Comment je suis obligé d’autoriser la construction d’une école islamiste turque
Par Frédéric Burnier Framboret, maire d’Albertville
Le 7 avril, le tribunal administratif de Grenoble m’a condamné à signer un arrêté accordant le permis de construire d’une école privée portée par l’association Confédération islamique Millî Görüs (CIMG). Cette association est celle qui, actuellement, construit la mosquée de Strasbourg et qui fait partie des trois organisations ayant refusé de signer la charte des principes pour l’islam de France.
Le groupe scolaire envisagé comprendra 16 classes, un réfectoire, une cuisine, un gymnase. La capacité de cet établissement s’élèvera à 400 élèves au total, ce qui représente un quart des 1 200 écoliers de notre commune. Cette nouvelle école, de par son ampleur, aura des conséquences immédiates dramatiques : la fermeture de plusieurs classes, voire à terme d’une école publique, ainsi que la polarisation d’un quartier pour lequel je travaille depuis mon élection en 2017, afin d’y instaurer un vivre ensemble solidaire et harmonieux.
L’intention affichée du CIMG est de créer une école privée, prodiguant un enseignement « hors contrat », sur des bases et des valeurs premières qui ne sont pas celles de notre République. Cette construction d’école s’inscrit dans le projet global de la fédération européenne dépendant du CIMG : construire des écoles après avoir réalisé des mosquées. À Albertville, la mosquée a été achevée en 2014.
Ce projet est envisagé au cœur d’un quartier de 3 000 habitants, classé prioritaire au titre de la politique de la ville. L’État et les collectivités locales financent de nombreuses actions pour le renouvellement urbain du quartier dans le domaine du cadre de vie, de la cohésion sociale et du développement économique. Quatre orientations principales sont privilégiées : la jeunesse, la lutte contre les discriminations, l’égalité femme- homme, la citoyenneté et les valeurs de la République.
Voilà des faits, qui, lorsqu’on les met côte à côte, posent une vraie question sur le fonctionnement et la cohérence des moyens dont disposent nos institutions pour protéger notre République et faire respecter ses principes.
Pour l’élu local que je suis, maire d’une ville de 20 000 habitants située dans le dynamique département de la Savoie, ce projet d’école privée est en contradiction totale avec les objectifs de la convention de renouvellement urbain signée par les collectivités locales avec l’État en 2019. Cette convention prévoit, pour tout projet, l’adhésion aux valeurs de la République et la nécessaire collaboration des établissements scolaires publics. D’ailleurs, le principal groupe scolaire primaire existant est soutenu par des crédits pédagogiques nationaux pour qu’il devienne un des vecteurs d’attractivité du quartier. Un important projet municipal
de réhabilitation de plusieurs millions d’euros, subventionné en partie par l’État, est également en cours pour cet établissement, l’un des plus importants de Savoie.
Donc, d’un côté nous avons une organisation privée, confortée par une décision de justice pour mettre en œuvre un projet démesuré et inadapté au territoire, et qui revendique de par son appartenance ne pas vouloir s’intégrer dans un autre système. La crainte clairement exprimée de ses dirigeants est l’assimilation de la jeunesse turque aux valeurs républicaines de la France ; ils militent en faveur d’une partition territoriale qui polarise la vision de la société entre un « nous » et un « eux ».
J’ai rencontré deux fois le président national du CIMG France, Fatih Sarikir, lors de l’instruction du permis de construire et pendant le recours judiciaire. Celui-ci, défendant son projet démesuré, m’a expliqué la chance qu’avait Albertville d’avoir été choisie pour ce projet, et m’a également promis que ses portes seraient ouvertes pour les services de la ville et les habitants d’Albertville... Un monde inversé en quelque sorte, où le représentant d’un pays étranger devient l’aménageur et l’hôte de la cité laïque et républicaine sur son propre territoire.
De l’autre côté, nous avons l’État français, qui finance des projets ambitieux de réaménagement urbain et d’intégration, mais qui ne donne pas aux maires des moyens législatifs efficaces pour contrer et empêcher ce type d’implantations qui lui sont clairement en opposition et qui mettent en péril les fondements de notre société par l’éducation de nos enfants.
Entre les deux, des élus locaux en première ligne et au plus près des réalités mais démunis en pareille situation. Il est urgent que le Parlement adopte des dispositions législatives adaptées pour permettre aux maires de contrer l’installation d’associations ou des entreprises pilotées par des puissances étrangères qui favorisent une cristallisation identitaire au cœur de nos territoires.
Source : Le Figaro 9/04/2021