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À Bruxelles l'homme est une marchandise heureuse

A bruxelles l'homme est une marchandise heureuse .jpegAndré Ringwald travaille à Bruxelles. Il connaît comme personne la mentalité européiste , il évoque ici cet amour pour les migrants, qui n'est rien d'autre au fond, après la mort du communisme, qu'une idéologie de substitution que l'on pourrait appeler l'idéologie migratoire.

L'immigration fut une chance, elle est maintenant une absolution. Une double absolution opérant à la fois pour les migrants et pour les Européens.

Aux migrants elle offre la ROC, la religion de l'Occident contemporain, la chance d'être rien. Aux Européens elle offre une dernière forme de communion dans la contrition, une sorte de fierté dolosive, de « Shame pride » délivrant les Européens de l'obligation millénaire de guetter sur les portes et remparts.

En additionnant des déracinés-déplacés à des déracinés-décentrés on espère enfin rassembler une foule réunie dans l'indifférenciation ou comme on dit à Bruxelles dans la « société inclusive ».

« Non à l'Europe forteresse »

D'où un enthousiasme rentré devant ces barques branlantes qui viennent sur nos côtes. Voilà la relève ! Les derniers croyants du rêve européen arrivent par leurs propres moyens (et à leurs frais !) pour régénérer les peuples fatigués et « repliés » sur leurs « égoïsmes nationaux ». Enfin une vraie fierté d'être européen se manifeste. Nous ne sommes pas les États-Unis qui essayent de juguler le Rio Grande ou pire l'Australie, pays nouvellement honni, qui décourage les boat people en les raccompagnant sous bonne escorte d’où ils viennent ou dans des Etats tiers. Non, nous tendons les bras à la fraternité universelle. En effet quelle cause pourrait enfin réconcilier le passeur et le garde-côtes, autrefois ennemis, et aujourd'hui complices quand les passeurs indiquent eux-mêmes à la marine italienne la position des embarcations de fortune pour qu'elle les ramène vers la terre promise où on aura la décence de ne pas les traiter comme les SDF autochtones ?

D'où également cette fierté si douce dans l'œil du commissaire Dimitris Avramopoulos, chargé des migrations et des affaires intérieures, quand, tout à son lyrisme de VRP en compassion, il s'exclame devant les « parlementaires » européens : « Non à l'Europe forteresse ». En effet, dès 2015, pour reprendre le Président Juncker, il faudra à la fois remplacer les personnes âgées et s'en occuper. Il y a 50 millions d'européens à « compenser » d'ici 2060. Quel sens de la mesure et des proportions pour un maître du monde luxembourgeois ! Et notre commissaire de vouloir élargir la « carte bleue » (carte d'entrée dans l'espace européen) pour persuader les Etats de renoncer à leur volonté de fermeture. La terre est à celui qui en tire le plus grand rendement, il faut être mobile si on ne veut pas finir dans une réserve ou pire dans l'enfermement et la consanguinité des « peuples de vieilles souches ».

D'où ces portraits, fresques et statues dans le Parlement européen qui nous rappelle l'importance de l'Autre. Cet autre aimé d'autant plus que la seule discrimination acceptable, celle de l'argent, nous permettra de l'aimer de l'amour de l'entomologiste qui le regardera évoluer de loin au milieu des autochtones de même niveau de vie et accomplir les promesses du métissage, pondérées par l'échelle des revenus.

Les sociétés métissées « seules légitimes »

De cette célébration sans fin d'une altérité fantôme, Bruxelles tire un sens de l'histoire de substitution. Toutes les promesses de l'Europe, de la puissance à la prospérité et de l'emploi au surcroit de rigolade (promesse audacieuse de Bernard Kouchner pour justifier Maastricht), n'engagent que ceux qui les ont cru l'Europe se veut « attractive ». À défaut d'avoir été séduisante pour ses natifs, qu'elle soit aimable pour les autres pour enfin donner au monde ces sociétés métissées qui comme le disait le général Wesley Clark, ancien commandant en chef de l'OTAN, sont les seules qui ont une place légitime en Europe, les autres appartenant au XTXè siècle. Plus profondément cette volonté de déraciner ceux qui ne le sont pas encore est peut-être la marque la plus tragique du caractère post-sacré et post-sacrificielle de l'Europe. Claudel nous disait que ce que nous offrons de mieux au monde c'est nous-même. L'Europe offre au .monde le vide et le Parlement sera son Prophète.

Rien n'est trop beau pour s'ouvrir. Vous avez aimé les réfugiés et les migrants pour cause humanitaire (les "groupements vulnérables" comme on dit ici, "minorités ethniques" étant jugé discriminant), vous avez compati aux « réfugiés climatiques », vous adorerez les migrants du genre. En effet, si l'idéologie du genre est en elle-même un déracinement total voire une migration absolue, elle sera le passeport des migrants à venir. Le Parlement européen exige aujourd'hui qu'il y ait une priorité pour les migrants victimes de violences relatives au genre. Aux migrants faméliques se substitue l'image d'une Conchita Wurtz multicolore et persécutée s'adressant à toutes les marges de la terre et les accueillant en son sein pourtant infécond.

« C'est grand, c'est généreux, la France » disait De Gaulle. « C'est festif, c’est inclusif l'Europe » dira l'Européen compensé et indéterminé de 2060. Bien sûr, entre-temps le multiculturel sera devenu dans des sociétés de la haine, le multijuridique puis le multiconflictueL
Mais ce sera pour de bons sentiments et c'est ce qui compte. Ici, à Bruxelles, dans le laboratoire du monde selon les institutions européennes, on est obsédé des moyens, indifférents aux résultats. Si Maurice Clavel écrivait que la suite appartient à d'autres, pour nous c'est la note de cette imprévoyance qu'il appartiendra à d'autres - nos descendants - de payer.

André Ringwald monde&vie 2 juillet 2015 n°910

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