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Une Justice politique au service d’Emmanuel Macron, par Régis de Castelnau.

Source : https://www.vududroit.com/

Épisode I : l’affaire Houlette

L’actualité judiciaire nous offre quand même un spectacle tout à fait exceptionnel et illustre de façon caricaturale le ralliement à Emmanuel Macron de la haute fonction publique judiciaire. Plus besoin de pressions, de consignes, voire d’ordres, parquets et juges du siège déploient un zèle impressionnant pour protéger ses amis et poursuivre ses adversaires. Petit rappel du feuilleton : d’abord l’on apprend qu’Éliane Houlette, l’ancienne patronne du Parquet National Financier déposant devant l’Assemblée nationale avoue implicitement que la procédure contre François Fillon au printemps 2017 était bien destinée à le disqualifier dans la course à la présidence, permettant ainsi l’élection d’Emmanuel Macron.

Épisode II : Kohler blanchi

Quelques jours plus tard, c’est la révélation de la manipulation d’une procédure dirigée contre Alexis Kohler secrétaire général de l’Élysée et proche d’entre les proches du président. Manipulation organisée à la suite d’une intervention d’Emmanuel Macron lui-même qui permet de blanchir Kohler d’accusations pourtant semble-t-il fondées. Quasiment le lendemain on apprend qu’une dizaine des pénalistes français les plus connus, souvent défenseurs de membres de l’opposition poursuivis, ont été tracés et écoutés pendant six ans (!), soi-disant pour connaître l’auteur d’une fuite. Épisode invraisemblable et indigne d’une démocratie normale par la violation grossière du secret professionnel des avocats, il sera pourtant défendu par le remplaçant d’Éliane Houlette à la tête du PNF, Jean-François Bohnert qui trouve tout cela formidable. Marchant vaillamment sur les traces de son prédécesseur, il nous dit que « le PNF n’est à aucun moment sorti des clous (…) à partir du moment où les magistrats aussi bien que les policiers (…) ont respecté les termes du code de procédure pénale, il n’y a rien à dire ». Eh bien si, on va dire quelque chose en rappelant qu’en violant aussi grossièrement le secret professionnel des avocats, principe protégé par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme, il est très difficile de considérer que les « termes du code de procédure pénale » ont été respectés. Et comme en plus il n’y aura aucune juridiction supérieure pour contrôler ce fameux « respect des termes » : procédure secrète, sans avocat, sans débat contradictoire, dans la plus totale opacité et conclue par un classement sans suite, dossier enfermé dans une armoire. Jean-François Bohnert tant qu’on y était, aurait pu ajouter le traditionnel « circulez, il n’y a rien à voir ».

Épisode III : Fillon noirci

Et le feuilleton de se poursuivre avec les lourdes condamnations infligées par le tribunal correctionnel de Paris aux époux Fillon dans l’affaire qui avait débuté en pleine campagne électorale de la présidentielle 2017. François Fillon avait probablement des choses à se reprocher, et s’est malheureusement pour lui, mal défendu depuis le début. Il ne s’agit pas ici de prendre sa défense, mais de constater l’importance des peines pour L’homme qui n’a jamais été condamné, et auquel il n’est pas reproché des actes de corruption, de fraude fiscale, de blanchiment organisé, de posséder des avoirs à l’étranger ou des trucages de marchés publics. Et que le quantum des peines a été fixé au-delà des réquisitions du parquet, et de façon beaucoup plus sévère qu’habituellement dans ce type d’affaire. Clairement, le sens qu’a aujourd’hui cette décision, n’est pas l’expression d’une volonté de moraliser la vie publique, comme on essaie de le faire croire en communiquant des attendus qui reprennent mots pour mots ceux que l’on entend à chaque fois dans toutes les affaires qui mettent en cause les hommes politiques de Carignon à Cahuzac en passant par Alain Juppé. La seule signification est la volonté de valider le raid judiciaire de 2017. En dédouanant à la fois le PNF de Madame Houlette et le pôle d’instruction financier de Serge Tournaire. Alors on entend beaucoup de cours de morale et quelques redresseurs de torts ignorants venir nous dire que la peine est justifiée au regard des impératifs de la morale publique et de la lutte contre la corruption. On répondra que dans une république, il n’est pas de pire corruption qu’une justice n’appliquant pas les règles qu’elle a précisément, mission de faire respecter, et qui accepte sans barguigner son instrumentalisation politique.

Et malheureusement, ce feuilleton nous propose un épisode pratiquement tous les jours.

