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La croissance de l’économie russe fait mentir Ursula von der Leyen

La présidente de la Commission européenne, accompagnée d’une quinzaine de commissaires européens, se rendait à Kiev, le 2 février dernier, afin de renouveler son soutien au gouvernement ukrainien. Il s’agissait, pour Bruxelles, d’envoyer un « signal fort ».

On avait commencé par parler gros sous, comme d’habitude, avec les milliards que l’Union européenne dispense sans compter et, surtout, sans s’interroger sur leur destination finale malgré les affaires de corruption qui ont récemment visé plusieurs hauts dignitaires du régime, et notamment le vice-ministre de la Défense ukrainien, Viatcheslav Chapovalov.

Rien de bien grave, juste une histoire de surfacturation massive de produits alimentaires destinés à l’armée. Une escroquerie estimée quand même à 330 millions de dollars. Le journal Le Monde, le 24 janvier dernier, rapportait que la première réaction du ministère de la Défense avait été de nier les faits et que le SBU (services de sécurité ukrainien) avait été immédiatement chargé d’enquêter sur la « publication de fausses informations nuisant aux intérêts de la défense ».

Le ministre de la Défense ukrainien, Oleksii Reznikov, avait, quant à lui, plaidé l’« erreur technique » au sujet du contrat incriminé, tout en menaçant ouvertement le lanceur d’alerte à l’origine des fuites dans la presse : il aurait à « répondre de ses actes ».

Rétrospectivement, on a vraiment hâte de retrouver tout ce beau monde au sein de l’Union européenne.  se donne, en tout cas, beaucoup de mal pour cela. C’était d’ailleurs tout le sens de ce sommet à Kiev : construire le chemin de l’ vers l'UE.

Autre point au cœur des discussions, la Russie, bien entendu. D’un côté, réaffirmer à Volodymyr Zelensky la volonté de continuer à sanctionner Moscou, de l’autre, rassurer des Européens confrontés à l’inflation et au risque de voir leurs économies basculer.  avait donc été très claire : nos sacrifices n’étaient pas vains. En l’écoutant, on retrouvait même les accents triomphalistes de Bruno Le Maire, en mars 2022, lorsqu’il nous annonçait l’effondrement imminent de l’économie russe.

La présidente de la Commission l’affirmait, nous pouvions nous en réjouir, l’objectif avait été atteint : « Aujourd'hui, la Russie paie un lourd tribut, car nos sanctions érodent son économie, la faisant reculer d'une génération. » D’une génération, pas moins. Il fallait à  un sacré aplomb pour affirmer cela.

Quelques jours auparavant, le FMI, que l’on accusera difficilement d’être à la solde du Kremlin, avait publié ses « perspectives de l’économie mondiale ». Elles prévoyaient, pour la Russie, un retour de la croissance en 2023 et une croissance supérieure à celle de la zone euro en 2024 (2,1 % contre 1,6 %). Après neuf paquets de sanctions de l’Union européenne !

« Alors que l'Europe souffre des conséquences de la rupture avec Moscou depuis l'invasion de l' le 24 février 20222, l'économie russe fléchit mais tient le choccommentait pudiquement La Tribune, le 31 janvier dernier. Malgré les sanctions occidentales mises en place depuis près d'un an, l'économie russe ne s'est pas effondrée. » Outre-Atlantique, le New York Times était plus direct : « La croissance économique de la Russie suggère que les sanctions occidentales ont un impact limité. »

Un aveu que la presse européenne ne semblait manifestement pas pressée de partager. Le journal Le Monde, au même moment, publiait ainsi un article intitulé « Croissance mondiale : le FMI un peu moins pessimiste qu’à l’automne ». En bas de page, on trouvait ce commentaire : « Même la situation de la Russie ne s’annonce pas aussi mauvaise qu’anticipé. La contraction de son PIB se limitera à 2,2 % grâce à un important effort budgétaire de relance et au maintien de ses volumes d’exportation de pétrole. »

Au printemps 2022, le FMI avait, en effet, anticipé une chute de 8,5 % du PIB russe en 2022. L’article du Monde se gardait bien, cependant, d’annoncer les prévisions de croissance pour cette année et l’année suivante.

On décernera néanmoins la palme d'or de la mauvaise foi à Libération qui, dans un article de ce 5 février dernier, a trouvé une solution beaucoup plus simple : non pas seulement ignorer les nouveaux chiffres du FMI qui annoncent la croissance de l’économie russe dès cette année mais utiliser ceux publiés en octobre dernier qui continuaient à tabler sur une récession. Ce qui permet d’indiquer, pour 2023, une prévision de récession de -2,3 % alors que les derniers chiffres du FMI évoquent désormais une prévision de croissance pour la Russie de +2,1 %. Contourner la vérité est tout un art !

Dans un article du 20 décembre dernier, publié sur le site Les Crises, l’économiste Jacques Sapir avait proposé une analyse fouillée de l’état de l’économie russe. « À court terme, admettait-il, les sanctions ont bien eu un effet, la récession en témoigne, mais cet effet est resté très limité. Si l’on compare les objectifs affichés par les principaux responsables occidentaux, objectifs qui allaient de provoquer l’arrêt des combats à l’effondrement de l’économie russe, à la réalité actuelle, on peut même parler d’échec grossier. »

Après les propos tenus par , on ne peut donc que s’interroger : où sont passés les fact-checkers ?

Frédéric Lassez

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