Le nouveau livre de Philippe de Villiers, Les cloches sonneront elles encore demain ?, est un document à charge. Moyennant de nombreux documents auxquels il a eu accès, il accuse a classe politique française de préparer depuis des décennies la reddition de la France à l’islam par son refus d'agir, de voir la vérité en face, de dénoncer cet État dans l’État. Mais le livre s'inscrit aussi dans la parfaite continuité de sa trilogie des héros français : Saint Louis Jeanne d'Arc et Charette. Car c'est un appel à aimer a France en ce qu'elle a de plus beau et de plus noble : telle est l’originalité de ce livre sur l’islam, dont Philippe de Villiers nous dit ce qui l’anime.
Entretien avec Philippe de Villiers
Les cloches sonneront-elles encore demain ? : le titre de votre livre est pessimiste...
J'ai écrit un livre d'alerte qui est à la fois un cri d'alarme et un chant d'amour. Son titre est allégorique. Les cloches sont l'un des principaux marqueurs de notre identité le clocher surmonté du coq, l’école, la mairie, le cimetière - le petit village français avec les trois bruits de la campagne qui donnent le signal du réveil, l'enclume, l'angélus et le coq. Or il se trouve que la voix des cloches qui fait remonter de la nappe profonde de nos paysages intimes l'unité allégorique des vivants et des morts de la grande symphonie française, pourrait bientôt être couverte par la voix du muezzin.
La voix des cloches couverte par la voix du Muezzin, c'est une intuition de votre part ?
Plus qu'une intuition, le résultat d'une enquête. Dans ce livre, j'ai voulu révéler avec des documents inédits et édifiants, comment et pourquoi, depuis quarante ans, les élites françaises ont livré le pays à l'islam, pourquoi et comment elles se préparent à la signature d'un nouvel Édit de Nantes qui viendrait accorder à l'islam des places de sûreté soumises à la charia dans le cadre de ce que j'appelle, ou plutôt de ce que les documents que j'ai en ma possession appellent « la grande partition », « la grande concession territoriale ». Voilà pourquoi, entre le Coran et la France, il faut choisir.
Il faut choisir la France ?
Puisque la nation est un lien amoureux, il faut refaire un peuple amoureux. L’ancien roman national est mort. On en a fait un tissu de noirceurs, un roman noir, on ne pourra pas le ressusciter. Il faut inventer un nouveau roman national, ce ne sera pas un récit de puissance, de gloire et de grandeur, qui n’est plus d'actualité, hélas. Le roman national date des années 1870. Inventé par Ernest Lavisse, il a eu l'immense mérite de préparer des « têtes épiques », selon l’expression hugolienne, et plus fondamentalement de devenir un fédérateur, un ciment, une sorte de Saint-Chrême laïque. Par un biais intéressant, d'ailleurs en allant chercher tous les personnages qui ont approché le Saint-Chrême. Mais ce roman national a été désintégré par les années Giscard, par Mai-68, et depuis ces années-là, l'histoire enseignée à l’école n’est plus du tout celle du roman national au motif que celui-ci est une invention, au service d'une histoire arrangée, « trop blanche pour être honnête ». Aujourd'hui, on a fabriqué une histoire halal, sur fond de mémoire pénitentielle.
Ce roman national, selon vous, ne peut pas revivre ?
Pas sous la même forme. Il me paraît inutile et imprudent de chercher à ressusciter l'ancien roman national parce qu'il ne parle plus aux jeunes d'aujourd'hui qui sont tous des écorchés vifs. Le roman national était un moment de gloire, de grandeur et de puissance. À l’époque il y avait l'Empire français et la France était partout victorieuse. Aujourd'hui, sur la terre de France, s'installe un peuple neuf avec ses fiertés il a, en face de lui, un peuple hagard, exténué, qui ne sait plus où il habite. Or, une civilisation, c'est une manière d'habiter le monde.
Avec mon expérience du Puy-du-Fou, en observant de visu deux millions de personnes qui viennent chaque année, de toutes origines, de toutes conditions et de toutes religions, je vois comment on peut aller chercher, dans nos enfouissements, les affleurements de tendresses françaises qui touchent non seulement les Français de souche qui ne savent plus rien de leur histoire, mais aussi les Français de désir qui voudraient bien nous aimer, nous rejoindre, nous ressembler mais qui ne connaissaient rien de ce que sont les trésors du mystère français.
Pour avoir vu, de mes yeux vu au Puy-du-Fou, des jeunes Français pleurer à côté de jeunes musulmans qui versent les mêmes larmes devant les Mousquetaires ou devant les Panaches de France, devant les grands mystères de l'âme française, j'ai acquis la conviction - et c'est le filigrane de ce livre - que ce sera difficile parce que l'islam est inassimilable, mais possible si on décide vraiment d'assimiler, donc de franciser et les Français de souche et les Français de désir. Je dis bien d'assimiler et les Français de souche et les Français de désir, parce qu'il faut déjà donner aux jeunes Français ce qu'on ne leur donne plus à l'école : la possibilité de faire descendre la France dans leur cœur.
J'imagine ce que serait le nouveau roman national en changeant de façade, en passant par la façade de l'esthétique, par la façade du beau, à partir de la phrase fameuse de Dostoïevski, « C'est la beauté qui sauvera le monde ». Plutôt que de chercher une histoire vraie, montrons comme la France est belle, et si on invente ce roman national en choisissant la voie de l'esthétique française, on atteindra plus facilement et plus profondément le mystère français, et on réussira ce petit miracle d'agréger à la mère-patrie des Français, des musulmans, qui choisiront la France plutôt que le Coran.
