Voulus par le président de la République, Emmanuel Macron, et son Garde des sceaux, Eric Dupond-Morreti, Les Etats généraux de la justice ont été lancés le 18 octobre dernier et doivent durer jusqu’à la fin du mois de février 2022. Quelle place pour la Justice au sein de notre société ? Comment garantir un meilleur fonctionnement de l’institution pour une Justice plus rapide et plus efficace ? Les citoyens, les acteurs et les partenaires de la Justice sont invités à témoigner de leur expérience et à formuler des propositions concrètes pour bâtir la Justice de demain.
Tels sont les objectifs définis et annoncés par le chef de l’Etat.
Inutile de préciser que ce projet (l’un de ces nombreux théâtres de marionnettes imaginés par Emmanuel Macron pour détourner l’attention des Français de ses divagations et autres impostures) n’a pas convaincu notre ami Alain Texier, Garde des Sceaux, Conseiller à la Justice, aux Libertés publiques, aux devoirs et aux droits des Citoyens et Conseiller aux réformes institutionnelles du CER.
Voici le fruit de ses réflexions :
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Avant propos.
Je n’ai posé qu’une main tremblante sur ma souris au moment d’écrire cet article. Mon père , Jean Texier- qui n’était pas royaliste- ayant été Président d’un important tribunal de Grande Instance de Province pendant plusieurs dizaines d’années.
A propos d’un article du journal Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/02/l-executif-dans-l-embarras-face-a-la-bronca-des-magistrats_6104385_3224.html
Il n’y a que les républicains et l’actuel Garde des Sceaux, Maître Eric Dupond-Morreti l’est assurément, pour oser l’expérience de la réunion d’une plate-forme officielle des États généraux de la Justice certes organisés à l’initiative du président de la République. Car, comment ces éminentes personnalités peuvent-elle ignorer (en cette période de pandémie au Covid-19…) la charge virale attachée au concept même des Etats généraux (I) et comment pourraient–ils s’étonner des premiers « résultats » obtenus par ladite organisation (II).
I – L’étonnante postérité récente des Etats généraux de 1789.
Ceux-ci réunis à Versailles salle des Menus plaisirs du 5 mai 1789 au 27 juin 1789 (1 mois et 21 jours) n’ont en en pratique été que le prélude https://fr.wikipedia.org/wiki/États_généraux_de_1789 à la sanglante révolution dite française (https://www.sylmpedia.fr/index.php/La_r%C3%A9volution_dite_Fran%C3%A7aise).
Et pourtant n’a t’on pas vu fleurir ces dernières années particulièrement mais, bien entendu, pas exclusivement, un assez grand nombre d’autres « Etats généraux ».
États généraux permanents de la poésie, 2019
Etats généraux du numérique pour l’éducation ; 4 et 5 novembre 2020 : https://etatsgeneraux-education.fr
Etats généraux de l’Education ; Synthèse le 1er juillet 2021 : https://etatsgeneraux-education.fr
Etats Généraux des Festivals, à Toulouse, le 1er décembre 2021 : https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Troisieme-edition-des-Etats-Generaux-des-Festivals-a-Toulouse-le-1er-decembre-2021
Etats généraux de la santé en Mayenne (15 décembre 2021) : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/mayenne/sante-en-mayenne-des-etats-generaux-pour-panser-les-plaies-e5eb0af2-4625-11ec-ac19-c516ed4d7a4b
Etats généraux de la recherche comptable (16 décembre 2011) : https://www.economie.gouv.fr/deuxiemes-etats-generaux-recherche-comptable
Agriculture ; Etats généraux de l’installation et de la transmission, Été 2022 : https://www.bretagne.bzh/actualites/agriculture-ouverture-des-etats-generaux-de-linstallation-et-de-la-transmission/
II – la virulence des premiers résultats obtenus
Après s’être réjoui dans un premier temps : cette tribune tombe à point nommé, parce que les Etats généraux sont pour ces magistrats l’occasion d’exprimer les difficultés qu’ils rencontrent … Le Garde des Sceaux a du adopter un profil bas « J’ai une liste de doléances que je ne peux pas résoudre : les difficultés managériales, la répartition de la charge de travail, cela concerne leur relation avec leurs chefs de cour »,
De leur côté les magistrats n’ont pas cherché à cacher leur détresse « L’importante discordance entre notre volonté de rendre une justice de qualité et la réalité de notre quotidien fait perdre le sens à notre métier et crée une grande souffrance », une souffrance tellement grande qu’elle a conduit fin août 2021 au suicide d’une jeune magistrate en poste dans les Hauts-de-France.
Une vue synthétique de l’absence de résultats de ces consultations avortées de facto peut être trouvée dans les ligne suivantes : » Ils estiment que cela n’a rien changé à leur situation, qui a plutôt empiré, et se disent : consacrer une journée à ces Etats généraux, c’est une journée que je ne passerai pas à rédiger mes jugements, ce que l’on viendra me reprocher après. »
La crainte, arrivé à ce point de l’analyse, tient en peu de mots : si le Gouvernement n’a pas , là non plus, les moyens de satisfaire des demandes qui ne sauraient être toutes illégitimes., il ne faudrait pas que pour éteindre l’incendie qui couve le gouvernement tente de donner satisfaction à ses interlocuteurs en coupant le lien hiérarchique entre l’Etat et ses « procureurs ». Faire ceci contribuerait à déséquilibrer durablement la situation actuelle :
* Les victimes ont leur avocat (partie civile)
* Les accusés, les leurs,
* il n’y aurait plus alors que l’Etat à ne pas avoir de « défenseurs» c’est à dire de personnes revendiquant en son nom le prononcé d’une sanction destinée à réparer le trouble causé à la société par la violation des normes de droit positif.
Alain TEXIER. Garde des Sceaux du CER.
Le 4 décembre 2021.