Mais qu’allaient-ils faire dans cette galère ?
Que le fameux article 24 de la loi de sécurité globale – inutile, superflu et insidieusement liberticide, tant dans le fond, la forme que la manière – soit un sujet d’’inquiétude légitime pour les journalistes est un fait. Que la Commission de la Carte de Presse des Journalistes professionnels soit dans son rôle en alertant sur le risque qu’il fait peser sur la liberté de la presse est indéniable.
Mais pourquoi tant d’entre eux sont-ils allés se fourvoyer dans cette manifestation, cette “Marche des libertés” qui dès l’origine, s’annonçait – surtout dans un tel contexte – comme une manif anti-police… et qui en sus, c’était écrit, dégénérerait ?
Raphaëlle Bacqué, grand reporter au Monde, poste candidement sur twitter une photo de sa banderole : « Le Monde manifeste pour la liberté d’informer ». Elsa Freyssenet, grand reporter aux Échos, répond avec ironie à un tweet de Marine Le Pen qui dénonce des « milices d’extrême-gauche » : « C’est fou ça, je viens d’apprendre que j’appartiens à une milice d’extrême gauche après avoir travaillé 7 ans au Figaro et 15 ans aux Échos. »
Dans les appels à manifester, il y avait en effet aussi bien la Société des journalistes du Figaro que celle de l’Huma. Certains y ont vu la preuve patente de l’unanimité des gens du métier sur le sujet. Sans doute. Mais on peut surtout y trouver le symbole éclatant d’un tropisme de gauche si dominant qu’il pourrait passer pour unanime… Ils ne sont pas des milices d’extrême-gauche, bien sûr, mais néanmoins des organes de presse qui ne sont pas déontologiquement troublés à l’idée de défiler avec le PS et La France Insoumise – auraient-ils accepté de se retrouver sur le bitume aux côtés du RN ou des identitaires, même pour une bonne cause ? Jamais, ô grand jamais ! – mais aussi avec les Femen, le Comité Assa Traoré, des indigénistes, des antifas et des black blocs dont il est un peu facile de dire maintenant, pour se laver les mains, qu’ils étaient téléguidés ou infiltrés. Sans doute dans l’impunité dont ils bénéficient, trouve-t-on à la fois faiblesse, complaisance et intérêt, mais comme par un fait exprès, ce ne sont pas les manifs de droite qu’ils investissent – je l’ai es cherchés sans succès à celles pour la messe, dingue, non ? – et ils ont débarqué chez les Gilets jaunes au moment précis où la mouvement a été récupéré par la gauche. Il leur faut un terreau idéologique favorable pour prospérer et phagocyter le terrain.
Sans doute, les journalistes ne portaient-ils pas eux-mêmes la bannière « La police mutile, la police assassine », mais ils marchaient de concert avec elle. Sans doute, ne faisaient-ils pas partie de ceux qui criaient « Tout le monde déteste la police », ou « Suicidez-vous », mais ces slogans ont bien retenti, à l’unisson et de nombreuses fois non loin d’eux.
Ils auraient dû être là. Mais pour prendre des photos, des films, des notes. Pour pouvoir observer et relater. Bref, faire leur métier. Décrire les « violences policières », bien sûr, mais aussi celles du camp d’en face. Combien de CRS, de gendarmes, de policiers au visage tuméfié, comme « Michel »… mais dont on ne connaîtra jamais le prénom ? Qui pleurerait sur le sort d’un poulet ?
Le pompon, le comble, la cerise sur le gâteau relevée avec colère par de nombreux internautes revient à France 3 Aquitaine qui a flouté sur son reportage… les visages des casseurs bordelais. On pourrait donc montrer les traits des policiers mais pas ceux des voyous ?
Comme une triste allégorie de ce paradoxe, en fin de journée à Paris, l’ultragauche a même fait brûler… un kiosque à journaux. Doit-on rappeler que si la profession de policier n’a pas la cote, celle de journaliste non plus : il y un an, le baromètre Reuters Institute révélait qu’un quart des Français, seulement, leur faisaient confiance. Malheureusement, là-aussi, c’est toute une profession qui est décrédibilisée. Et tant-pis pour ceux qui font honnêtement leur métier.
Gabrielle Cluzel