne sauvera pas des milliers d’entreprises et des centaines de milliers d’emplois en entonnant les chœurs habituels sur la menace de ces « populistes » tapis dans l’ombre. Pas plus qu’en déversant l’argent public sans imposer aux heureux bénéficiaires une sauvegarde de l’emploi en France. Ce n’est pas d’incantations ni d’esbroufe que nous avons besoin, mais de pragmatisme. Car il s’agit de redonner confiance au pays pour vaincre les forces centrifuges qui sont à l’œuvre dans toutes les strates de la société et, à la fois, d’entraîner tous ceux qui ont envie de voir en n la France inventer un modèle économique fait de filières de pointe, de production locale, de respect de l’environnement et de maillage du territoire par un réseau de PME capables de fournir de l’emploi dans des zones aujourd’hui sinistrées.

Pour l’heure, et faute d’industrie pour produire les équipements nécessaires à notre protection contre la pandémie, l’Etat a fait le choix de bloquer l’économie en compensant par une indemnisation massive à travers le chômage partiel. Pendant ce temps, nos voisins allemands subventionnent l’activité à une échelle incomparable, à travers les aides aux PME. L’urgence est donc de se donner les moyens de redémarrer. En obligeant les banques à jouer leur rôle de soutien. En usant de la BPI, et même de la Banque européenne d’investissement. En émettant, à l’échelle des Etats comme à celle de l’Europe, des obligations perpétuelles permettant à la puissance publique d’investir dans des secteurs d’avenir comme la santé, la transition énergétique... Les solutions existent, mais on ne les trouve ni dans les vieux réflexes des adeptes de la gouvernance bornée, qui n’ont visiblement pas vu le monde changer, ni dans les pétitions de principe des protestataires qui évitent en général de se confronter au réel.

La colère des citoyens gronde. Elle n’est pas – pour l’heure – une rage aveugle. Elle attend des actes qui l’apaiseront. Des perspectives nouvelles. Une idée de ce que doit être la France.

Source : Marianne 28/05/2020

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