Sur le site Arrêt sur images, le journaliste Daniel Schneidermann – passé par Le Monde, Marianne et Libération, où il écrit encore une chronique hebdomadaire – décrit Christine Kelly, présentatrice de l’émission « Face à l’info » sur CNews, comme une « femme de couleur », « assignée » à la présentation du show, qui « lance timidement le maître », puis qui « [reste] là, humble, muette, à assister à sa propre humiliation, à la mise en évidence de sa fonction alibi ».
Souvenons-nous, c’était il y a quelques jours, la presse, le monde politique, la France, peut-être la Terre et, qui sait, le système solaire tout entier bruissaient avec indignation du scandale Valeurs actuelles : pour les besoins d’une fiction, Danièle Obono avait été représentée en esclave. Daniel Schneidermann en revanche, puisqu’il est homme de gauche – et même d’extrême gauche -, peut tout se permettre et, par exemple, de décrire avec mépris, et cette fois pour de vrai, Christine Kelly en « servante », et en servante « de couleur ». Ne manque plus que le petit tablier blanc. Dans l’imaginaire collectif, la « servante de couleur », c’est Mama dans Autant en emporte le vent. Mais, au moins, Mama savait-elle renvoyer dans ses buts Rhett Butler, tandis que, selon Daniel Schneidermann, Christine Kelly serait extrêmement soumise, voire tétanisée par « le maître ».
Son raisonnement est très clair, il n’en fait pas mystère, elle n’est là ni pour ses qualités propres ni pour son professionnalisme, mais grâce aux « règles des quotas » : elle est, selon lui, « la démonstration vivante qu’avec un peu de perversité et beaucoup de cynisme, on peut bien s’amuser avec les règles sur les quotas ». Sur la case « fonction » de son CV, elle devrait mettre « alibi ».
En matière de discrimination, cela s’appelle double strike, sexisme et racisme d’un coup d’un seul. Chapeau, l’artiste ! Pas une seule fois l’idée que Christine Kelly soit là par goût et que son attitude ou ses propos soient le reflet de sa volonté et de sa pensée propre ne traversent son esprit. Elle n’est qu’un quota ambulant instrumentalisé, et forcée de présenter l’émission à grand succès. N’est-ce pas la signification du mot « assignée » ?
La vérité est que si une « femme de couleur » est ici assignée, c’est à pensée surveillée, forcée de rester, bien docile, dans le droit chemin idéologique qu’on lui a montré, sinon les vopos montrent les crocs.
La vérité est que si une « femme de couleur » est ici humiliée, c’est dans cet article. Ce qu’il ne peut supporter, ce qui le fait sortir de ses gonds avec méchanceté et grossièreté, c’est la liberté de Christine Kelly.
Viendra un jour où un historien analysera, c’est certain, dans les détails, cette mise en abyme effrayante et prodigieuse du racisme que l’on appelle antiracisme, et Daniel Schneidermann fera un formidable cas d’école.
Gabrielle Cluzel