Chacun a ses priorités, ses centres d’intérêt, ses causes à défendre. Les journaux n’échappent pas à cette règle. Lundi dernier, un Afro-Américain meurt asphyxié sous le genou d’un policier au cours d’une interpellation des plus musclées, pour ne pas dire des plus violentes. Cela se passait à Minneapolis, dans le Minnesota. Les images font le tour du monde et la une de tous les médias. Cet homme de 46 ans, qui avait été interpellé pour un délit mineur, s’appelait George Floyd. Aujourd’hui, tout le monde connaît son nom.
Sur fond de tensions raciales toujours présentes, des émeutes s’en sont ensuivies. La violence appelle la violence. Évidemment, on est à l’affût des écarts de discours que pourrait commettre Donald Trump. Ce ne serait que bonheur. Désormais, on sait tout ou à peu près tout de ce malheureux dont on fera vite un martyr, assurément. Cette affaire est évidemment triste, déplorable et, d’ailleurs, devrait peut-être inviter la célébrissime Camélia Jordana à relativiser ses propos sur ces policiers qui massacrent à tour de bras, ici, en France. À l’heure où ces lignes sont écrites, Le Monde, Libé, 20 Minutes et Le Huff titrent, rendent compte, analysent sur et autour de cette affaire. À juste titre, car un homme ne devrait pas mourir comme ça.
Toujours cette semaine, autres cieux, autre drame. En Iran. L’Iran des mollahs, de l’islam qui ne badine pas avec l’amour. Une gamine de 13 ans a été assassinée par son père. Elle avait quitté la maison pour rejoindre son amoureux, un homme de 30 ans qu’elle voulait épouser. Le problème, c’est qu’il est sunnite et que la famille de cette adolescente est chiite. Donc, refus paternel, d’où la fugue. Ramenée à son domicile par la police, son père l’a décapitée à la faucille dans son sommeil. On appelle cela un « crime d’honneur ». Selon le Code pénal islamique, le père est propriétaire de son enfant et ne risque qu’entre trois et dix ans de prison.
Cette jeune fille de 13 ans s’appelait Romina Ashrafi. Aujourd’hui, tout l’Iran connaît son nom car cette affaire a soulevé un énorme tollé sur les réseaux sociaux persans, comme le rapporte Courrier international. Comme quoi les réseaux sociaux peuvent avoir du bon. Tout l’Iran connaît son nom. Et en France ? Une relative discrétion, si l’on compare à ce qu’il en est de l’affaire de Minneapolis. Et si on en parle, à quelques rares exceptions, on préférera évoquer « le débat sur les lois patriarcales » en Iran plutôt que celui sur les lois islamiques. Ne faudrait surtout pas casser la campagne de pub d’Adidas qui se lance dans la vente de voiles islamiques pour le « running ».
On devrait parler autant de Romina Ashrafi que de George Floyd.
Thomas Bertin