Par Paul Tormenen, juriste et spécialiste des questions migratoires. Le 31 mars, une mère de famille de sept enfants originaire de Djibouti a été condamnée par les jurés de la cour d’assises de la Sarthe à une peine de prison avec sursis pour avoir fait exciser ses trois filles aînées. Cette affaire est une nouvelle illustration des contradictions de nos élites en matière migratoire : bien que l’asile pour échapper à une mutilation sexuelle soit consacré par la loi en France, notre pays est loin de pouvoir être considéré comme un refuge pour toutes les femmes face à ce risque.
Le risque de mutilation sexuelle : un droit de tirage illimité à s’installer en France
Le droit au statut de réfugié des jeunes filles et garçons exposés à un risque de mutilation sexuelle n’a cessé de se renforcer en France durant les dernières années, notamment depuis la loi du 29 juillet 2015 réformant l’asile et celle du 10 septembre 2018 relative à l’asile et l’immigration, adoptée par les députés LREM. Le droit au séjour des parents d’enfants mineurs reconnus comme réfugiés a également été facilité.
Le résultat ne s’est pas fait attendre : le nombre de bénéficiaires de la protection internationale pour ce motif a récemment très fortement progressé dans notre pays. Alors qu’il était de 7 300 en 2018, il atteignait 14 123 en 2021 (1). Un quasi-doublement en trois ans.
« Nous devons être fiers que la France soit aujourd’hui le premier pays d’asile pour les victimes d’excision », déclarait avec une fierté non dissimulée Marlène Schiappa en février 2021 (2). Ce satisfecit est pourtant, à l’examen, d’une naïveté confondante.
En France, l’excision en forte progression
La ministre déléguée à l’égalité entre les hommes et les femmes a beau s’enorgueillir que la France offre l’asile à des jeunes femmes exposées au risque le plus connu de mutilation sexuelle : l’excision. Il est une autre réalité beaucoup moins flatteuse dont l’immigration massive est l’une des conséquences : la pratique des mutilations sexuelles à grande échelle sur notre sol.
Selon les derniers chiffres communiqués à ce sujet, le nombre de femmes adultes excisées en France s’élève à 125 000 alors qu’il n’était que de 62 000 au milieu des années 2000 (3). S’il est difficile de déterminer si ces mutilations ont été pratiquées en France ou dans le pays d’origine des personnes concernées, plusieurs spécialistes de la question s’accordent pour constater l’ampleur de ce phénomène dans notre pays. À l’occasion d’une proposition de loi relative à la protection des enfants déposée au début de l’année 2022, des sénateurs soulignaient que « la France n’est pas épargnée par ces mutilations. En France, les mutilations sexuelles féminines concernent une partie des femmes migrantes originaires de pays où l’excision se pratique (Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso et Guinée principalement) ainsi que leurs filles (4). »
Ces éléments devraient amener à s’interroger sur les choix pris par nos gouvernants tant en matière d’asile que de politique migratoire.
Un potentiel de migration considérable
Les parlementaires LREM et de gauche ont-ils mesuré la portée du renforcement du droit de bénéficier de l’asile ou de la protection subsidiaire en France pour le motif du risque de mutilation sexuelle ?
Dans certains pays africains, le pourcentage de femmes mutilées atteint selon certaines estimations 90 %. Parmi les plus concernés figurent des pays francophones qui ont une importante diaspora en France : Mali, Côte d’Ivoire, Sénégal, Tchad (5). Le potentiel de migration pour ce motif est donc considérable, le choix de s’installer à plusieurs milliers de kilomètres de son pays natal pouvant être aussi, et parfois essentiellement, motivé par des considérations économiques.
Une fois arrivées sur le sol français, les jeunes filles menacées ou prétendant l’être sont-elles prémunies du risque de mutilation sexuelle ? Une association de prévention de l’excision estime que trois adolescentes sur dix qui vivent en France et dont les parents sont originaires d’un pays où se pratique traditionnellement l’excision sont menacées de mutilation (6).
De nombreux facteurs contribuent à la persistance de coutumes allogènes sur notre sol : l’écart culturel entre les autochtones et de nombreux immigrés, les revendications identitaires en réaction au modèle d’assimilation jugé « oppresseur », etc.
Mais n’est-ce pas avant tout l’origine et l’ampleur de l’immigration organisée par le gouvernement qui non seulement favorisent l’émergence d’isolats communautaristes, mais également une « assimilation à rebours » parmi les populations immigrées installées en France ?
La sagesse populaire commande de commencer par appliquer soi-même ce que nous professons à la terre entière. Pour le reste, on verra après. À tout le moins, n’est-ce pas ce que l’on devrait faire ?
Paul Tormenen 11/05/2022
(1) Chiffre 2019 extrait du plan national d’action visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines. Secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes. Juin 2019. Chiffre 2021 extrait du tweet de l’OFPRA du 8 mars 2022.
(2) « La France veut renforcer la protection des exilées victimes de mutilations sexuelles ». 20 minutes. 5 février 2021.
(3) « L’excision, en France aussi ». Elle. 13 septembre 2019.
(4) Proposition de loi n° 396 relative à la protection des enfants. Sénat. 26 janvier 2022.
(5) « Covid-19 : 2 millions d’excisions de plus sont à craindre d’ici 10 ans ». TV5 Monde. 6 février 2021.
(6) Proposition de loi visant à prévenir les risques de mutilations sexuelles. Exposé des motifs. Sénat. 18 janvier 2021.