La mesure est comble et la lâcheté du ministre de l’Intérieur commence à devenir non dissimulable. Après le magnifique « soupçon avéré » de racisme concernant les policiers, l’inimitable premier flic de France a annoncé que les manifestations de soutien à George Floyd et Adama Traoré seraient autorisées. Une décision qui va à l’encontre de tout principe législatif. « L’émotion est supérieure au droit dans ces cas-là. »
On invitera le lecteur à méditer cette phrase. Car elle est une synthèse parfaite. Comme le rappelle avec ironie la journaliste du Figaro Eugénie Bastié : « Castaner vient de trouver l’épitaphe de la civilisation occidentale. » En effet, c’est beau, c’est propre, c’est presque du Philippe Muray dénonçant la société festiviste basée sur l’injonction permanente de la fête et de l’émotion. Muray ? Pas seulement. Car il y a aussi du Houellebecq chez Castaner. Il faut pour cela se reporter à l’avant-dernière publication de l’écrivain, Soumission. « Castaner ploie les deux genoux au sol » dénonce l’éditorialiste Guillaume Bigot sur Boulevard Voltaire.
L’émotion supplante le droit… Dira-il cela à ceux qui n’ont pas pu enterrer leurs proches à cause des restrictions de liberté liées à l’épidémie ? Soutiendra-il cela face aux éborgnés, aux mutilés, aux laissés pour compte de la mondialisation ? Ils ne sont rien, me répondrez-vous. Ceux-là qui ont la dignité de crever en silence, qu’ils soient retraités, paysans, policiers, infirmiers, militaires ou ouvriers, ne pourront prétendre à cette supériorité de l’émotion. Pour eux, ce sera la loi appliquée avec un zèle des plus iniques.
Parallèlement, LREM demande à tous les citoyens de respecter 8 min 47 de silence ce mardi à 18 heures en l’honneur de George Floyd. Ce même soir, les Insoumis Jean-Luc Mélenchon et Adrien Quatennens s’agenouillaient place de la République avec les manifestants conviés par SOS Racisme. Il ne manquait plus que cela à vrai dire, les Insoumis qui ne méritent plus leur préfixe depuis longtemps et LREM sont donc en lice pour une compétition victimaire dont le pactole sera électoral à n’en pas douter. Tout le cynisme, le mépris politique et la haine de soi poussés à une sorte de paroxysme…
Pour les policiers, la coupe est pleine. Pris dans une tornade créée par la haine communautarisée, le mépris des bourgeois blancs flagellant leurs privilèges et lâchés par leur chef, nos forces de l’ordre accusent le coup. Un coup d’autant plus violent qu’il ne vient pas de l’ennemi en face mais d’un coup dans le dos porté par un chef qui aurait dû se trouver devant eux.
Castaner n’évoquera pas les suicides de policiers, les blessés, les mutilés, les tués, les internés. Castaner n’aura pas de mot pour ceux assassinés par le terrorisme. Castaner a, au nom d’une émotion supérieure au droit, trahi ses hommes et déshonoré une République qui à force d’être souillée finira par ressembler à ceux qui la violent. Pour la première fois, cher lecteur, le dégoût nous prend à la gorge.
Etienne Defay
Article paru dans Présent daté du 10 juin 2020