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« La nouvelle guerre des mondes », par Michel Geoffroy : plaidoyer pour une Europe unie

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Brillant contributeur du site de Polémia et orateur régulier lors des Forum de la Dissidence, Michel Geoffroy a récemment publié La nouvelle guerre des mondes aux éditions Via Romana. Après son remarqué La Super-classe mondiale contre les peuples, Michel Geoffroy continue de contribuer au débat d’idées pour rendre leur grandeur à la France et à la civilisation européenne. Cet ouvrage a évidemment attiré l’attention de nombreux commentateurs et Polémia publiera plusieurs notes de lectures dans les semaines à venir. Voici la première critique, celle de Carl Hubert.
Polémia.

Analyser le monde tel qu’il devient est difficile. Il faut savoir prendre de la hauteur par rapport à l’instant présent et de la distance par rapport à son propre ancrage géographique, sans se montrer prisonnier ni du passé ni d’un avenir fantasmé. Dans cet essai sur La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Michel Geoffroy y parvient fort bien, tout en ajoutant à l’analyse une vision normative bienvenue.

Selon l’auteur de La superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018), le XXIe siècle est un monde polycentrique, dans lequel des puissances régionales, des États-civilisations, ont suffisamment de poids pour défendre leurs ambitions économiques, politiques, militaires et démographiques, sans pour autant en avoir assez pour placer le monde sous leur imperium. Ces empires constituent autant de « centres » de puissance qui équilibrent le grand échiquier mondial.

Contrairement à la période de la Guerre froide – vue comme une Troisième Guerre mondiale, précédant la Quatrième qui s’annonce – et à celle de l’hyperpuissance américaine qui a d’abord suivi la chute du mur de Berlin, les États-Unis ne sont plus et seront de moins en moins en mesure de prétendre à la direction du monde en imposant leurs valeurs et leur modèle politique et économique. Car ce modèle américain n’est pas universel. La Chine, l’Inde, la Russie, ou encore l’Iran et la Turquie, se modernisent sans s’occidentaliser : ils ont leurs propres valeurs et un système politique et économique adapté à leur civilisation respective, compte tenu d’une identité qui n’est pas soluble dans la civilisation mercantile américaine. Ce sont donc des « mondes » à part entière, qui ne se laisseront pas normaliser par l’idéologie libérale-libertaire de la superclasse mondiale.

 

Et l’Europe dans tout ça ? L’Union européenne a jusqu’ici renoncé à toute velléité de puissance, confiant sa défense aux États-Unis, abolissant ses frontières sans contrepartie, se laissant entraîner dans une relation hostile avec la Russie notamment, au risque de redevenir un nouveau champ de bataille entre puissances – scénario où elle a tout à perdre. Dans une postface sur la pandémie de la covid-19, l’auteur relève aussi l’incapacité des Européens à gérer de manière cohérente et efficace une crise sanitaire devant laquelle la mondialisation l’a laissée désarmée et à la faveur de laquelle les peuples européens consentent paradoxalement, malgré cette incurie, à une nouvelle régression de leurs libertés publiques sous les injonctions apocalyptiques de leurs gouvernants.

Pour Michel Geoffroy, cette situation d’une Europe vassalisée volontairement par ses élites n’est pas inévitable. Ce ne serait pas tant une question d’institutions qu’une question d’hommes. A contrario, le retour au modèle souverainiste de l’Etat-nation n’est pas une solution viable, les nations européennes n’étant pas à même de défendre efficacement leurs intérêts collectifs dans la nouvelle « guerre des mondes », qu’elle reste froide ou passe à une guerre chaude par l’enchaînement des circonstances (qu’on se souvienne de 1914 !). Difficile de donner tort à l’auteur sur ce point : il paraît par exemple bien illusoire de vouloir juguler l’invasion migratoire de l’Europe au seul niveau national, sans politique européenne de protection des frontières communes. D’autres auteurs, tel Guillaume Faye, ont pensé cette destinée commune des Européens.

Michel Geoffroy plaide par conséquent résolument pour une Europe fédérale ou confédérale, conçue elle aussi comme un État-civilisation, à l’instar de la Chine. Perspective qui ne s’envisage que dans le cadre d’un changement des élites dirigeantes européennes, ou tout du moins de leur évolution sous la pression populaire.

Il ne faut certes pas chercher dans cet ouvrage un scénario détaillé voire un mode d’emploi pour sortir l’Europe de sa « dormition », selon le mot emprunté à Dominique Venner, ce n’est pas son objet. Le constat d’une civilisation européenne dirigée par des élites qui font profession de nier et d’effacer l’identité civilisationnelle de l’Europe peut être largement partagé. Que cette situation ne puisse perdurer paraît évident tant elle défie tout sens commun et méprise l’intérêt des peuples d’Europe. Reste à œuvrer pour que la rupture du système actuel se traduise par une restauration de la puissance européenne, à même de trouver une place de premier plan dans la guerre des mondes, et non par l’effondrement pur et simple de l’Europe.

C’est le sens de la « révolution culturelle européenne » pour laquelle plaide Michel Geoffroy, en recommandant un nouvel humanisme différentialiste, une écologie des civilisations et le rejet du nihilisme. Son ouvrage constitue une pierre à cet édifice à construire pour que les Européens, au-delà de ce qui les sépare, puissent être eux-mêmes dans un monde dans lequel il ne fait pas bon être impuissant.

Carl Hubert11/08/2020

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