La réunion tant attendue du conseil de défense sanitaire ce 27 janvier, tenant lieu de conseil des ministres, s'est traduite par un désespérant message chèvre chou. En inventant l'expression d'efficacité relative, le porte-parole du gouvernement, ajoute un nouvel élément de langage qui ne veut rien dire à la riche panoplie de nos vaseux communicants. Gabriel Attal s'exprime en théorie au nom d'une instance constitutionnelle désormais occultée au mépris de la Constitution, puisque, sur le papier l'article 20 c'est "le Gouvernement [qui]détermine et conduit la politique de la Nation." Or, manifestement et publiquement ni le ministre de l'Éducation nationale, ni celui de l'Économie ne soutiennent les mesures qui s'annoncent en filigrane.
Et il semble même que le chef de l'État lui-même, du moins les médias en font courir le bruit, ne décolère pas devant les prises de position des instances qu'il a lui-même créées...
À vrai dire, la première chose qui frappe quand on observe la gestion gouvernementale, depuis le début, de cette crise sanitaire outre l'amateurisme, c'est le chaos des décisions et des incertitudes. Et celles-ci, dommageables et même ruineuses pour le moral des citoyens autant que pour l'économie
Ce n'est même plus une question d'équipe dirigeante : c'est aussi une question de fonctionnement et de multiplication folle des institutions centrales supposées régenter le pays de Dunkerque à Perpignan, et jusqu'à Mayotte.
Réagissant à notre plus récente chronique un de nos commentateurs les plus féconds objecte un argument auquel il convient de répondre. Le conseil de défense sanitaire, mis en place par le président de la république, sans être prévu par la constitution, ne l'enfreint certes pas pour autant.
Et il est vrai que, si l'on comptabilise les divers organismes habilités à concourir à la lutte contre la pandémie, on découvre : le Ministère de la Santé, la Direction Générale de la Santé, la Direction de la Santé Publique, Santé publique France, la Direction de la Haute Autorité de Santé, les Directions des Agences Régionales de Santé, la Direction de l'Agence Nationale Sanitaire, la Direction de l'Alliance Nationale pour les Sciences de la Vie et de la Santé, l'Agence Epidémiologie-France, le Centre National de Recherche Scientifique en Virologie Moléculaire, l'Agence Nationale de sécurité du médicament et de la Santé, le Conseil Scientifique de la Présidence de la République, le Haut-Commissariat de lutte contre les épidémies, le Haut Conseil de Veille Sanitaire, l'Agence Nationale de Sécurité de Logistique Médicale, auxquels s'est ajouté le 3 décembre le Haut conseil d'orientation pour la stratégie vaccinale sous la houlette d'Alain Fischer, le "Monsieur Vaccin" Covid-19 du gouvernement. Une belle réussite que celle ce Haut conseil.
Tous ces Monsieur Quelque Chose et tous ces diplômés en blouse blanche dont les médias sollicitent la confuse parole, au nom d'une Médecine française qui mérite mieux que cela, témoignent surtout d'un cafouillage généralisé.
Ainsi, passent les jours et les semaines et plus le désarroi de l'opinion se développe. La crise sanitaire maintient provisoirement sous le boisseau les capacités d'explosion immédiate. Mais elle contribue aussi à révéler la fermentation du mécontentement.
Certes une partie non négligeable des Français tente de se convaincre que, de toute manière, les ronchons et les opposants ne feraient pas mieux s'ils prenaient la place de nos technocrates. Cette frange d'opinion existera toujours. Les tragédies des deux derniers siècles nous montrent que, par temps calme, ce Marais peut donner l'illusion de la stabilité, mais que dès que le vent se lève, sa force d'inertie ne contribue même pas à maintenir l'ordre.
Ainsi le président, toujours fécond quand il s'agit de trouver une formule inadéquate a pu se gargariser de dénoncer ceux qu'il appelle 66 millions de procureurs. En démocratie, comment oublier pourtant que le peuple dans ses profondeurs, forme en dernier ressort 66 millions de juges. À s'en détourner, autant renoncer, pour le chef de l'État, à postuler pour une réélection en 2022.
On peut en effet pardonner les erreurs, puisque tout le monde en commet. On efface plus difficilement le sentiment de l'indécision et du cafouillage.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2021/01/crise-de-la-gouvernance.html