S’il est régulièrement fait état par les médias de la criminalité désormais endémique qui touche les grandes agglomérations françaises, celle qui s’installe doucement mais sûrement dans nos villes petites et moyennes n’est que rarement abordée. En effet, à part quelques événements ou faits divers majeurs telles les émeutes de 2005 qui enflammèrent des villes jusque-là considérées comme sûres, rares sont les occasions d’entendre parler de ces petites préfectures ou sous-préfectures qui, désormais, alimentent régulièrement et de manière conséquente les statistiques de la délinquance.
Cette tendance à « l’ensauvagement » de territoires qui, il y a encore dix ou quinze ans, semblaient promis à une torpeur éternelle a pourtant de quoi inquiéter. Elle est, de fait, le résultat d’une généralisation de la délinquance dans notre pays qui, après avoir gangrené la totalité de nos métropoles, se répand insidieusement à la faveur des faiblesses et des erreurs de nos politiques de sécurité, et surtout de l’angélisme dont ont fait preuve de très nombreux élus durant cette période. De Blois à Alençon en passant par Évreux, Niort, Soissons et Fougères (et cette liste est loin d’être exhaustive), les « provinciaux » sont désormais rejoints par le crime et la violence dont ils se croyaient définitivement à l’abri parce qu’ayant fait le choix de résider à l’écart de la fureur des grandes cités.
Si l’on y regarde de près, il est facile de constater que ces villes qui furent un temps des havres de paix sont aujourd’hui touchées par les mêmes symptômes que ceux qui ont fini par rendre la vie impossible au sein des métropoles. Augmentation significative des populations, notamment étrangères, ghettoïsation, développement des communautarismes et difficultés sociales et économiques ont eu raison des vieilles solidarités qui caractérisaient la province, il n’y a pas si longtemps encore, et la protégeaient.
Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, c’est un type de criminalité identique à celui des grandes villes qui a fini par s’installer. Essentiellement lié aux trafics de stupéfiants, des quartiers entiers se sont peu à peu marginalisés, permettant ainsi l’émergence de bandes criminelles organisées qui font maintenant régner leur loi sur des habitants apeurés, désorientés et dépassés par les événements.
Les services de police, durant cette même période, n’ont que peu évolué. Les effectifs sont restés anémiques et les moyens, le plus souvent réservés aux grandes agglomérations, ont eu du mal à suivre. Ainsi, des villes de plusieurs dizaines de milliers d’habitants continuent d’être sécurisées avec seulement quelques dizaines de policiers qui se retrouvent parfois la nuit à moins d’une douzaine pour tenter de faire régner l’ordre et la paix publics. Inutile de dire que, dans ce contexte, le pire est certainement encore à venir !
Mais au-delà des villes dites « moyennes », c’est également le sort de nos campagnes qui devient préoccupant. Avec une progression de 8 % des faits constatés en 2021, le monde rural se trouve également confronté à une explosion des infractions violentes, des cambriolages, des vols de voiture et des actes de vandalisme. Les élus eux-mêmes, lorsqu’ils tentent d’intervenir, sont de plus en plus souvent pris à partie et parfois même sévèrement molestés.
L’insécurité, après s’être ancrée dans nos grandes métropoles, telle une hydre, prend peu à peu possession de notre pays dans ses moindres recoins. Les initiatives récemment prises par les ministres de l’Intérieur et de la Justice sont notoirement insuffisantes. Faites pour les besoins de la communication gouvernementale, elles manquent d’ambition, de fermeté et de pragmatisme. À n'en pas douter, tout reste à faire.
Olivier Damien