En 2021, la Justice a été saisie de 4,5 millions de plaintes et procès-verbaux. 9 affaires sur 10 portées à la connaissance des juges provenaient des services de police ou de gendarmerie. Ces dossiers concernaient des atteintes aux biens pour 39 %, des atteintes aux personnes pour 29 %, des infractions à la circulation pour 16 %. Le reste concernait divers autres crimes, délits ou contraventions. Sur l’ensemble de ces procédures, 7 sur 10 ont été considérées comme non poursuivables et ont donc été classées sans suite pour diverses raisons. Ainsi, seulement 3 infractions sur 10 ont fait l’objet d’un traitement judiciaire et, le plus souvent, ont abouti à la condamnation de l’auteur de l’infraction concernée.
On le voit donc, seule une partie infime des crimes, délits et contraventions portés à la connaissance de la Justice aboutit à une sanction pénale. Encore faut-il souligner que par sanction pénale, ce n’est pas forcément une peine de prison ou une amende qui est prononcée.
C’est dans ce contexte que policiers et gendarmes sont amenés à prendre des plaintes. Rappelons que les officiers ou agents de police judiciaire ont l’obligation, selon les dispositions de l’article 15-3 du Code de procédure pénale, de recevoir la plainte même si le service est incompétent. Par ailleurs, la plainte doit être prise, quel que soit le lieu de commission de l’infraction, quel que soit le lieu de résidence de la victime, et ce, qu’il existe ou non des éléments de preuve au moment de déposer plainte. Une fois recueillie, la plainte est transmise au procureur de la République qui reste seul maître de « l’opportunité des poursuites ». À noter, cependant, qu’un classement sans suite par le procureur ne met pas fin à une affaire pénale qui peut toujours être reprise si des éléments nouveaux apparaissent.
Une fois posé ce contexte, force est de constater qu’il arrive parfois que des justiciables soient éconduits lors de leur démarche dans un commissariat ou une gendarmerie. Méconnaissance de la loi (ça arrive malheureusement), incompétence, refus d’exécuter une mission peu gratifiante, les raisons de ce comportement anormal de certains fonctionnaires ou militaires, heureusement très minoritaires, ne sauraient dissimuler d’autres difficultés liées au fonctionnement de ces institutions.
Les incitations justifiées à déposer plainte ainsi que les moyens modernes mis à la disposition des justiciables, pré-plainte en ligne par exemple, ont conduit à une hausse sans précédent de cette démarche. Pourtant, les moyens humains n’ont pas suivi et certains services de police ou de gendarmerie sont aujourd’hui débordés par un flux procédural qui ne cesse de croître. Croulant sous le nombre et la complexité des normes légales, policiers et gendarmes passent, pour certains, désormais plus de temps derrière leur bureau que sur le terrain.
C’est, une fois encore, tout un système qu’il conviendrait de réformer. Augmenter le nombre d’agents habilités à prendre les plaintes, simplifier au maximum le formalisme procédural, recourir massivement à l’amende forfaitaire pour les infractions les moins graves, abolir et remplacer l’obligation du dépôt de plainte actuellement exigé par certains organismes, telles sont notamment les quelques pistes qui pourraient être suivies. En tout état de cause, parvenu à son paroxysme, le système actuellement en vigueur a atteint ses limites.
Olivier Damien