L’affaire rebondit après la publication d’éléments de ce rapport confidentiel par le journal allemand Der Spiegel, rapport dont certains membres du Parlement européen réclament la publication à cor et à cri. Sur la forme, une fois de plus, un fonctionnaire en mal de reconnaissance journalistique, ou par militantisme idéologique, brise le secret professionnel. Sur le fond, rien de bien nouveau : les mêmes accusations de refoulement. Mais c’est l’occasion, pour certaines ONG, et notamment la Cimade, d’aller plus loin encore et de réclamer la suppression pure et simple de l’agence, la démission du directeur étant estimée comme insuffisante.
L’article 33 de la convention relative au statut des réfugiés de 1951 interdit d’expulser ou de refouler, « de quelque manière que ce soit », les réfugiés dont la vie ou la liberté seraient menacées, tout comme sont prohibées les « expulsions collectives d’étrangers ». Mais le Conseil de l’Europe tout comme la Cour européenne des droits de l’homme n’ont eu de cesse d’élargir les raisons de refuser les expulsions à la santé (arrêt Paposhvili c Belgique) ou au risque de persécution, que ce soit de caractère politique, religieux ou sexuel (arrêt Y. P. et L.P. c. France), la difficulté résidant dans l’appréciation du risque, au-delà de la torture, des agissements dégradants ou indignes auxquels pourraient être exposés les réfugiés de façon avérée.
On le sait, le droit international relatif aux réfugiés est de plus en plus détourné pour devenir le support de filières de migrations illégales. En effet, les réfugiés doivent bénéficier de procédures individualisées et avoir droit à une possibilité effective de recours. Autant de moyens pour les faux réfugiés mais vrais migrants illégaux de gagner du temps, de rendre leur retour plus difficile, voire de disparaître dans la nature et, bien sûr, de mobiliser les ONG favorables à l’entrée massive de migrants.
Sur le fond, le combat mené par la Cimade, France terre d’asile ou encore l’Open Society Foundations du spéculateur George Soros vise à détruire le droit des États souverains à accepter ou refuser les entrées de populations étrangères sur leur sol. Derrière le mythe du « citoyen du monde » qui n’est citoyen de nulle part se cache la volonté de détruire les nations comme lien d’ancrage des êtres humains et comme cadre naturel du gouvernement des hommes. Place au gouvernement par une nomenklatura mondialisée de masses d’individus indifférenciés, que l’on déplace d’un point à l’autre de la planète pour des raisons économiques. Pour cela, il convient de faire disparaître les nations, donc les frontières qui permettent d’identifier et de protéger des communautés humaines liées par une histoire propre, une culture partagée, des projets à bâtir ensemble.
Transformer Frontex en agence d’assistance aux migrants ou, mieux, la détruire, c’est, du même coup, détruire le mythe de « souveraineté européenne » cher à Macron. Car si l’Union européenne n’a plus le droit de garantir ses frontières, elle n’est plus qu’un espace économique d’arrivée et de transit, sans civilisation propre, sans dessein ni destin particuliers.
La volonté de certains, au sein même de l’Union européenne, d’abandonner tout contrôle effectif aux frontières ruine l’idée même d’Union européenne et ne peut avoir comme conséquence que la reconstitution des frontières internes. Dans sa soumission aux États-Unis, dans son désir inconsidéré de s’élargir en toute direction et jusqu’aux confins asiatiques, dans son refus de reconnaître les racines de sa civilisation, dans son angélisme migratoire censé compenser son effondrement démographique, l’Union européenne se condamne elle-même à n’être que ce vague objet international non identifié dont Henry Kissinger cherchait en vain le numéro de téléphone. Si Frontex doit être détruite comme Carthage afin de complaire à certaines ONG, c’est le mythe même de souveraineté européenne que l’on détruit. Faut-il vraiment s’en plaindre ?
Stéphane Buffetaut
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