La finesse d’esprit de M.Darmanin est déjà bien connue. Ne vient-il pas de dire que
« Pas un Français ne pense qu’Emmanuel Macron n’a pas été un bon président » (France Inter, dimanche 6 février) ?
C’est un peu comme si, de M.Castaner à M.Darmanin, il y avait une malédiction des ministres de l’intérieur macroneux.
Le samedi 5 février, le voilà qui intervient lors du FORIF (Forum de l’islam de [sic] France). Cet organisme dont il soutient la création et qui va remplacer le CFCM.
M.Darmanin et l’islam, c’est aussi une grande histoire. N’a-t-il pas déjà dit le 18 septembre 2020 à la grande mosquée de Paris que
« Au regard de l’histoire, s’il y a une religion qui a moins de difficulté à travailler avec la République, c’est l’islam… un dialogue plus facile, une discussion plus spontanée qu’avec les autres cultes » ?
Alors, face aux participants à ce Forum, il s’ingénie à nous la jouer conforme à la doxa (l’islam a toujours été Français et la France a des racines musulmanes) en ânonnant parfois des mots un peu trop compliqués pour lui, comme quand il commence en rappelant que « L’histoire de France, sans se répéter, s’est toujours comportée avec équanimité [= sérénité, flegme] dans les exigences qu’elle formule envers les religions… », comme amplement démontré tant lors de la période révolutionnaire que de celle des Inventaires et de la chasse aux Congrégations catholiques. Mais ce n’est pas grave, c’est juste Darmanin.
Reprenons le texte de son discours tel que proposé sur le site du Ministère de l’Intérieur :
« L’islam n’est ni une découverte, ni une surprise pour la France. Présence musulmane dans le sud de notre pays dès le 8ème siècle, échanges culturels et commerciaux à travers notre mer commune, la Méditerranée, orientalisme napoléonien et fascination scientifique pendant la campagne d’Egypte, conversion du général Abdallah, entreprise coloniale et sacrifice de dizaines de milliers de soldats musulmans morts pour la France : avant même les guerres mondiales, notre pays a depuis longtemps rencontré l’islam ».
La présence si précoce, la mer commune, les échanges culturels et commerciaux (ah, le bonheur de ces échanges commerciaux ayant abouti à une capture d’au moins 1,25 Millions d’Européens ; ah le bonheur de ces expéditions côtières qui ont si heureusement contraint les populations à se protéger dans des sites villageois en hauteur, aboutissant ainsi –merci les arabo-musulmans- au charme de ces villages si pittoresques…), la fascination scientifique (ah, cette fascination scientifique qui laisse discrètement accroire encore à l’apport inestimable voire essentiel de la civilisation arabo-musulmane dans toutes les sciences…).
Il se trouve, de façon intéressante, que seul le prononcé faisant foi comme disent les textes, M.Darmanin a encore enrichi son petit discours qui est ainsi devenu :
« Pour la France, l’islam n’est pas une découverte ; il n’a même jamais été une surprise. Présence musulmane dans le sud de notre pays en nombre dès le 8ème siècle, échanges culturels et commerciaux incessants à travers notre mer commune, la Méditerranée, orientalisme napoléonien et fascination scientifique pendant la campagne d’Egypte et même après, conversion du général d’Empire Abdallah, entreprise coloniale malheureusement et sacrifice de dizaines de milliers de soldats musulmans morts pour la France avant même les guerres mondiales, on pense aux [sic] guerres de Crimée, notre pays a depuis longtemps rencontré l’islam ».
Mais le plus intéressant peut-être dans ce discours fut la citation finale faite par le ministre. Il est en pleine péroraison jaculatoire :
« Lorsque je disais que l’Etat prendrait sa part pour faire respecter l’ordre public, il est aussi question de cela : garantir votre sécurité, celle de vos lieux de culte et ne jamais baisser la garde face aux actes antimusulmans malheureusement en augmentation. En augmentation car les discours de haine des populistes rejoignent le projet des islamistes : pousser à la guerre de tous contre tous, caricaturer, travestir pour finalement se faire opposer les uns aux autres dans une radicalité mortifère ».
Et le ministre d’ajouter alors :
« Aux dénonciateurs de mauvaise foi et de tout bord, vous me permettrez de répondre pour une dernière fois avec les mots de Napoléon rapportés par Pujol : « On dira que je viens détruire votre religion, ne les croyez pas. Je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs et je respecte Dieu, son prophète et le Coran » ».
Alors, vous pensez peut-être que cette citation vient de Napoléon parlant aux musulmans en France ? Un peu comme la célèbre citation du comte Stanislas de Clermont-Tonnerre dans son discours du 23 décembre 1789 sur l’assimilation, à propos des Juifs :
« Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus » ?
Eh bien pas du tout. Vous avez perdu. D’ailleurs, il n’y avait pas de musulmans en France. Ensuite, ce n’est pas Napoléon qui parlait mais le général Bonaparte parce que cette citation date de juillet 1798. Enfin, elle n’a pas été prononcée en France mais en Egypte, en terre arabo-musulmane et à destination de toute la population égyptienne. La citation complète aurait paraît-il été :
« Peuples de l’Egypte, on vous dit que je viens détruire votre religion, ne le croyez pas ! Répondez que je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs et que je respecte, plus que les Mamelucks, Dieu, son prophète et l’Alcoran… Tous les Egyptiens seront appelés à gérer toutes les places. ».
Et en effet, à peine débarqué à Alexandrie, Bonaparte essayait de se concilier la population arabe en feignant d’avoir pour seuls ennemis les mameluks turcs par lesquels l’Empire ottoman assurait sa domination sur l’Egypte.
On aura donc remarqué que M.Darmanin s’adresse aux représentants du culte musulman en France comme Bonaparte s’était adressé aux Egyptiens en Egypte. De là à penser que M.Darmanin voit déjà la France comme un pays arabo-musulman à organiser, il n’y a pas loin.
Et au fait, à propos du fameux discours du comte de Clermont-Tonnerre : on y trouve aussi cette phrase :
« Tout culte n’a qu’une preuve à faire, celle de la morale. S’il en est un qui ordonne le vol et l’incendie, il faut non seulement refuser l’éligibilité à ceux qui le professent mais encore les proscrire ».
Et si le culte promeut le meurtre (on rappellera le début du célèbre verset 33 de la sourate 5 : « La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre, c’est qu’ils soient tués ou crucifiés… »), on fait quoi ?