“La peur est le commencement de la sagesse” , cette formule de Mauriac paraît une évidence de bon sens. Pourtant, celle de Roosevelt qui disait que la seule chose qu’il fallait craindre était la peur elle-même est beaucoup plus pertinente en politique car elle enseigne le courage, en obligeant à “affronter le tigre”, à “conquérir sa peur”. Il n’y a pas de démocratie sans le courage des dirigeants, sans le civisme des citoyens.
Plus la peur entre dans les comportements des uns et des autres, plus on s’éloigne de la démocratie. La peur du gendarme ne doit pas y être la motivation du respect de la loi car il n’y aura jamais assez de gendarmes pour la faire respecter toujours et partout. Dès lors qu’une grande partie de la population perd confiance en ceux qui la dirigent et dans la la loi qu’ils imposent, et que la crainte seule la fait obéir, les citoyens deviennent des sujets. Et il y aura toujours assez de “mauvais sujets” dans les béances de l’ordre pour accroître la peur des honnêtes gens coincés entre la crainte d’une peine sévère pour un délit bénin et le risque d’un crime commis par un voyou impuni. Les errements du gouvernement face à la crise sanitaire ont fait glisser la France vers cette situation dangereuse pour la démocratie, où la peur est partout : au gouvernement où la gestion du risque pénal, après les fautes initiales, explique l’alternance des mesures trop coercitives et des stratégies trop prudentes ; chez les médecins, privés de leur marge de responsabilité, et enclins au conformisme thérapeutique ; chez les citoyens enfin qu’une crainte compréhensible de la mort, démesurément grossie par la communication gouvernementale, conduit à accepter des restrictions à la liberté d’aller et de venir, à celle de travailler, à celle de se réunir ou de participer à un culte tandis que les contrôles s’amplifient bien au-delà de ce qu’une démocratie devrait tolérer.
Notre pays marche au bord du gouffre, avec un pied déjà sur son versant. La seule question est de savoir si ce gouffre est celui du tragique ou du grotesque. En déclarant la guerre au virus, le président Macron avait opté pour le premier. A y regarder de près, c’est le second qu’il avait ouvert. Ainsi donc, on faisait la guerre au virus mais sans fermer les frontières, sans même contrôler les arrivées dans les aéroports. A l’été, l’arrivée de nombreux “touristes” algériens sont venus relancer l’épidémie. Les contrôles du port du masque et des “ausweis” sont souvent sans pitié. Ils contrastent avec l’absence de sévérité, dans un passé récent, pour l’application de la loi interdisant le voile intégral, devenu en quelque sorte uniforme. Et que dire de la rébellion contre les contrôles au faciès ? La différence tient au lieu de l’opération : dans certains quartiers, c’est le contrôleur qui a peur, comme en témoignent les nombreuses agressions de policiers tentant d’interpeller un individu et menacés, voire soumis à la violence d’une horde. C’est pourtant là que le mot de guerre convient, car l’ennemi est humain et identifié. Il a d’ailleurs son cousin au Sahel où le manque de moyens expose les soldats français à une mort qui devient scandaleuse tandis que les portes restent ouvertes à une immigration excessive et injustifiée.
La comédie a commencé lorsque le président, revenant du théâtre, a annoncé aux Français qu’ils allaient voter puis être confinés. Les élections municipales en deux temps séparés par le long confinement, et marquées par une abstention record, ont vidé l’un des scrutins les plus importants de sa pleine valeur. Il est vrai que la dernière élection présidentielle avait déjà donné le ton. On peut se demander jusqu’à quel point il ne s’agit pas de détruire chez les Français l’idée que leur voix a de l’importance. En évitant soigneusement le référendum d’initiative populaire, le chef de l’Etat envisage une consultation sur la constitutionnalisation du réchauffement climatique, ce qui reviendrait à introduire dans la Constitution la grande peur qui doit conduire au gouvernement mondial c’est-à-dire à la dépossession de la citoyenneté, ainsi enlevée aux membres des nations. La petite peur du covid joue le même rôle à son échelle : elle prépare les citoyens à subir plus qu’à choisir et l’amateur de gadgets qui occupe l’Elysée amuse les Français avec des comités Théodule tirés au sort pour remplacer une assemblée de godillots défaillants.
Jusqu’à présent, le pas décisif n’a pas été accompli : les Français, les médecins en particulier, résistent au fichage et au suivi permanent, ils refusent la discrimination fondée sur la vaccination, mais ces mesures sont néanmoins envisagées. La mise sous surveillance des Français est en marche. Elle serait la marque infamante d’une non-démocratie, d’un régime où la liberté et l’égalité sont devenues d’odieux mensonges à l’ombre de l’épidémie. (fin)
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