Les journalistes se sont montrés unanimement alarmistes en évoquant un “bombardement” de la centrale nucléaire de Zaporija en Ukraine. Ils ont malheureusement répété sans aucune vérification les déclarations du président ukrainien Zelinsky, dont l’objectif est de faire entrer en guerre les pays de l’Union européenne et les forces de l’OTAN.
Le manque flagrant de professionnalisme des journalistes français et leur subjectivité leur font perdre toute crédibilité dans la couverture de cette guerre. Les Français, qui ne sont pas en guerre contre la Russie, attendent des informations objectives, mesurées et équilibrées entre les propagandes massives qui viennent des deux camps.
Le magazine Défense et Sécurité Internationale (DSI) a publié un thread sur twitter pour faire le point sur cet incident et seuls Europe 1 et RTB Info (Belgique) ont repris ces éléments :
Zaporijia compte 6 réacteurs à eau pressurisée de 950 MW, en 6 tranches, avec à chaque fois un bâtiment de confinement (béton), des bâtiments auxiliaires accolés, le bâtiment du groupe turbine-alternateur-condensateur. Les approches de la centrale avaient été barricadées par les forces ukrainiennes.
Les images de combats montrent surtout des bâtiments administratifs, avec une progression terrestre, sans artillerie et sans aviation. Elle n’est donc pas “bombardée” et jusqu’à preuve du contraire, les bâtiments réacteurs ne le sont pas. S’ils l’étaient, est-ce un problème ?
La protection de ce genre de centrale repose sur plusieurs couches : l’enceinte de confinement ; la cage bétonnée où est installé le réacteur ; un certain nombre de cages pour les organes essentiels (pressuriseur, pompes primaires, générateurs de vapeur) ; le réacteur lui-même. Contrairement à Tchernobyl et aux réacteurs RBMK, les VVER (comme à Zaporijia) sont à eau pressurisée : la destruction du bâtiment turbine n’implique donc pas de fuite radioactive. C’est donc une question d’enceinte.
Chaque tranche est commandée depuis une salle de contrôle qui lui est propre. Si les VVER sont bien conçus, des sites annexes existent. Quatre boucles caloriporteuses par VVER. Ca laisse de la marge si l’une est touchée. Et des installations diesel pour continuer de faire tourner les pompes primaires, en plus d’une capacité à noyer le réacteur.
A ces aspects, il faut ajouter la pilotabilité : comme nos RPR, elle est assurée par des barres de contrôles commandées par une série de redondances. On n’est pas, comme à Tchernobyl, avec des barres pouvant être sorties et qui doivent être replacées manuellement pour cause d’essai… Bref, il est possible dans l’absolu qu’un bâtiment réacteur soit éventré dans les combats. Mais cela ne signifie pas en soi qu’un réacteur soit détruit, il en faut bien plus.
Autrement dit : oui, c’est inquiétant et inédit, mais du sang-froid ferait du bien. Ceci dit, pourquoi prendre une centrale, du point de vue russe ?
1/ pour la sécuriser (paradoxal, mais personne n’a envie d’être irradié),
2/ parce que Zaporijia fournit 50% de l’électricité de l’Ukraine.
Eteindre les réacteurs et couper le courant au motif de la sécurité, c’est un levier d’action extraordinairement stratégique, en particulier au regard des combats urbains à venir. Le combat va s’établir dans la durée, un tas de systèmes utilisent des batteries. Il y a des groupes électrogènes mais ils dépendent eux-mêmes des stocks de carburant… C’est dans la durée que se produisent les effets : essayez de faire tourner un hôpital, une chaîne TV, un PC opératif sans électricité, une fois que les électrogènes sont à sec et en attente d’être approvisionnés : difficile…
Nous avons besoin de calme, pas d’hystérie. Vraiment. Que la cause des Ukrainiens soit juste ne doit pas être un blanc-seing à des déclarations alarmistes dans le cadre d’une manœuvre informationnelle. Eux aussi opèrent dans ce champ et la prise d’un site nucléaire s’y prête bien.