L’électeur ne sera pas dupe de cette déclaration qui suit – hasard ? – l’intervention d’Éric Zemmour sur LCI : l’Élysée veut abaisser le nombre de visas accordés aux ressortissants maghrébins. Quel virage ! Ou est passé le Macron défavorable à la politique des quotas qui jugeait la France impuissante à réguler les flux ? Souvenez-vous.
Lille, le 14 janvier 2017. Nous sommes en pleine campagne présidentielle et le candidat En Marche ! déclare solennellement : « Quand j’entends qu’on peut nous proposer, pour la énième fois, des quotas, mais c’est à supposer que lorsque les quotas ne sont pas respectés, on ait la main pour les faire respecter, ce n’est pas le cas aujourd’hui ! Donc je ne propose pas une politique idéologique en matière d’immigration, je propose une politique efficace, claire, menée avec nos partenaires européens, c’est cela notre projet. » Un mois plus tard, il confirme cette position face à la présidente de la CIMADE (association de soutien aux migrants, aux réfugiés et aux demandeurs d’asile) affirmant : « Je ne crois pas aux politiques de quotas, parce qu’on ne sait pas les faire respecter : déciderions-nous demain d’avoir un quota de Maliens ou de Sénégalais d’un côté, d’informaticiens, de bouchers de l’autre, comme certains le proposent, un tel dispositif serait quasiment impossible à piloter. »
Affirmations en parfaite cohérence avec son programme électoral de 2017 concernant l’asile et l’immigration. Ce programme ne comprenait que des mesures « utiles et positives » pour « stimuler l’immigration de la connaissance » : simplification de l’obtention des visas « talents » (concernant les créateurs d’entreprises, investisseurs, chercheurs ou artistes), traitement rapide des dossiers pour les professionnels ou les étudiants, mais rien sur les quotas. Et dans les faits, en 2018, le site d’informations Algeria Watch titre « Macron promet un visa moins contraignant pour les Algériens ». L’ambassadeur de France en Algérie répond, quant à lui, sur Algérie Éco, en janvier 2019 : « Il n’y a pas de quotas de visas pour les Algériens. »
Si Macron refuse alors l’obstacle, c’est que le mot « quotas » est piégé. En 2015, la diffusion de la photo du petit Syrien Aylan Kurdi, retrouvé mort à 3 ans sur une plage turque, a suscité l’émotion collective. Face à l’afflux de migrants, Orbán accusait les dirigeant européens d’être « incapables de contrôler la situation ». François Hollande et Angela Merkel accélèrent leurs démarches et choisissent leurs termes avec soin : ils préfèrent évoquer la « répartition des réfugiés » plutôt que des « quotas » de « migrants ».
En 2007, Nicolas Sarkozy défend cette idée d’une immigration choisie plutôt que subie. Mais durant son quinquennat, il n’atteindra jamais son objectif. En 2017, François Fillon s’y déclare favorable. Mais suite à sa défaite, changement de cap pour les LR qui décident d’assouplir ou de supprimer certaines de ses propositions. Ainsi, pour les législatives, il n’était « plus question de durcir le droit du sol ou les conditions d’octroi de la nationalité, ni le regroupement familial ». Seule Marine Le Pen n’a finalement jamais changé d’avis sur ce sujet. À la suite de son père qui a toujours prôné une politique de contrôle des frontières et de retour des immigrés, elle déclarait, en 2017 : « Je ferai un moratoire dans l’attente de la mise en œuvre de ces mesures qui vont permettre d’obtenir ce solde de 10.000, c’est un moratoire sur les visas longue durée qui va durer quelques semaines et permettre de savoir où on en est. »
Le futur président de la start-up nation ne résume donc plus sa politique migratoire à l’attrait des « talents ». Le chaos dans lequel est plongée la France et le positionnement sur l’immigration des candidats de droite l’incitent à durcir le ton. Enfin !
Iris Bridier