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Délinquance : le citoyen est victime, c’est tout, par Philippe Bilger.

Source : https://www.bvoltaire.fr/

Il ne suffit pas de savoir sans fard ni faux-fuyants qui ensauvage la France.

Il convient aussi de s’interroger sur le fait que des transgressions se multiplient qui semblent relever d’un autre registre qu’avant, avec des ressorts sans lien avec ceux de la délinquance ordinaire.

L’emploi de cet adjectif ne vise pas à sous-estimer la gravité des actes mais à les insérer dans une catégorie où, peu ou prou, une explication était possible, où les comportements, les violences et les malfaisances de toutes sortes pouvaient paraître inspirés par une cohérence, aussi perverse qu’elle soit, et ne pas surgir avec une totale imprévisibilité du for de certains.

Au risque de forcer le trait, je prends le risque de soutenir qu’il y a, en effet, une nouvelle délinquance dont les traits principaux sont la gratuité et l’imprévisibilité.

Même si, au fur et à mesure des infractions qui troublent la tranquillité publique en s’en prenant aux personnes et aux biens, des lignes de force peuvent être dégagées qui inscrivent cette délinquance nouvelle dans un schéma très lisible.

Le refus de toute autorité, la détestation de la moindre injonction même la plus bienveillante qui soit, l’inaptitude à toute relation civilisée, le recours immédiat et comme naturel à la violence, le triomphe dévastateur d’un individualisme se jugeant maître de tout, intolérant à n’importe quelle frustration, la décomposition de la société en mille petites unités au bord de l’explosion impulsive et y tombant sans une seconde de réflexion – parce qu’il faut bien accepter que le dénominateur commun à cette barbarie quotidienne est la bêtise : ne jamais voir plus loin que son humeur vindicative et contrariée ! -, la recherche de prétextes pour libérer le pire porté en soi, la haine absolue de la contrainte étiquetée officielle avec le glissement irrésistible du haut du pouvoir vers le bas de la société, chacun se prenant pour le pouvoir suprême et aspirant à une table rase.

Ce n’est pas, pour prendre des exemples, le masque qui est incriminé mais celui qui ose l’exiger, la police ou la gendarmerie qui seraient blâmables mais le caractère insupportable de ces forces d’ordre et d’autorité qui se mêlent de nos débordements, les pompiers, qui ne font que du bien, sont dorénavant attaqués, on ne se contente plus de résister mais on prend les devants, on tend des guets-apens, on est passé d’une posture défensive à une conduite offensive : la France est livrée à des bandes ou à des individus dont la similitude, quels que soient les lieux de leurs méfaits, tient au mépris de qui prétendrait les contrôler, les régir, les gouverner, les appréhender.

Face à ce constat qui n’est pas récusable sauf à ne pas vouloir voir ce qui s’affiche et se développe, qu’on nous épargne de grâce les argumentations classiques.

Il y a moins de crimes et de délits que dans les anciens temps. Les amoureux de ces statistiques ne rassurent pas. Pour le citoyen d’aujourd’hui, ce qu’il endure n’est pas atténué par des considérations historiques et sociologiques : il est victime, c’est tout.

Ce sont les réseaux sociaux qui donnent l’impression que nous vivons dans l’insécurité. Je ne le crois pas une seconde. Ils ne créent pas les délits et les crimes : ils les diffusent, les exploitent peut-être, avec démagogie ou pertinence, mais ils ne sont coupables de rien.

Lutter contre cette nouvelle délinquance impose un double rythme.

Celui, profond, d’une véritable révolution qui refondrait la société, les structures, les institutions, le savoir-vivre de fond en comble. À la longue, comme dirait Keynes, nous serons tous morts.

Celui, immédiat, urgent et efficace, d’une politique digne de ce nom.

Du pain sur la planche d’une démocratie qui s’enorgueillirait de n’être pas une chiffe molle.

Philippe Bilger

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