Épisode IV : Mélenchon remet ça

Avec à nouveau le tour de Jean-Luc Mélenchon. Le Canard enchaîné dont on se rappelle le rôle dans le déclenchement de l’offensive Fillon, bénéficiant une nouvelle fois d’une fuite opportune, nous apprend cette semaine l’existence d’une enquête préliminaire du parquet de Paris visant Jean-Luc Mélenchon et quelques dirigeants de son parti. On se rappelle son attitude face au lynchage médiatico-judiciaire de François Fillon au printemps 2017, et ses militants se rendant dans les meetings de celui-ci pour y agiter des casseroles. Il se trouve qu’il a lui aussi goûté à l’arbitraire avec la fameuse perquisition à l’occasion de laquelle, douloureusement surpris, il avait manifesté une sainte et justifiée colère. Il a compris ce qui se passait, et n’est désormais, jamais le dernier à critiquer les dérives de la justice. Cela a dû en vexer quelques-uns, et bien qu’il ne soit actuellement guère dangereux au plan politique, ils ont décidé de le rappeler aux convenances en lui faisant apprendre par la presse l’existence d’une enquête préliminaire.

Quel est donc le problème ? Mélenchon et quelques autres devaient des dommages et intérêts pour préjudice moral aggravé, aux pauvres malheureux policiers si traumatisés par la perquisition scandaleuse diligentée contre LFI, qu’il avait fallu une cellule d’assistance psychologique et trois ans au moins d’arrêt de travail dans d’atroces souffrances. 2600 € dites donc ! La direction de la France insoumise, après avoir fait prendre la décision par ses instances ad hoc, et considérant que c’était le parti qui avait été visé par le raid judiciaire a pris en charge, non pas les amendes mais les dommages intérêts qui sont des créances civiles.

Le procureur de Paris, choisi personnellement pour ce poste par Macron après une procédure bizarre a dû penser qu’il y avait là un gisement pour mettre la pression sur Mélenchon.

La qualification avancée par le parquet pour qualifier ce règlement, qu’un premier examen permet pourtant de qualifier de parfaitement licite est celle « d’abus de confiance ». On va rappeler quand même qu’un parti politique n’est pas une entreprise commerciale avec des actionnaires. Et qu’il est totalement libre de la détermination et la mise en œuvre de sa stratégie politique, et naturellement des dépenses qu’elle nécessite. Que le parquet s’ingère et veuille contrôler la pertinence des choix d’une organisation politique est simplement invraisemblable. Les seuls contrôles possibles sont ceux qui, effectués par la Commission Nationale des Comptes de Campagne, portent sur les dépenses de campagne électorale dont les montants sont vérifiés. Et non pas leur nature, mais leur véracité pour être sûr des chiffres par rapport au plafond des dépenses. Et on va quand même rappeler que Nicolas Sarkozy (après dénonciation par François Fillon..) avait été poursuivi pour le règlement par l’UMP de l’amende mise à sa charge pour le dépassement du plafond de ses comptes de campagne 2012. Il a bien évidemment fait l’objet d’un non-lieu.

Les fuites toujours elles, nous apprennent que l’enquête porterait également sur un « détournement de fonds publics » car la somme aurait été payée avec la dotation publique dont la France insoumise bénéficie. Si c’est bien cela, c’est simplement une absurdité ! Les règles de la comptabilité publique qualifient de fonds publics, ceux dont l’État est en possession, entre les mains du trésor. Ils doivent être maniés en application stricte de ces règles. Dès qu’ils en sortent, pour aboutir dans la poche ou dans la caisse d’une personne privée, physique ou morale ils perdent ce statut et deviennent des fonds privés. Lorsque l’État, en application de la loi de 1990 donne aux partis qui sont des personnes morales de droit privé, les dotations auxquelles ils ont droit, lorsque les sommes tombent dans la caisse du parti, elles deviennent des fonds privés. Et c’est la même chose en ce qui concerne les remboursements par l’État des frais de campagne. Ce n’est pas la première fois que des magistrats essaient de s’arroger le contrôle politique des partis par ce biais en prétendant qu’il s’agit de fonds publics sur la gestion desquels ils auraient un droit de regard. C’est une nouvelle et gravissime atteinte à la liberté politique.

Malheureusement, beaucoup se réjouissent de voir leurs adversaires politiques dans les ennuis et applaudissent ou justifient ces débordements judiciaires. « Fillon n’a que ce qu’il mérite, et c’est bien fait pour Jean-Luc Mélenchon. » Le Canard enchaîné de cette semaine en est la triste illustration. Comme d’habitude on se moque des libertés publiques comme d’une guigne, ne voyant aucun inconvénient à ce que la justice viole sa propre légalité, s’ingère dans les processus politiques et se laisse instrumentaliser par l’exécutif. Du moment que cela permet de prendre la pose en donnant des cours de morale.

Le respect des principes et de la liberté politique ? La séparation des pouvoirs ? Une Justice impartiale ?

Mais pour quoi faire grands dieux ?

http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2020/07/06/une-justice-politique-au-service-d-emmanuel-macron-par-regis-6250064.html

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