Quel est votre avis sur ce mouvement, qui veut adapter l'islam au mondialisme ?
Après la guerre, les hommes politiques français et européens ont commis deux erreurs de vision du monde. La première, en voulant construire une Europe post-démocratique, post-politique, post-historique, sans les États et avec un fédérateur extérieur, l’Amérique. La deuxième erreur, ce fut la « mondialisation heureuse » qui est venue un peu plus tard se greffer sur la première erreur. Elle porte l'idée que nous allons entrer dans un monde sans histoire, sans nations, sans États, sans frontières, sans idées, sans religion un monde qui sera constitué par un marché planétaire de niasse qui sera le seul régulateur des pulsions humaines. Ce mariage d'une Europe post-politique avec un fédérateur qui est l'Amérique, et la « mondialisation heureuse » qui transforme les citoyens en consommateurs au nom de la péremption de tous les enracinements, a fécondé un Nouveau Monde livré au face-à-face des deux grandes idéologies qui aujourd'hui entrent en collision, le mondialisme et l'islamisme. On a cru à tort qu'avec les Nike et les portables, les jeunes musulmans viendraient dissoudre l'islam dans le mondialisme. Et voilà que nous avons et les Nike et l'islam.
Le mondialisme a pour propos de concevoir une humanité nomade, désaffiliée, sans sexe ni patrie, désinstituée, déracinée. Le mondialisme, c'est le déracinement. En face, l'islamisme, c'est le ré-enracinement dans l'islam. Le mondialisme ne croit plus aux religions. Il est fondé sur un diptyque, le laïcisme et le multiculturalisme. Le laïcisme, c'est la laïcité du vide - ce vide qui est rempli par les islamistes; et le multiculturalisme c'est la juxtaposition des sociétés et des contre-sociétés. Ce qui fait le lit de l'islamisme, c'est le déracinement. Un être déraciné est prêt à verser dans n'importe quelle utopie - de la même manière que le capitalisme libéral au XIXe siècle a préparé le marxisme, l'a engendré, l'a fécondé, l'a porté sur les fonts baptismaux. « Ils nous vendront la corde pour les pendre », disait Lénine. Eh bien, le mondialisme prépare l'avènement planétaire de l'islamisme.
Au fil de vos pages, il est relativement peu question des attentats et de l'État islamique. En somme, aujourd'hui en France il ne faut pas tant craindre les attentats, que l'islam qui est - apparemment - paisiblement chez nous. Vous ai-je bien compris ?
Oui, je n'ai pas voulu parler des attentats ni de l'État islamique parce que les attentats et l'État islamique sont une manifestation horrible, terrible de l'Islam d'aujourd'hui, mais ils n'en sont qu'une manifestation actuelle. Il y en a bien d'autres, et il y en aura beaucoup d'autres. Quand l'État islamique sera mort, et quand bien même il n'y aurait plus d'attentats, l'islamisation continuera. Il faut bien voir que le djihad a trois formes dans l'esprit du Coran. Il y a le djihad guerrier, celui des attentats. Il y a le djihad démographique, le nombre. Et il y a le djihad civilisationnel on teste par la taqiya la société qui est en face de soi, dans l’entreprise, à l'hôpital, dans les abattoirs rituels, avec les mosquées : on ne s'arrête que lorsqu'il y a une résistance.
C'est une imposture intellectuelle que commettent facilement les politiciens et les clercs parce que cela les arrange, de chercher à faire croire qu'il y a une différence entre l'islam et l'islamisme. Dans les ouvrages de ma bibliothèque, j'ai trouvé des livres écrits par des docteurs de l'Église qui parlent de l'islam comme n étant pas une religion. Par exemple, saint Thomas parle de « la Loi des Maures ». C'était bien vu : c'est la charia, c'est-à-dire un système politico-religieux. Au XIXe siècle, on parlait de l'islamisme, on ne parlait pas de l'islam. Allons plus loin il y a entre l'islam et l'islamisme une différence de degré mais pas de nature. Tous les musulmans ne sont pas des islamistes, mais tous les islamistes sont des musulmans. « L'islam, c'est l'islamisme au repos. L'islamisme, c'est l'islam en mouvement » a dit un grand penseur kabyle Ferhat Mehenni.
Vous parlez de « musulmans pressés... »
Un islamiste, c'est un musulman pressé. Pressé d'appliquer le Coran. Et un musulman qui tente de bricoler le Coran, par exemple d'en retirer la partie belliqueuse, est un musulman qui est passible de mort : c'est un apostat.
La vision irénique de l'islam dans l'histoire est contraire à l'histoire de l'Occident. Celle-ci est l'histoire d'une confrontation entre islam et christianisme. Il y a une grande différence entre la croisade et le djihad, c'est que la croisade est finie depuis longtemps. C'était d'ailleurs une guerre de libération, une guerre qui n'était pas de conquête mais de légitime défense, alors que le djihad lui, a recommencé. La conquête est en marche. Et la colonisation. C'est la première fois, dans l'histoire, que l'envahi sollicite l'envahisseur, que le colonisé appelle à son chevet d'agonie le colonisateur. Il est urgent que la France se reprenne et retrouve le chemin de sa civilisation, qu'elle retrouve donc ses racines et son identité chrétiennes.
Propos recueillis par Jeanne Smits
✍︎ Philippe de Villiers, Les cloches sonneront-elles encore demain ? 320 pages, Albin Michel
monde&vie 3 novembre 2016 n°931